Enercoop Pays de la Loire : l’écologie technocratique ?

S’il n’y avait qu’une leçon à retenir du mouvement des gilets jaunes, c’est qu’il est impossible d’envisager l’écologie de manière autoritaire. De ce point de vue, la centralisation française va à l’encontre de toute logique écologique.

L’écologie est sûrement le sujet de ce début de XXIème siècle. Et l’urgence est de mise quand on constate la rapidité avec laquelle le changement climatique s’opère. Il est donc plus que temps de s’en préoccuper, autrement que par des « COP » dont l’ambition est de marchandiser la Nature pour optimiser les rendements. La « croissance verte » n’a d’écologique que la couleur.

Reste la question du « comment ». Outre le courage politique, il s’agit de faire accepter à toute la population des mesures qui nécessitent un bousculement radical de nos manières de consommer, d’habiter, bref de vivre. Force est de constater que les mesures que tentent de prendre les gouvernements successifs sont qualifiées – à juste titre – de « punitives ». Or, l’écologie n’est punitive que quand elle est exercée de façon autoritaire. Et ce n’est pas inéluctable.

Dans l’équation écologique, un élément manque toujours à l’appel en France : la méthode. Habituées à vivre dans un État ultra-centralisé, les mentalités ont du mal à se détacher du schéma institutionnel français, vertical. Les bonnets rouges s’opposaient à l’écotaxe car elle ne prenait pas en compte les spécificités de la Bretagne, sa périphicité. Les gilets jaunes n’acceptent pas que le poids de la responsabilité écologique soit sur les épaules des plus fragiles. Toutes ces constatations résultent d’une même cause : l’impossibilité de répondre précisément aux problèmes causés par le dérèglement climatique, l’incapacité à adapter les réponses en fonction des territoires. En France, c’est l’État qui décide et il propose des solutions clefs en main. Les néo-libéraux et les technocrates font paradoxalement bon ménage.

Alors que l’écologie suppose l’autonomie, la plupart des associations ou des entreprises, y compris celles qui se réclament de l’écologie, continuent d’évoluer dans un schéma autoritaire, c’est-à-dire descendant. C’est hélas le cas pour Enercoop*, l’un des seuls fournisseur d’électricité issue des énergies renouvelables, dont la structuration laisse à penser que Paris domine. « Le ficher client restera géré à Paris », nous explique un client, fatigué de demander une structuration de l’association à l’échelle de la Bretagne et non des régions administratives.

Les réclamations en ce sens sont suffisamment nombreuses pour que l’entreprise cherche à « anticiper les réactions sur le découpage géographique ». Alors que la SCIC Enercoop Pays de la Loire va prochainement voir le jour, un texte circule sur les listes de diffusion justifiant leur structuration administrative. Il est signé par les conseils d’administration d’Enercoop Bretagne et Enercoop Pays de la Loire, ainsi que par leurs directeurs. Dans ce texte, on y explique que la question du périmètre de la Bretagne historique a été posé, mais qu’« un dimensionnement régional à 5 départements [est] trop important pour un projet qui se veut de proximité ». On s’attendrait donc à une structuration par pays, plutôt que par région administrative, ce que nous confirme un passage du dit-texte : « Dès aujourd’hui et à l’avenir, les coopératives d’Enercoop ont vocation à travailler sur un territoire le plus local possible ». Mais non ! Il ressort, selon les responsables de cette entreprise, un « fort potentiel du territoire ligérien ». Comprenne qui pourra : une Bretagne à 5 départements serait trop grande… mais pas la région Pays de la Loire qui en compte 5 également ! Tout cela est très logique.

La raison réelle du découpage administratif est expliquée plus loin dans le texte : « travailler à l’échelle d’une collectivité régionale facilite de nombreux projets et soutiens politiques, techniques et financier ». Comme nous le dénonçons, mois après mois, l’administration structure la pensée et il est bien plus facile d’évoluer dans le cadre imposé que de chercher à s’en extraire. Pour Enercoop, « la question de la reconstitution de la Bretagne historique n’a pas spécialement de sens sur les questions de l’énergie, qui se doivent d’être pensées à des périmètres de territoires plus restreints. (…) L’enjeu du projet Enercoop n’est pas de porter une vision du découpage territorial, mais bien d’accélérer la transition énergétique sur l’ensemble du territoire français, à l’échelle la plus locale et avec tous les acteurs volontaires (citoyens, collectivités, entreprises, associations…). (…) La décentralisation se poursuit, pour toujours plus remettre le sujet de l’énergie dans les mains des citoyens, quel que soit le territoire, administratif ou non. »

Visiblement, la géographie et l’écologie seraient donc déconnectés pour cette entreprise. Étonnant pour des gens qui prétendent agir au plus local. La réunification de la Bretagne n’est pas seulement une question administrative, c’est aussi et surtout une question d’autonomie. Les régions actuelles ont été décidées et découpées par Paris au bénéfice de la centralisation. Il n’y a pas d’autonomie possible avec de tels découpages. Ceux-ci d’ailleurs ne correspondent que (très) rarement à des « territoires », c’est-à-dire des lieux appropriés par la population. De même, il est illusoire de croire que le pouvoir au(x) peuple(s) passera par une administration déconcentrée !

Évoluer dans le périmètre institutionnel actuel, c’est conserver un esprit centralisé et une gestion autoritaire. Les entreprises n’ont aucune obligation de s’y conformer et il est dommage de voir le plus important distributeur d’énergie renouvelable, pourtant ouvert à la question linguistique, aux mains de technocrates. Car l’écologie hors sol n’a aucun sens.

 

* Précisions : l’UDB est client d’Enercoop.

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]