Catalogne. Ponsatí repousse le juge espagnol et fait suspendre son mandat d’arrêt

Clara Ponsatí à Barcelone, devant la permanence des eurodéputés catalans, le 23 avril 2023 © Junts i Lliures per Europa

Lundi 24 avril, le juge espagnol Pablo Llarena, l’un des principaux magistrats en charge de la répression contre les indépendantistes catalans, avait convoqué la députée européenne Clara Ponsatí à Madrid pour l’inculper de désobéissance pour sa participation au référendum d’indépendance de 2017. En rejetant la convocation espagnole, l’eurodéputée provoque la suspension de son mandat d’arrêt.

Clara Ponsatí, actuellement résidente en Écosse, et protégée par l’immunité parlementaire, avait dit qu’elle ne se rendrait pas à la convocation alors qu’elle avait été détenue quelques heures par la police catalane en mars dernier (lire aussi « L’eurodéputée Clara Ponsatí de retour en Catalogne : la répression espagnole se poursuit »).

Cette fois, malgré le fait qu’elle ne se soit pas rendue à la convocation du juge, elle n’a pas été inquiétée. Le jour même, elle a publié le tweet ironique « Il pleut en Flandre » pour bien montrer qu’elle était déjà revenue à Bruxelles pour travailler.

De plus, le juge n’a pas délivré de nouveau mandat à son encontre, et même au vu de la demande de protection de la députée européenne, le magistrat a été obligé à respecter le droit européen en suspendant le mandat en cours dans l’attente de la preuve que la députée est effectivement protégée par son immunité parlementaire. Llarena a donné 5 jours à la défense et aux accusations – procureur et partie civile, le parti d’extrême droite Vox – pour donner leur avis sur la procédure judiciaire et la situation.

La bataille de l’indépendance relancée

L’épisode – bien étudié et orchestré par la députée européenne et son avocat Gonzalo Boye (également avocat de Carles Puigdemont, ndlr) – a relancé la lutte entre l’État espagnol et les indépendantistes, tout en redonnant un peu d’espoir dans un « procès » somnolent et « gelé » en raison de la répression espagnole et de l’apathie des partis souverainistes.

L’initiative individuelle de Clara Ponsatí s’inscrit dans la bataille juridique en cours des partisans de l’indépendance (élus, politiciens ou simples citoyens) qui sont toujours poursuivis par la justice espagnole pour avoir participé au référendum de 2017 ou pour avoir participé à des manifestations pour la suspension de l’autonomie qui s’en est suivie. Il est à espérer qu’avec une issue favorable de la procédure, les autres eurodéputés poursuivis, Carles Puigdemont et Toni Comín, pourront également en profiter et bientôt retourner sur le territoire espagnol sans être arrêtés.

Illégalités de la justice espagnole

L’avocat de Clara Ponsatí affirme que non seulement les faits imputés à l’eurodéputée ne sont pas des délits, mais qu’ils sont déjà prescrits et que, par conséquent, l’ancienne ministre de l’Éducation de la Generalitat de Catalunya ne peut être poursuivie.

Clara Ponsatí, qui a passé la fête de la Sant Jordi le 23 avril à Barcelone, en a profité pour dénoncer son arrestation par la police catalane à son retour à Barcelone le 28 mars comme une illégalité et un « spectacle regrettable » couvert par l’actuel gouvernement catalan, aux ordres du gouvernement espagnol.

Pour la première fois depuis son exil, l’eurodéputée Clara Ponsatí a célébré la Saint Jordi en Catalogne © Junts i Lliures per Europa

La députée conteste également la compétence du Tribunal supérieur de justice espagnol, parce qu’elle n’est pas une juridiction catalane, et parce qu’elle entend juger des événements politiques comme l’organisation d’un référendum.

Les partis espagnols (les socialistes et le Partido Popular, conservateur) continuent cependant d’exiger la comparution des exilés devant les tribunaux, sous prétexte qu’ils doivent répondre de leurs actes, après que le code pénal a été réformé en supprimant le délit de sédition (mais en maintenant d’autres accusations comme la désobéissance ou le détournement de fonds).

> Alà Baylac Ferrer

Contributeur. Maître de conférence à l’Université de Perpignan – Via Domitia (UPVD) en Catalogne du Nord, Alà Baylac Ferrer est spécialiste des langue et culture catalanes. Il est par ailleurs directeur de l’Institut franco-catalan transfrontalier (IFCT). [Lire ses articles]