Déléguée du personnel dans l’aide à domicile, Christèle Daisey-Mogère passe son temps libre à donner des information à ses collègues et à chercher des informations pour rassurer les gens inquiets. Elle témoigne une nouvelle fois pour Le Peuple breton.
Je l’ai déjà écrit : les aides à domicile que nous sommes n’ont que peu de moyens, mais sont en premières lignes. Et je mesure à quel point la question du port du masque est emblématique de la faillite de notre système centraliste. Je m’explique : l’arrêté du 16 Mars 2020 stipule que le personnel intervenant à domicile est prioritaire pour la distribution des stocks nationaux de masques. Dans le même temps, l’ARS Bretagne (émanation de l’État donc) nous informe que le port du masque n’est pas obligatoire voire inutile ! Pourtant, les épidémiologistes le recommandent pour toute la population comme cela a été pratiqué dans les pays asiatiques avec des résultats positifs.
Mes collègues me signalent des interventions chez des bénéficiaires dont un membre de la famille résidant dans le foyer est atteint du COVID19. Elles y font les repas, toilettes et sont donc en proximité immédiate avec la personne. Impossible dans ces conditions de respecter le fameux mètre de distance sociale !
« Les masques arrivent », nous le numéro vert de l’ARS qui répond à nos questions), mais les médecins eux-mêmes ne sont toujours pas approvisionnés on leur dit que ça arrive depuis 1 semaine. Le gentil monsieur du numéro vert fait ce qu’il peut et finit pas me dire qu’il faut faire travailler notre réseau pour avoir des masques en tissu fabriqués par nos gentil(le)s couturier(e)s! De qui se moque-t-on ?
L’État centralisateur est en dessous de tout. Quant à l’État libéral, il ne sait pas gérer et nous demande de nous débrouiller par nous-mêmes.
L’un comme l’autre ne savent pas faire face au flux d’immigrés sanitaires parisiens. Je me suis battue avec le personnel pour les urgences de Paimpol, Guingamp a été dans le même cas : on n’a plus de médecins généralistes, on a des hôpitaux en décrépitude et on laisse tout ce petit monde débouler chez nous sans structures à hauteur et capacité nécessaire ! N’a-t-on tiré aucune conséquence de la situation du Morbihan [ndlr : Christèle habite à Plouha, dans les Côtes d’Armor] ?
Ici, toutes les maisons de vacances habituellement fermées sont ouvertes, des camping cars en plus sur les terrains de ces maisons, des enfants qui jouent qui crient qui chantent : c’est la vacances ! Les familles vont au marché, faire un footing ou à la pêche à la crevette et on demande aux maires de devenir les pères fouettard alors que l’État aurait dû tout bloquer dès le départ. On bloque les bords de mers, les jetées, les plages…
On nous dit qu’il n’y a aucun problème d’approvisionnement mais au quotidien on voit bien qu’il y a un problème : on ne trouve plus de beurre, plus de farine, plus de pâtes, plus de papier toilette dans certains magasins… et ce, depuis plusieurs semaines ! Les commerçants avouent voir des gens venir une fois le matin et une fois l’après-midi pour chercher un article à la fois !
Pendant ce temps, on nous envoie au front sans moyens et surtout avec des bons sentiments du style « allez, on est avec vous ! Vous nous êtes précieux ! Sans vous, nos aînés ne sont rien ! » Blablabla. « Le port du masque ne sert à rien mais ne touchez pas aux poignées de portes et portez des gants ! »
Cette crise renforce ma détermination contre l’État jacobin centralisateur. Plus tard, il faudra aussi se poser une question sur l’Europe nous voulons car celle dans laquelle nous vivons est individualiste et nationaliste.