Centenaire du festival de Cornouaille : quelle décoiffante édition !

Collages muraux réalisés à Quimper par la confédération Kenleur à l'occasion du centenaire du Cornouaille © Philippe Cousin

Cent ans ! Cent ans déjà que Quimper résonne tous les étés au son de la musique bretonne pendant le festival de Cornouaille. Un centenaire, ça n’arrive pas si souvent… « Le Cornouaille », comme il est de coutume de le nommer par ici, est avec les Filets bleus (à Concarneau du 11 au 15 août), l’un des plus anciens festivals de Bretagne. Retour sur 5 jours de fête, vus par notre chroniqueur Philippe Cousin.

Du mercredi 19 au dimanche 23 juillet, c’est à cinq jours de fête que le public était convié. Un festival pour lequel la tête d’affiche était la danse et le fest-noz. Un festival sans grosse tête d’affiche internationale mais recentré sur la culture bretonne ; un festival « pur beurre » pour paraphraser le directeur du Cornouaille, où la danse occupait le devant de la scène et un parquet géant de près de 1 000 m².

C’est ainsi que, tous les soirs, la place de la Résistance résonnait de la musique à danser distillée par une foule de groupes, sonneurs et chanteurs divers et variés, originaires des cinq départements bretons. Qu’on en juge un peu : Landat-Moisson Quartet, Beat Bouet Trio, Heson, Guégan/Jaffré, War Sav 7tet, Suprême Folklore #01, Arvest, Nij, Ducasse, Modkozmik Galactik, Eben, Ourawen, Quéré/Le Menn, Stong, Braan…

Avec, cerise sur le gâteau, le « fest-noz du siècle » le dimanche de clôture, mené de main de maître par la chanteuse Rozenn Talec qui avait pour l’occasion invité l’élite de la scène bretonne : vingt-cinq groupes, sonneurs et musiciens dont son partenaire habituel Yannick Noguet, Sylvain Hamon ou le couple Tymen/Kerveillant. Et à l’occasion duquel plus de 2 800 danseurs étaient venus communier ensemble et fêter une dernière fois le centième anniversaire du Cornouaille.

Dan Ar Braz et la fanfare de Noyal-Muzillac au festival de Cornouaille 2023 © Philippe Cousin

À côté de la danse et du fest-noz, on a pu applaudir les musiciens par qui tout a débuté à l’aube des années 1970. Dan Ar Braz a eu l’honneur de débuter cette édition 2023 par une création avec la fanfare de Noyal-Muzillac. Le guitariste quimpérois aime à rassembler autour de lui dans un esprit d’ouverture. Ainsi, en 1993 à l’occasion des 70 ans du festival, il célébrait l’Héritage des Celtes avec le succès que l’on sait. Cette fois, assez inattendu, c’est avec une fanfare XXL qu’il collaborait. Original et décoiffant.

Juste avant Dan, la jeune et charmante Aziliz Manrow ouvrait la soirée, tout en poésie, proposant des textes de sa composition en anglais, en breton et en français.
Et à la suite du paternel, c’est Yuna Le Braz, alias DJ Wonderbraz, qui mettait le feu avec ses platines aux côtés du DJ Tom Saouz, offrant un set concocté pour la soirée, un mélange unique allant des musiques celtiques aux sonorités arabisantes, embarquant les auditeurs dans un voyage multiculturel. 

Aziliz Manrow au festival de Cornouaille 2023 © Philippe Cousin

Le lendemain, sous les frondaisons du jardin de l’Évêché, c’est Gilles Servat qui se produisait en mode acoustique accompagné de son seul guitariste et complice Patrick Audouin. Un concert qui déclencha un tonnerre d’applaudissements et une longue standing ovation.

Avant Gilles Servat, Clarisse Lavanant réussissait elle aussi à déclencher une ovation méritée après avoir déroulé un florilège de quelques-uns de ses succès. Un choix de textes en français et surtout en breton, à la coloration nettement engagée, avec pour final le « Bro gozh ma zadoù » qu’elle faisait reprendre par les spectateurs.

Clarisse Lavanant au festival de Cornouaille 2023 © Philippe Cousin

Puis pour clore la soirée, Sylvain Giro et Le Chant de la griffe, lui-même accompagné par un quatuor mixte de chanteurs et un unique musicien. Une prestation, il faut bien l’avouer, un peu singulière, qui n’a pas été récompensée comme il se doit par un public de plus en plus clairsemé. Il faut dire que passer après Clarisse Lavanant et Gilles Servat relevait d’un challenge risqué.

Le samedi, c’est le père du revival breton, Alan Stivell, qui donnait un concert intimiste sous les voûtes de la cathédrale de Quimper, accompagné d’un seul musicien aux claviers. Une soirée de toute beauté qui renouait avec de nombreuses chansons de son répertoire plus ancien : « An kimiad », « Spered hollvedel », « Brian Boru », « Caitlín Tiriall » et bien entendu « Tri martelod ».

Alan Stivell au festival de Cornouaille 2023 © Philippe Biraud

Et le dimanche, dans le même cadre de la cathédrale, on avait le bonheur d’applaudir Denez qui pour l’occasion jouait une grande partie de son dernier album, de superbes gwerzioù mises en valeur par les musiciens qui l’accompagnent sur cet album : Jonathan Dour au violon, Mathilde Chevrel au violoncelle, Jean-Baptiste Henry au bandonéon, Antoine Lahay à la guitare et Cyrille Bonneau aux saxo soprano, cornemuse écossaise, veuze et duduk. Citons « Iwan Gamus », « Marv ma mestrez », « Soudard ar Fur », « Ar bugel koar », « Bosenn Eliant », pour finir par « E ti Eliz Iza ». Un moment magique et hors du temps.

Par ailleurs, la scène de la Résistance accueillait des apéro-concerts en début de soirée. Red Cardell s’y produisait le jeudi soir. Jean-Pierre Riou et ses complices étaient accompagnés pour l’occasion par leur ami l’accordéoniste Fred Guichen. Comme à l’accoutumée, un concert énergique, survitaminé et décoiffant qui reprenait leurs titres les plus célèbres.

Red Cardell au festival de Cornouaille 2023 © Philippe Cousin

Le lendemain, changement de décor avec Annie Ebrel, elle-même accompagnée de Ronan Pellen au cistre, Clément Dallot aux claviers et Daravan Souvanna à la basse. Encore un moment particulier avec un public suspendu à la voix cristalline de la chanteuse du Kreiz Breizh.

Annie Ebrel au festival de Cornouaille 2023 © Philippe Cousin

Il faudrait encore mentionner l’université d’été qui chaque matin réunissait un nombreux public. Les nombreux concours, défilés, prestations des cercles et des bagadoù, enfants comme adultes. Et puis quelques innovations originales comme une randonnée musicale, menée par l’accordéoniste Hyacinthe Le Hénaff et son complice Malo Kervern, qui entraînaient à leur suite des passionnés à la découverte des mines d’or de la région quimpéroise.

Et puis le centenaire du festival fut l’occasion d’inaugurer la statue de sainte Aziliz, patronne des musiciens. Sculptée par l’artiste Lucille Le Roy, haute de 3,10 mètres et pesant 4 tonnes, elle rejoindra ses consœurs de la Vallée des saints en septembre.

Enfin, pour clôturer ces cinq jours de fête, le grand défilé des gizioù le dimanche, gratuit cette année. Un défilé de deux heures à travers la ville, sous les yeux émerveillés d’un public venu en nombre. Un petit reproche toutefois au moment du bilan, reproche entendu maintes fois dans la ville, la quasi-absence de restauration sur le festival, à l’exception des stands de crêpes et d’un stand de saucisses-frites. Nombreux ont été les touristes déroutés par ce manque.

Au final, une bien belle édition qui permet au festival d’entrer par la grande porte pour entamer les cent prochaines années.

Le résumé en image, sur un « pilé » de Suprême Folklore #01, qui a fusionné pour l’occasion les groupes Ndiaz et Fleuves © Festival de Cornouaille

> Philippe Cousin

Journaliste musical. Passionné de musique celtique, Philippe Cousin écrit des articles et chroniques toujours attendus. Il tient sa propre rubrique depuis plus de 30 ans dans Le Peuple breton et écrit régulièrement dans Irish Music Magazine, un mensuel irlandais. Il participe aussi au webzine 5planetes.com, a écrit pour les magazines Univers celtes et Musiques celtiques et a collaboré pendant 20 ans à Trad magazine. [Lire ses articles]