Lycées. Recul du bio dans les cantines bretonnes

Découpage de légumes dans une cantine d'Ille-et-Vilaine © Agrobio 35

Alors que le prix des denrées alimentaires explosent, les lycées bretons choisissent de réduire la part du bio pour tenir les budgets que la Région Bretagne leur propose. Une situation dramatique tant on sait que la commande publique aide à la structuration des filières. Or, on commence à voir des paysans se déconventionner…

Le Conseil régional de Bretagne s’est engagé en 2017 dans la Breizh Cop, un projet d’envergure, qualifié de « grand projet collectif » par le président Loig Chesnais-Girard, et qui visait à écrire «  l’avenir et le développement durable de la région Bretagne à l’horizon 2040  ».

Quand la Région régale, la filière agricole bretonne travaille

Pour mettre en œuvre ses ambitieuses propositions dans le domaine de l’alimentation, la Région s’est dotée de l’outil Breizh Alim. Il faut dire que l’enjeu est de taille pour la Région Bretagne : elle produit dans les 115 lycées publics bretons plus de 10 millions de repas par an. Alors quand les acteurs de la collectivité produisent autant de repas de qualité avec un approvisionnement local, c’est l’ensemble de la filière agricole bretonne qui en bénéficie.

La loi EGALIM 2 demande à la restauration collective un approvisionnement de 50 % de produits de qualité labellisés, dont 20 % de produits estampillés « Agriculture Biologique ». La Région Bretagne a voulu mieux : elle a lancé dans l’ensemble des lycées le programme « Bien-manger » et s’est pourvu de sa propre charte de qualité pour la restauration. Elle garantit aux lycéens des repas faits maison, sains et équilibrés.

Le programme « Bien-manger » marche sur des œufs

À grand renfort de communication, la Région a fait la promotion des actions mises en place. Les vidéos « Les pieds dans l’plat » avec des personnalités bretonnes en sont un bon exemple. C’est ainsi que, en pleine campagne des élections régionales, sur ce projet, dont les objectifs d’ailleurs n’étaient pas atteints, le Conseil régional de Bretagne a été lauréat 2021 aux Victoires des acteurs publics.

Du 13 au 15 février a lieu un moment crucial de la vie de la collectivité territoriale : le vote du budget 2023. Nul doute que, dans le contexte actuel de crise de l’énergie et d’inflation, la séance devrait être animée. La Région Bretagne pourra-t-elle tenir ses ambitieux objectifs en matière d’alimentation dans les lycées ? Dans la délibération transmise aux élus en amont des débats, c’est ce qu’elle affirme. Et même – cela semble un tour de force – sans augmenter le budget.

Face à l’inflation, la débrouillardise des cantiniers

En mars 2022, l’assemblée bretonne a voté une tarification unique pour les repas dans les lycées. Le prix de production du repas pour les équipes de restauration est fixé à 2,70 €. Ce tarif comprend les denrées alimentaires, les énergies et les fluides (eau, électricité, chauffage…). Le nouveau budget ne prévoit pas d’augmentation du coût de production du repas. Il n’aura pourtant échappé à personne que, d’une part, le prix des denrées alimentaires ont grimpé et que, d’autre part, le tarif des énergies a explosé.

Depuis plusieurs mois, les professionnels de la restauration des lycées ne cessent de faire preuve d’ingéniosité et de débrouillardise pour maintenir la qualité des repas à budget constant : lutte contre le gaspillage alimentaire, formation, vigilance accrue lors des commandes, retrait du superflu… mais la méthode a ses limites.

+13,2 % des prix de l’alimentaire, +55 % des prix de l’énergie

Rappelons deux chiffres simples : au cours de l’année 2022, les tarifs de l’énergie ont en moyenne augmenté de 55 %. Les lycées subissent cette augmentation de plein fouet et, bien entendu, le prix donné pour chaque repas s’en trouve amplifié.

Les majorations du tarif de l’énergie ont fini par impacter le prix des denrées alimentaires qui, en un an, a augmenté de 13,2 %, se situant même 26 % au-dessus des tarifs de 2019 selon les derniers chiffres de l’Insee. Les Français ne s’y sont pas trompés puisque, pour la première fois depuis 1960, la consommation des produits alimentaires a diminué de 4,6 %.

Comment, dans ces conditions, la Région peut-elle prétendre maintenir la qualité des repas à budget constant ? Les agents des lycées ne font pas de magie. Le 1er février, Nil Caouissin, co-président du groupe d’opposition Breizh a-gleiz, qui rassemble l’Union démocratique bretonne (UDB) et Ensemble sur nos territoires (ESNT) sur les bancs de l’assemblée régionale, a annoncé mettre le sujet à l’ordre du jour du Conseil régional cette semaine.

5 M€ de plus pour la restauration dans les lycées publics

Dans sa proposition, le groupe invite la majorité de Loig Chesnais-Girard à se donner les moyens de ses ambitions : « Mener une politique publique, c’est faire des choix et les assumer. Si la Région Bretagne, qui se veut d’avant-garde, souhaite continuer d’avancer en matière de bien-manger, elle doit y mettre les moyens et augmenter le prix du repas pour absorber l’inflation. »

Avec l’appui du groupe écologiste, l’UDB et ESNT proposent donc d’abonder de 5 M€ le budget destiné à la restauration dans les lycées publics. Pour ce faire, afin de rester sur la même enveloppe totale et ne pas endetter la collectivité, le groupe a bougé les lignes budgétaires 2023. Il propose par exemple de moins financer l’attractivité touristique du littoral breton, expliquant qu’il n’a pas besoin d’autant pour attirer. Selon Nil Caouissin, « Si la Région Bretagne choisit le “moins bien manger” pour faire des économies, elle doit avoir l’honnêteté de le reconnaître ».

> Ar Skridaozerezh / La Rédaction

Rédaction. Le Peuple breton est un site d'information en ligne et un magazine d'actualité mensuel – en français et en breton – imprimé à 4 000 exemplaires chaque mois. Ils sont tous deux édités par Les Presses populaires de Bretagne, maison d'édition associative basée à Saint-Brieuc. L'équipe de la rédaction, entièrement bénévole, est animée par une centaine de rédacteurs réguliers dont des journalistes professionnels.