Clara Diez Marquez est asturienne. Chanteuse et percussionniste, elle vit en Bretagne depuis quelques années et s’est investie dans la lutte contre la réforme de l’assurance-chômage initiée par le théâtre de l’Odéon. A Lorient, Clara fait partie des figures locales du mouvement d’occupation des scènes nationales. Le Peuple breton initie avec elle une série de portraits sur ces occupants du Grand Théâtre car une lutte ce sont aussi des individus qui s’engagent.
« Je suis arrivée dès le lundi », explique Clara d’emblée. « Cette occupation, je l’attendais, je l’espérais plutôt ! Dans les Asturies, j’ai déjà vécu des occupations. J’avais une vision de la société française endormie et finalement, ça bouge. Je devais participer ». Clara n’a pas perdu de temps pour se faire une place dans ce camaïeu de personnalités diverses et variées occupant le Grand Théâtre de Lorient depuis près d’un mois. Dès la première AG, elle est volontaire. Comme elle s’occupe de la communication de son groupe, les premiers occupants la désigne comme responsable des relations presse, un rôle qu’elle tient depuis parfaitement. « Je trouve ça génial de m’occuper de la presse avec mon accent asturien », explique celle dont c’est la langue maternelle.
Clara mesure l’incroyable chance qu’est le statut d’intermittent en France, elle qui vient d’Espagne. « J’ai quitté l’Espagne en 2011 après une fac de musique. Il n’y a pas eu de concours depuis cette année-là donc je n’avais pas d’avenir là-bas. Autour de moi, tous mes amis sont partis aussi. L’intermittence, c’est une lutte spécifique à la France et je suis étonnée qu’il y ait si peu de mobilisation. Le gouvernement fait passer des choses inadmissibles ! » Pas question de tirer vers le bas les droits sociaux : Clara aime rappeler que la France a aussi des choses à améliorer, comme le système de santé par exemple. « En Espagne, celui-ci est gratuit pour tous, de meilleure qualité et plus accessible », affirme-t-elle comme pour casser un mythe. Cette occupation, pour elle, c’est donc avant tout une question de droits sociaux. « Je ne suis pas là pour la réouverture des lieux pour préserver les acquis sociaux. Le mouvement prend de l’ampleur, mais il y a encore plein de gens qui ne savent pas que nous sommes ici, ni ce que nous défendons ! »
Sa situation de musicienne est évidemment perturbée – et c’est un euphémisme – par la crise sanitaire. « J’ai obtenu mon statut d’intermittente en 8 mois, en décembre 2019. Je ne pensais pas que la musique asturienne pourrait m’y mener. Comme j’ai ce statut, j’ai plus de chance que d’autres musiciens qui, eux, ne l’ont pas. Mais d’ici quelques années, ce sera peut-être mon tour. On est tous concernés. Et d’ailleurs, pourra-t-on reprendre après la crise ? Ça fait un an que la vie de tout le monde est en pause. Nous, normalement, on est beaucoup dehors et peu à la maison. En ce moment, c’est l’inverse ! On perd les habitudes. » Clara mesure sa chance donc, mais s’estime toutefois concernée par la précarité. « Je gagne 1200€ par mois pour 60h de travail par semaine environ. Mais paradoxalement, je me sentais plus précaire quand je travaillais pour l’Éducation Nationale [ndlr : Clara enseignait l’espagnol dans le pays de Pontivy] ».
Elle poursuit : « je suis heureuse d’avoir rejoint cette lutte. Cela m’a permis de rencontrer d’autres artistes. Ici, nous sommes une micro-société. Il faut apprendre à faire ensemble, dans un collectif. Les confinements nous ont fait perdre beaucoup de confiance en nous, dans nos pratiques artistiques mais aussi plus généralement. Malgré nos différences, nous tenons le coup depuis 25 jours ! » Au-delà des rencontres, Clara est persuadée que cette occupation va marquer les esprits pour beaucoup de gens. « Pour moi, cela a clairement ajouté un côté militant à ma pratique artistique. Cela m’a donné encore plus d’assurance. Ce combat m’a déjà fait évoluer. Moi qui ait un caractère difficile, je suis fière de moi car je ne me suis fâchée avec personne ». Un caractère difficile, Clara ? Nous, on n’a pas trouvé ! Une personnalité bien trempée plutôt !