Statut de résident : les écologistes pour, la droite contre, LFI divisée

Lieven Smits, CC BY-SA 3.0

La proposition de statut de résident, dont les médias se font l’écho depuis la parution du « Manifeste pour un statut de résident en Bretagne », vient d’entrer dans la campagne des élections régionales. En effet, la liste écologiste et fédéraliste Bretagne d’avenir a annoncé le mercredi 21 avril qu’elle soumettrait ce projet à une convention citoyenne en cas de victoire aux élections de juin.

Cette proposition rédigée par Nil Caouissin pour l’Union démocratique bretonne vise à limiter l’emprise des résidences secondaires et de la spéculation immobilière, en particulier dans les zones les plus touristiques de Bretagne. Claire Desmares-Poirrier, tête de liste pour Bretagne d’Avenir, l’explique ainsi : « Il s’agira de soumettre au débat auprès des citoyens bretons les propositions issues du programme et notamment une proposition de création d’un statut de résident. Celui-ci consisterait à réserver dans les parties du territoire breton les plus en tension, le droit d’acheter aux personnes résidant depuis un an au moins sur le territoire, de manière à lutter contre la spéculation et à faire progressivement baisser les taux de résidences secondaires. Avec cette mesure, la liste Bretagne d’Avenir entend également agir en faveur de l’équilibre des territoires et préserver la vitalité des petites communes. » (voir site Bretagne d’Avenir)

Le son de cloche est en revanche bien différent du côté des Républicains. Ainsi l’élue de droite Soizic Perrault, vice-présidente du département du Morbihan déléguée au tourisme et « déléguée Les Républicains », s’oppose violemment à l’idée de statut de résident : « Cela s’appelle du communautarisme… Ce sont vos lois aussi délirantes qu’élitistes qui renforcent la bulle spéculative immobilière ! De moins en moins de terrains constructibles sous prétexte d’excuser votre étalement urbain. Inévitablement les reventes sont hors de prix. »

 

Bien qu’on ne comprenne pas bien à qui elle s’adresse en parlant de « vos lois » et de « votre étalement urbain », il est clair en revanche que, pour elle, la poursuite du bétonnage de terres agricoles n’est absolument pas un problème. Elle enfonce le clou dans un autre tweet : « Ce sont bien sûr des idéologues qui n’ont jamais planté une patate qui décident ce qu’est une terre normalement vouée à l’agriculture ! Dans une vision élitiste, figée et punitive de ce que doit être notre société et nos libertés fondamentales … »

Pour l’élue, le statut de résident semble tellement insupportable quelle accuse EELV de « dictature ».

Pour rappel, le taux de résidences secondaires dans le Morbihan s’élevait à 18 % avant COVID, et pouvait dépasser les 70 % localement. Pas un problème apparemment pour une vice-présidente au tourisme que semble penser que les autres activités n’ont pas leur place en Bretagne, à commencer par l’agriculture.

Des attaques sont aussi venues d’un autre bord : plusieurs militants bretons de la France Insoumise attaquent le statut de résidents sous divers motifs. Le premier est qu’un statut de résident en Bretagne serait peu utile car beaucoup de résidents secondaires sont bretons. Ces militants n’ont pas (encore ?) lu le livre : sinon, il saurait que la proposition consiste justement à créer des statuts par pays, pour limiter aussi la demande intrarégionale.

Plus profondément, ils attaquent un statut « discriminatoire » car faisant des différences entre citoyens. On pourrait leur objecter qu’une politique égalitaire nécessite justement de, parfois, faire des différences de traitement pour aboutir à l’égalité. La Ligue des Droits de l’homme s’était ainsi prononcée pour un tel statut en Corse, estimant qu’il ne serait pas discriminatoire.

Sur ce sujet, la France Insoumise ne semble pas avoir accordé ses violons en interne, puisque Jean-Luc Mélenchon lui-même expliquait sur son blog en 2018 pourquoi il n’était pas opposé par principe à ce projet (en Corse) : « Avant de dire quoi que ce soit notons que la référence à une durée de présence limitée sur le territoire exclut tout critère ethnique ou même linguistique. Cela ouvre une discussion concrète sans condition idéologique. […] On notera aussi que cette idée avait été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée corse le 25 avril 2014, donc bien avant que les nationalistes y soient majoritaires. C’était une proposition du député PRG Paul Giacobbi. […] Sans démontrer quoi que ce soit, Macron répond que le statut de résident n’est pas la bonne solution. Puis il ajoute de façon assez méprisante que, de toute façon, ce sont les Corses vendeurs de biens qui profitent de la spéculation. On comprend que ce soit un argument suprême pour un libéral pour qui l’identité et les attachements sont consubstantiels à la santé du portefeuille. […] Revenons alors au point de départ. Le statut de résident est-il oui ou non la bonne réponse au problème posé ? Ça se discute en effet. Mais cela ne s’écarte pas avec un apriori. »

Notons que les prises de positions citées ici sont individuelles, et qu’à l’exception de celle du Parti breton, seule Claire Desmares-Poirrier, tête de liste écologiste et fédéraliste, a engagé l’ensemble de son mouvement. Du côté de Thierry Burlot (LREM) et de Loig Chesnais-Girard (PS), aucune réaction n’a encore filtré. Le débat est ouvert !

 

 

 

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