À l’approche du projet de loi de finances de l’État pour 2023, les députés fourbissent leurs amendements pour tenter d’étendre les possibilités de taxation des résidences secondaires. Objectif : essayer de freiner leur développement dans un contexte de crise du logement, et fournir des moyens supplémentaires aux collectivités qui tentent de produire du logement accessible en zone tendue. Le sujet est sensible et la majorité présidentielle forcée de réagir.
Le problème, c’est qu’aujourd’hui, seules les communes classées « zone tendue » peuvent surtaxer les résidences secondaires, et les montants sont peu dissuasifs (de 5 % à 60 % de la part communale de la Taxe d’habitation). À titre d’exemple, aucune commune de la Région Bretagne n’est classée zone tendue ! Parmi les freins, le critère obligatoire de 50 000 habitants en zone urbanisée continue.
Crise du logement : les manifestations mettent la pression
Après des manifestations en Bretagne le 10 septembre, plusieurs députés de la majorité présidentielle avaient commencé à se saisir du sujet, dont Eric Bothorel (RE, Lannion) et Anne Le Hénanff (Horizons, Vannes). Signe d’une ouverture du gouvernement ? Il est encore un peu tôt pour le dire, même si un autre signe va dans le même sens : un amendement tout juste signé des trois groupes de la majorité présidentielle prévoit d’étendre les zones tendues en assouplissant les critères actuels. Il n’y a aucun doute possible sur l’accord préalable du gouvernement à cette démarche.
De son côté, Paul Molac, député autonomiste de Ploërmel (R&Ps, groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires), propose plusieurs pistes : faire sauter le critère des 50 000 habitants en urbanisation continue pour la définition des zones tendues (ce qui aurait pour effet de les étendre très largement), avec l’avantage potentiel d’étendre d’autres dispositifs en plus de la taxation, comme l’encadrement des loyers ou la régulation des locations de courte durée.
Il propose aussi de décorréler la taxe d’habitation sur les résidences secondaires de la taxe foncière (payée par tous les propriétaires, y compris résidents principaux) afin de pouvoir augmenter l’une sans toucher à l’autre, ou encore de faire passer le plafond de la surtaxe municipale de 60 % à 100 %. Jean-Félix Acquaviva, député autonomiste corse du même groupe, propose, lui, une taxation des plus-values immobilières, dont le produit reviendrait aux Régions.
Taxe municipale ou taxe régionale ?
Au-delà de la taxation municipale, des projets de taxation régionale émergent, par exemple la proposition de loi (adoptée en première lecture) du député Jean-Félix Acquaviva pour une taxe sur les résidences secondaires en Corse, assise sur la valeur vénale des biens, et alimentant un fond de préemption pour casser les dynamiques spéculatives.
Au Conseil régional de Bretagne, où un projet de régionalisation de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires dort dans les tiroirs depuis quelques années, l’élu d’opposition Nil Caouissin (UDB, membre du groupe Breizh a-gleiz) relance le débat en publiant un livre sur la question : Taxer les résidences secondaires ?, édité aux Presses populaires de Bretagne (lire l’encadré). L’élu y propose une taxation modulée selon deux critères, la situation géographique et le niveau de richesse des propriétaires.
Le débat n’est donc pas fini et la lutte non plus : le 29 octobre, une nouvelle manifestation est prévue à Morlaix, pour l’extension des zones tendues.
Comment (bien) taxer les résidences secondaires ? Un nouveau livre pour poser les enjeux et proposer des méthodes
Conseiller régional UDB d’opposition depuis 2021, Nil Caouissin est l’un des portes-voix du problème du logement en Bretagne. Son premier ouvrage, Manifeste pour un statut de résident en Bretagne, avait été fortement médiatisé lors de sa parution l’année dernière.
Il publie un deuxième ouvrage sur ce problème du logement et sur les questions de gestion des territoires qu’il amène. « Face à l’ampleur des résidences secondaires, un réflexe est de vouloir les taxer, explique l’auteur. Mais les taxer comment, et pour quoi faire ? Une taxe a-t-elle le pouvoir de changer les usages ? Devrait-on différencier la taxe selon le patrimoine et selon les endroits ? Et quel serait le meilleur niveau pour prélever cette taxe, municipal, régional ? »
Plutôt qu’une formule unique, c’est un ensemble de propositions de calcul de la taxe qui sont développées dans ce livre. « Le lecteur peut ainsi se faire une idée des possibilités et des effets potentiels d’une taxation ambitieuse des résidences secondaires ». L’atout du livre, selon Nil Caouissin, est que « chaque formule est détaillée, permettant à celles et ceux qui le souhaitent d’en reprendre les paramètres pour les modifier et tester d’autres hypothèses. »
Le livre intéressera donc au-delà de la Bretagne, dans d’autres territoires touristiques où l’on peine à se loger. On pense à la Savoie, au Pays basque ou à la Corse mais aussi
à l’île d’Yeu, par exemple. De quoi sereinement alimenter les débats.
Taxer les résidences secondaires ? par Nil Caouissin, aux Presses populaires de Bretagne, 8 € (octobre 2022, ISBN 978-2-9574257-2-3)
L’auteur présentera son livre au Festival du livre en Bretagne les 29 et 30 octobre à Carhaix.