Jonathan vient de Picardie. Arrivé à Lorient en octobre 2020, il est d’ores et déjà connu des militants du coin du fait de son occupation intensive du Grand Théâtre de Lorient. Portrait d’un jeune homme engagé depuis de nombreuses années déjà.
« En arrivant en Bretagne, je pensais m’installer à Vannes, mais finalement, j’ai choisi Lorient pour son côté prolo. Le terrain y est plus favorable pour militer ! » Jonathan a la lutte bien ancrée en lui. Il commence à militer en associatif comme en politique en 2001, dans sa ville natale de Beauvais. Depuis, il n’a jamais cessé.
Jonathan est à son compte comme auto-entrepreneur dans le domaine du service informatique. Il complète cette activité par de la correction éditoriale. « Je suis en reconversion », explique-t-il. « Au départ, j’étais dans le milieu de la santé, dans la prévention plus particulièrement. Pour être plus précis encore, je travaillais dans l’éducation à la vie sexuelle et affective. Mais comme il n’y a pas d’argent à mettre dans la prévention, je n’ai pas pu travailler dans ce domaine. Pourtant, la prévention est importante : si on prend l’exemple des IST, l’absence de prévention coûte cher. Mais voilà : la maladie génère de l’argent. Pas d’argent, pas de traitement ! En France, on ne sait pas combien coûte un traitement car tout est remboursé par la sécurité sociale et les mutuelles. » Faute d’horizon professionnel, Jonathan a décidé de se reconvertir, les opportunités d’emploi et de travail étant de plus en plus dérisoires dans le domaine sanitaire.
Jonathan a décidé de participer à l’occupation du théâtre de Lorient « parce qu’[il] est précaire ». « Être précaire, c’est ne pas pouvoir payer ses factures à la fin du mois. Je suis à découvert tous les 10 du mois. Le RSA, c’est 480 € environ et la vie est chère. Quand je fais un chiffre d’affaires mensuel de 200 € avec mon autoentreprise, cela ne suffit pas. En plus de cela, la crise sanitaire est arrivée. » Jonathan se souvient d’avoir lu un chiffre il y a quelques années : 330 €. C’était le revenu mensuel moyen des autoentrepreneurs. Cela lui donne l’occasion de dénoncer cette activité annexe qui tend aujourd’hui de plus en plus à devenir la norme. « De nombreuses entreprises se servent de ce statut pour éviter d’embaucher, comme sous-traitance. Cela évite de payer les assurances, la couverture sociale… Comme il n’y a pas d’emploi, on est donc obligés de passer par là ». Pourtant, comme l’indique un des badges colorés qu’il arbore sur son pull : « la précarité n’est pas un métier ».
« Au départ, je suis venu parce que j’étais solidaire des intermittents… et je me suis rendu compte que la lutte était bien plus large ! » Arrivé dès la première assemblée générale, Jonathan ne savait pas à quoi s’attendre. Il n’avait jamais entendu parler de la CIP, la Coordination des Intermittents et Précaires. « J’avais un gros besoin de militer. À cause des contraintes sanitaires, je ne pouvais même plus exercer de bénévolat. En plus, j’ai une santé fragile donc je me sentais isolé chez moi. Socialement, j’avais besoin de cette lutte ». Parmi les revendications portées par les occupantes et occupants des théâtres, Jonathan ne sait pas choisir car « même celles qui ne [le] concernent pas, ou moins, [lui] semblent essentielles ». Jonathan aspire juste à fédérer les luttes. « On s’est greffés aux manifestations climat, à celles en soutien du personnel de Fonderie de Bretagne, ainsi que d’autres. ».
Au sein de l’occupation, Jonathan s’occupe de la communication extérieure, notamment du compte Twitter, et bientôt du site : gtlo.fr. « L’intendance ? » Il sourit. « On fait tous l’intendance ici ! Nettoyer, faire à manger, faire les courses, s’occuper des nuits… Évidemment, je participe aussi aux actions, je rédige des tracts et quelques affiches. J’ai aussi fait le logo de Tol TV avec Clara. C’est un peu notre tampon maintenant. Ma formation militante m’a appris à autogérer des lieux. J’ai vu que cette occupation n’avait pas un fonctionnement pyramidal. L’aspect horizontal me plaît, ici. On partage les tâches selon ce que l’on peut apporter, selon son temps libre aussi car n’oublions pas que nous sommes tous bénévoles. Le problème est que, quand on ne délègue pas, on se retrouve avec une trop grande concentration de pouvoir entre les mains et ça épuise, ce qui nous amène à ne même plus savoir quoi déléguer ». D’où l’appel des occupants et occupantes pour un relai, trouver de nouveaux militants qui soutiennent celles et ceux qui ont pris part à ces 55 jours. Jonathan conclut : « On devrait être dix fois plus à occuper ! »