Catalogne. Une loi d’amnistie ou un retour aux urnes !

Lluis Puig, Catalogne
Lluis Puig, député catalan et ancien ministre de la Culture de Catalogne / Le Peuple breton

L’université d’été de Régions et Peuples solidaires est l’occasion de faire des rencontres, certaines de poids. A Collioure, le débat sur l’actualité catalane a vu se succéder plusieurs personnalités catalanes dont la députée Aurora Madaula ou encore le député européen Toni Comin. Toujours en exil depuis l’organisation du référendum d’autodétermination en Catalogne, l’ex ministre de la Culture du gouvernement de Carle Puigdemont et aujourd’hui député catalan, Lluis Puig, était également dans la salle et a bien voulu répondre à quelques questions.

Le Peuple breton : Où en est-on des poursuites contre les responsables politiques ?

Lluis Puig : Nous avons choisi de nous exiler en Belgique pour des raisons pratiques. En France, le système d’extradition est plus risqué. Le procureur est très politique. En Belgique, au contraire, on fait face à un juge instructeur, pas à un procureur. Il est donc plus impartial. De fait, la Belgique a refusé notre extradition malgré 3 et bientôt 4 mandats d’arrêt contre moi ! Je suis accusé de détournement de fonds, de malversation. Je risque entre 8 et 12 années de prison car l’Espagne considère que le référendum a été organisé grâce à des fonds publics. Or, pas un euro d’argent public n’a été dépensé pour ce référendum. Et évidemment, je ne me suis pas enrichi.

Le Peuple breton : Paradoxalement, les élections législatives en Espagne ont une nouvelle fois démontré que ce sont les Catalans qui sont les faiseurs de rois (façon de parler). Cela vous donne du poids…

LP : En effet. Le PSOE veut faire un gouvernement donc doit passer par Carle Puigdemont. Ce dernier a toujours été clair sur nos revendications. Toute négociation supposera un préalable : une loi d’amnistie. Pas d’être condamnés puis graciés, mais amnistiés car nous n’avons commis aucun délit. Dans une démocratie, on doit pouvoir parler de tout. Or, aujourd’hui, des milliers de personnes attendent un procès depuis l’organisation du référendum. Rien ne pourra avoir lieu si les socialistes ne comprennent pas cela. Cette élection était donc une opportunité de débloquer la situation. En réalité, Sanchez a 60 jours pour faire approuver une loi d’amnistie et faire un pacte de gouvernement.

Le Peuple breton : Et vous êtes optimiste ?

LP : Je ne suis pas convaincu qu’une loi d’amnistie suffise. Qui plus est, le roi a demandé au Parti Populaire [droite] d’essayer de faire un gouvernement alors que, même si c’est le parti arrivé en tête, il n’a aucune chance de trouver le nombre de partenaires suffisants… sauf en achetant des voix ! On voit là un des problèmes majeurs de l’Espagne : la Constitution accorde au roi un rôle neutre. Il est le chef des militaires et de la Justice. Mais il est toujours sous l’influence des idées franquistes et pas du tout neutre. Ceci dit, en Catalogne, même les non-indépendantistes voient que le gouvernement ment sur la Catalogne. Nous avons toujours prôné un nationalisme civique et non ethnique contrairement à l’Espagne. L’assimilation ne fonctionne pas dans la société catalane, trop de Catalans ont une conscience de peuple. Donc, je ne sais pas encore si nous pourrons avoir un accord de gouvernement ou si nous serons obligés de retourner au vote…

Retrouvez aussi une interview de Montserrat Casacuberta sur les résultats des élections en Espagne dans le numéro de septembre 2023 du Peuple breton.

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]