Dans un récent reportage de France 3, le gestionnaire de Saint Cyr Coetquidan, école militaire servant 600000 repas chaque année, déplorait de ne pouvoir commander que 20 % de ses besoins sur le marché local, le code des marchés publics lui interdisant dʼaller au-delà. Dans ces conditions, impossible de sʼapprovisionner de façon responsable et en prenant à coeur la qualité. Et malgré 100 % de viande certifiée française, même lʼarmée française ne peut échapper à la sacro-sainte « concurrence ». Or, il semble logique quʼun produit fabriqué à bas coût et de qualité médiocre coûte moins cher quʼun produit fabriqué selon la réglementation sociale en vigueur en France et dans des conditions de respect de lʼenvironnement.
Néanmoins, certaines collectivités bretonnes nʼont pas attendu une nouvelle donne législative pour sʼemparer du sujet. La Gazette des communes titrait hier sur le fait que la ville de Rennes et ses deux millions de repas servis chaque année se lance dans lʼachat local pour la restauration municipale. La qualité des produits est un critère de choix même sʼil nʼest pas toujours évident de suivre cette voie du fait de la rigidité des appels dʼoffre en France. La Gazette des communes explique que « début juillet, un marché public « expérimental et innovant » a été attribué. Il permet à la Ville de Rennes de garantir l’achat de produits locaux, tout en contribuant à soutenir et développer une agriculture responsable et durable. L’objet même du marché est la protection de la réserve en eau du territoire, en lien avec la Collectivité Eau du bassin rennais ». En somme, il sʼagit, en attendant de meilleures dispositions législatives, de trouver les critères qui permettent de contourner la concurrence (déloyale) entre producteurs locaux et centrales dʼachat. « L’augmentation de la part des produits bio dans les menus des cantine est ainsi passée de 7 % en 2014 à 13 % en 2015, avec un objectif à 20 % » détaille la Gazette des communes.
Structurer une filière à partir de la restauration collective, cʼest également ce que fait la ville de Lorient depuis de nombreuses années. Yann Syz, adjoint à la santé UDB de la ville, explique : « Le bio dans la restauration scolaire à Lorient représente 34 % des achats à lʼannée pour plus de 4000 repas par jour [Lorient livre également Inzinzac Lochrist et Auray]. 80 % de ce bio vient du bio régional et si on y ajoute le poisson frais acheté sur le port de Lorient, cela représente 400000 € par an injectés dans lʼéconomie régionale ». Et lʼélu de poursuivre : « Si lʼessentiel vient dʼintermédiaires ou de transformateurs, la commune collabore aussi avec des producteurs du pays de Lorient en direct. Je pense à une laiterie dʼInzinzac Lochrist à qui nous achetons des yaourts bio par exemple. Le temps quʼelle obtienne son label, nous avions dʼailleurs fait le choix dʼacheter ses produits au prix du bio ». Lʼélu se plaint malgré tout de la faible conversion en bio des professionnels malgré la demande. Autre difficulté, la faible organisation de cette filière pour faire face aux impératifs de la restauration collective : « En fruits et légumes par exemple, nous ne passons plus pour lʼinstant par le GAB car ils nʼont pas de légumerie [lieu où les légumes sont lavés, éplucher, découpés…] ». On sait en effet que les collectivités, de par la difficulté de gestion quʼelles connaissent, ont besoin de sʼadresser à des producteurs susceptibles de fournir en quantité. Les exploitations bio étant de tailles modestes, il est donc nécessaire que ces acteurs sʼentendent et sʼorganisent pour livrer le tout en une seule fois. Point positif, les communes de Lanester et Ploemeur ont emboîté le pas à Lorient depuis peu…
Autre commune précurseure, celle de Langouët, 600 habitants. Lors des rencontres professionnelles de lʼAgence bio du 9 juin 2015, son maire, Daniel Cueff, a expliqué la génèse de la cantine « 100 % bio » créée dans la commune il y a maintenant une dizaine dʼannées : « Tout ce qui est frais est issu du territoire et tout ce que nous ne produisons pas sur place nous est fourni par la coopérative dʼachat des biocoop » a expliqué le maire de cette toute petite commune du Val dʼIlle. « En organisant les menus, nous nous sommes aperçus que non seulement nous nʼétions pas plus cher, mais moins cher ». De 5,31 € il y a 10 ans le prix du repas tout payé (charges comprises) à 5,41 € aujourdʼhui, en prenant en compte lʼinflation, la commune a en effet fait des économies tout en sʼinscrivant dans une démarche écologique. Le secret : lʼimplication des agriculteurs dans le processus.
Saisonnalité, proximité, qualité : trois recettes qui permettront à la profession agricole de faire face à leurs difficultés et de vivre de leur travail. De ce point de vue, lʼexemplarité des repas servis dans ces cantines permet de consolider des filières locales (bio ou non)… et de faire tâche dʼhuile ? Avis aux élus, voilà un enjeu important pour la Bretagne !