Quand les multinationales font leur miel sur le dos des abeilles

Le match entre les producteurs de néonicotinoïdes et les défenseurs de l’environnement continue. Qui l’emportera ? On espère que ce ne seront pas les multinationales. En tout cas, le 4 décembre, ce sont les écologistes qui ont remporté une victoire devant le Tribunal administratif de Nice. Et l’étiquetage du miel est une autre victoire, la veille au Parlement.

En juillet 2016, Le Peuple breton se réjouissait de l’adoption par l’Assemblée nationale du projet de loi « pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages », tout en précisant néanmoins que ce projet n’était pas suffisant pour la survie des abeilles. La loi définitive était, en effet, en retrait sur le projet initial qui prévoyait l’interdiction des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles dès 2018 voir 2017. Mais si ces molécules ont bien été interdites à partir du 1er septembre 2018, il y a des dérogations jusqu’au 1er juillet 2020.

En avril 2018, Le Peuple breton se réjouissait là encore du fait que malgré le lobbying hyperactif de des géants des pesticides que sont Syngenta et Bayer, l’Union européenne venait d’approuver par un vote de la majorité des États membres (16 sur 28 représentant 65 % de la population) l’interdiction de trois néonicotinoïdes tueurs d’abeilles (clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxame).

Mais entre temps, en octobre 2017, il y avait eu une douche froide : Dow, une six sociétés transnationales (Monsanto, Dow, Dupont, Syngenta, Bayer et BASF qui détiennent 63 % du marché mondial des semences et 75 % du marché agrochimique), sortait une nouvelle molécule : le sulfoxaflor. La firme réussissait à faire classer le sulfoxaflor comme un pesticide différent des néonicotinoïdes en dissimulant les grandes similitudes dans leurs propriétés biochimiques. Résultat : ce sulfoxaflor, ce pesticide tueur d’abeilles, était autorisé en France !

Dès novembre2017, « Générations futures » attaquait Dow devant le Tribunal administratif de Nice, visant en particulier deux pesticides à base de sulfoxaflor, le Transform et le Closer, et obtenait une suspension provisoire du sulfoxaflor comme l’avait raconté Le Peuple breton.

Deux ans plus tard, victoire ! La décision provisoire vient de se transformer en décision définitive comme l’indique l’arrêt du Tribunal administratif de Nice du 4 décembre 2019 : « Saisi par deux associations de protection et de défense de l’environnement et par l’union nationale de l’apiculture française, le tribunal administratif de Nice annule deux décisions de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) autorisant la mise sur le marché français de deux pesticides produits par la société Dow Agrosciences. Le tribunal a estimé que le sulfoxaflor, qui entre dans la composition de ces pesticides et qui a pour effet d’agir sur le système nerveux central des insectes, était susceptible, en l’état des connaissances scientifiques, de présenter un risque de toxicité important pour les insectes pollinisateurs. Par suite, eu égard à la dangerosité potentielle de ces pesticides relevant de la catégorie des sulfoximines sur les insectes pollinisateurs, le principe de précaution consacré notamment par l’article 5 de la Charte de l’environnement justifie leur interdiction de commercialisation. »

Et le miel dans tout ça?

La France produit 20 000 T de miel par an et en consomme 40 000 T. La conséquence est qu’il faut en importer. Or, une partie vient de Chine avec des produits frauduleux qui n’ont de miel que le nom, au grand dam des producteurs d’ici.

Le Parlement qui s’était déjà penché sur le problème, avait pris une décision d’étiquetage qui avait été retoquée par la Commission européenne. Les députés, nous dit Le Télégramme, « se sont à nouveau prononcés mardi (3 décembre) en faveur d’un étiquetage plus transparent et précis sur l’origine des miels afin d’éviter les fraudes. […] Ce texte consensuel sert principalement à reprendre des mesures déjà votées en octobre 2018, dans la loi alimentation (Egalim) mais censurées par le Conseil Constitutionnel, car jugées trop éloignées de l’intitulé du projet de loi. »

Paul Molac, député du Morbihan, est intervenu au cours du débat : « La transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires est un objectif auquel nous souscrivons. À mon sens, nous devrions d’ailleurs aller au-delà des propositions initiales, s’agissant notamment de l’étiquetage du miel. Le renforcement des obligations d’information […] permettront de mettre fin à des pratiques trompeuses et inacceptables. »

Le texte voté le mardi 3 décembre par les députés consultable sur le site de l’Assemblée est le suivant : « Article 1er A (nouveau) L’article L.412-1 du code de la consommation est ainsi modifié :[…] « Pour le miel composé d’un mélange de miels en provenance de plus d’un État membre de l’Union européenne ou d’un pays tiers, tous les pays d’origine de la récolte sont indiqués par ordre pondéral décroissant sur l’étiquette. »

Est-ce que cela suffira pour détecter le faux miel chinois comme nous l’explique RTL : « en Chine, la hausse de la production a été en cinq ans de 198 % ! Donc, soit les abeilles chinoises sont épargnées par les parasites et les pesticides […] soit ce miel n’est pas du miel, ou il est mélangé à du sirop, du maïs, du sucre, de la mélasse ou du riz. » À suivre…

> Christian Pierre

Né en 1949, Christian PIERRE est membre de l'UDB depuis 1977. Très engagé pour la Bretagne, il est très investi aussi dans les Droits de l'Homme, comme à l'ACAT (ONG chrétienne de lutte pour l'abolition de la torture et contre la peine de mort) dont il est animateur du Groupe Quimper-Cornouaille. Il milite enfin pour les droits du peuple palestinien.