Les Terres de Nataé, un nouveau modèle de parc animalier en Bretagne

La loutre d'Europe © Julien Dujardin

Vous connaissiez le zoo de Pont-Scorff ? Vous avez peut-être souffert de le voir dépérir… Rassurez-vous, les Terres de Nataé vous enchanteront à nouveau. Le Peuple breton a rencontré sur place son directeur, Sébastien Musset. Revue de détail d’un nouveau modèle de parc animalier en Bretagne.

Nous vous en parlions en 2019, le zoo de Pont-Scorff était alors en grande difficulté. Puis il a été racheté par sept ONG regroupées sous le nom de Rewild, grâce à un financement participatif colossal. Cela avait fait grand bruit à l’époque. Leur objectif commun ? Transformer le zoo en centre de réhabilitation de la faune sauvage. Un projet qui a avorté très rapidement, faute des financements nécessaires pour s’occuper correctement des animaux. Depuis, le zoo du pays de Lorient a connu près de 3 ans de fermeture.

Sébastien Musset, directeur du parc © Les Terres de Nataé

C’est finalement un entrepreneur du Trégor, Sébastien Musset, qui a racheté le domaine en 2021. « Très rapidement après notre arrivée, nous avons recruté. C’était nécessaire pour le bien-être animal », explique-t-il. « J’étais en contact avec Florence Olivet, une vétérinaire de renom dans le milieu, qui m’a aidé à comprendre ce monde. Elle m’a recommandé une de ses étudiantes de 25 ans, Johanne, qui est désormais co-directrice avec moi. Elle n’a pas ménagé sa peine pour que nous puissions ouvrir. Ne serait-ce que l’inventaire des animaux présents dans le zoo manquait ! Nous avons relancé les plans de vaccination, les plans de stérilisation… on ne peut pas accepter que deux lions, frères et sœurs, s’accouplent. »

Amoureux des animaux, pas spéculateur

Car Sébastien Musset n’est pas un spéculateur, ni un chef d’entreprise se moquant ouvertement de la Bretagne. Son projet, il lui donne tout son temps. Au point de faire l’aller-retour chaque jour entre le Trégor et le pays de Lorient ! Chaque jour, il se bat pour que ce parc animalier perdure. « Nous avons investi 7 millions d’euros. En partant, Rewild avait meulé les gardes-corps si bien que de toute façon, l’ouverture au public était impossible. Nous avons engagé des travaux énormes entre octobre 2021 et juin 2022, date d’ouverture officielle. De nouvelles volières, plus grandes, l’accueil, le restaurant, l’assainissement… » Le pari n’est toujours pas encore gagné. Il nous confie, transparent, être « loin des niveaux attendus en termes de fréquentation » : « il nous faudrait 150 visiteurs par jour en plus. Je ne le vis pas très bien, car j’aurais voulu réinvestir dès 2023 dans le parc ».

Le tamarin pinché © Julien Dujardin

Malgré tout, Sébastien Musset garde le cap. « Nous payons la mauvaise image passée du zoo. J’aimerais faire revenir les gens d’ici, leur montrer que cette page est tournée. La presse locale nous a énormément soutenu (Le Télégramme, Ouest-France), l’arrivée des éléphants et le parrainage de Vianney ont été utiles aussi, mais cela ne suffit pas. Il manque le bouche-à-oreille ».

Pas question pour autant de perdre ses convictions : vous ne verrez pas de spectacles d’animaux aux Terres de Nataé. « Notre parc n’est pas non plus dans la logique de faire des bébés pour attirer du public », ajoute Sébastien Musset. À celles et ceux qui se plaignent de ne « pas voir les animaux », il répond : « nous ne sommes pas un showroom. On ne sort pas les animaux au jet et on ne ferme pas les trappes pour les laisser dehors ! Donc, ils vont et viennent à leur gré. On a trouvé des solutions pour que les gens en jouent. Par exemple, en faisant gagner un lot à celles et ceux qui parvenaient à photographier 5 espèces qu’on voit peu. Cela a eu pour effet de forcer les gens à revenir devant les cages. Parfois, les animaux ne sont pas là au moment T. »

La panthère des neiges © Yves N’Diaye

Un parc breton

5 départements affichés, signalétique bilingue prévue (« on a manqué de temps pour la réaliser »), les Terres de Nataé n’ont rien de hors sol. Le parc est bel et bien en Bretagne. Sébastien Musset essaye également d’assurer des prix honnêtes pour les locaux. « Je veux voir revenir les gens d’ici. J’ai voulu faire un prix pour les Bretons, mais on m’a retoqué légalement. Alors nous avons imaginé les « pass » : 42 € pour les enfants, 55 € pour les adultes pour des visites illimitées. Cela permet aux familles de venir plus souvent et moins longtemps car une visite dure entre 4 et 6h si on s’attarde devant chaque cage. On me dit que les prix sont élevés, mais 23,90 € n’est pas si élevé si on compare aux zoos de France. Et c’est aussi le prix pour s’occuper des animaux ». La réflexion se poursuit pour attirer les écoles grâce à des visites guidées ou des ateliers pédagogiques.

Comme de nombreuses entreprises, Sébastien Musset subit aussi de plein fouet les problèmes de logement. « J’aimerais construire 3 logements sur le site pour accueillir temporairement les CDD qui arrivent et qui ne trouvent pas de location. Cela pourrait aussi servir aux soigneurs ou aux saisonniers ».

Alors, face à toutes ces difficultés et après avoir visité le parc, votre magazine le certifie : les années noires où les animaux semblaient neurasthéniques sont derrière nous ! Allez donc en juger par vous-mêmes. Nous, nous avons été convaincus et avons même proposé nos services pour traduire les panneaux…

Retrouvez Sébastien Musset dans une longue interview accordée au Peuple breton dans notre prochain numéro à paraître le 2 novembre

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]