Unique cité bretonne à voir cohabiter dans son urbanisme le passé prestigieux de l’époque médiévale et le plan géométrique d’une ville nouvelle post-révolutionnaire, la Ville de Pontivy organise l’un des plus beaux événements littéraires qui soit pour remonter le temps : la « Biennale du livre d’Histoire ». Le programme – gratuit – commence ce vendredi jusqu’à dimanche, à l’espace Kenere, au Palais des congrès et au cinéma Rex. Morceaux choisis.
Après une édition chétive en 2021, crise sanitaire oblige, l’événement pontivyen retrouve des couleurs. À l’image de l’affiche signée Erwan Seure-Le Bihan, le visiteur est invité à pendre le large au gré des propositions d’un week-end riche en surprises.
Sur le pont depuis plusieurs mois, à la barre et au sextant, Jérôme Nédélec, auteur de romans historiques, a déployé toute son ingéniosité pour faire de ces rencontres un carrefour de l’actualité littéraire et un rendez-vous attrayant pour toutes les générations. Avec pour thématique « Voyages dans l’Histoire », la 10ᵉ édition convoque le rêve et la science, l’ici et l’ailleurs, la diversité des paysages comme celle des coutumes, à travers les époques et différentes visions du monde.
En février et mars, les avant-premières ont donné le ton
Loïck Peyron, grand navigateur breton, parle ainsi du voyage : « S’éloigner de tout, c’est se rapprocher de l’essentiel ». Ce n’est pas un navigateur mais une navigatrice, première femme à avoir bouclé une course autour du monde en solitaire, qui a ouvert la série d’avant-premières dès le 16 février : Isabelle Autissier est venue parler de son dernier roman, Le naufrage de Venise (Stock, 2022), empreint de lucidité face à l’irréversible et l’inconscience dont nous nous rendons coupables face à l’urgence climatique. Dans son récit, comme dans la réalité, la cité des doges coule, et s’affairer à croire que l’intelligence humaine va trouver les réponses technologiques adaptées n’est que l’illustration ultime de notre impuissance face aux phénomènes naturels, d’une forme d’ignorance contemporaine au regard des savoir-faire hérités du passé.
Vendredi 17 mars, Fañch Rebours était l’invité de ces avant-premières pour une rencontre en breton animée par Enora Molac, journaliste à Radio Bro Gwened. Son ouvrage Cap-Hornières (Skol Vreizh, 2022) raconte le parcours du Gwenaël, navire parti pour les mers du sud sur lequel embarquent deux jeunes femmes.

Au programme ce week-end, du 31 mars au 2 avril
La mer fascine les écrivains ; mais c’est un décor qui sait parfois se faire oublier à l’arrière-plan d’une trame narrative au profit d’un personnage joyeusement étrange ou étrangement joyeux. C’est le choix d’Irène Frain dans L’allégresse de la femme solitaire, publié aux éditions du Seuil (2022), dont l’inspiration s’appuie sur des sources documentaires. Le roman se déroule au milieu du 19ᵉ siècle et met en scène différentes figures d’une petite communauté villageoise troublée par l’arrivée d’une étrangère qui pourrait être le double féminin d’un Robinson Crusoé… Rencontre dimanche 2 avril à 11h45.
Au pied de l’imposant château des Rohan, dont les portes sont encore closes pour réhabilitation, vous allez ainsi croiser des auteurs, des éditeurs, des dessinateurs, voir de belles expositions, mais aussi découvrir la production d’associations qui œuvrent au carrefour entre sciences, passion et éducation.
C’est le cas de l’association Koruc : avec Philippe Guillonnet, médiateur du patrimoine et spécialiste de la navigation à la Préhistoire, le jeune public pourra participer à la reconstitution d’une embarcation fidèle au mode de fabrication de cette époque, avec les outils rudimentaires dont se dotaient les populations pour voyager, se nourrir, commercer. Animation présente les trois jours du salon, sur le parvis du Palais des congrès.
Sur son stand, l’Université du temps libre présentera La Bretagne de Napoléon III (PUR, 2023), un ouvrage collectif à peine sorti des presses sur le voyage de l’empereur et son épouse Eugénie en 1858. Deux ans de travail, une vingtaine d’auteurs, ont permis de réunir la documentation sur un séjour de deux semaines dont l’escale pontivyenne est immortalisée dans des symboles qui sont une des curiosités de l’église Saint-Joseph, toujours inachevée depuis.
« La Biennale est avant tout un événement grand public qui offre la spécificité, si on la compare par exemple aux Rendez-vous de l’Histoire à Blois, de conjuguer des temporalités et des horizons qui s’inscrivent par moment dans la richesse d’une histoire régionale, elle aussi ouverte sur le monde. – Jérôme Nédélec, programmateur de la Biennale du livre d’Histoire
Parmi les conférences originales programmées cette année, l’une permet de changer de prisme en s’intéressant à une vision du monde qui n’est pas celle des récits véhiculés par l’imagerie et la cartographie des anciennes puissances coloniales : Jean-Charles Ducène, chercheur à l’École pratique des hautes études, interviendra pour évoquer la vision de la Bretagne dans les documents laissés par les géographes arabes du Moyen-Âge. Conférence dimanche 2 avril à 16h.

L’association pontivyenne Timilin propose une autre forme de découverte spatio-temporelle, plus locale, grâce aux fouilles archéologiques de la forteresse de Motten-Morvan. Emma Nouvel et Arthur Ruaux, étudiants en Master 2 à l’Université de Haute-Bretagne (Rennes 2), échangeront avec les visiteurs sur la conception d’un cahier pédagogique à destination des écoles et des centres de loisirs, qui sera bientôt disponible en breton. Stand de Timilin, samedi 1er avril après-midi.
C’est une chance de retrouver le plaisir de la proximité entre publics, auteurs, chercheurs, maisons d’édition, avec en prime la présence active d’associations bretonnes qui œuvrent dans la promotion des savoirs auprès des jeunes. » – Jérôme Nédélec, programmateur de la Biennale
Six prix littéraires, pour tous les publics
La Biennale du livre d’Histoire, dont le rayonnement dépasse les frontières régionales, est aussi réputée pour les six prix littéraires qui seront remis cette année encore, vendredi 31 mars : ceux des enfants, des collégiens, des lycéens, le « prix Émile Souvestre » du roman adulte, le prix de la BD historique et le « prix Joseph Loth » de l’essai historique.
Nominée, la maison d’édition Locus Solus basée à Châteaulin concourt pour le roman graphique Méridien, de Briac Queillé et Arnaud Le Gouëfflec (2022). Là encore, les auteurs se sont inspirés d’un vrai voyage au siècle des Lumières, et pas des moindres : une expédition en Équateur avec La Condamine, géographe ambitieux, Bouguer, mathématicien rigoriste, Godin, astronome épicurien, et Jussieu, médecin herboriste… et incorruptible ?
Sur les stands des maisons d’édition, le célèbre musicien Roland Becker, bien connu à Pontivy, sera lui aussi du voyage ce week-end. Il est le co-auteur avec Laure Le Gurun d’un travail de recherche sur un rituel traditionnel encore transmis dans la région de Redon, à découvrir dans Sonnerie de bassin, un intrigant rituel du solstice (Stéphane Batigne Editeur, 2023).
Pour les amateurs d’histoire ferroviaire, il y a aussi de quoi faire. Surtout si vous avez suivi ces dernières années l’étonnante épopée d’un projet de Pôle d’échange multimodal tombé dans les oubliettes, contrairement à celle d’un collectionneur devenu propriétaire de la gare de Pontivy, Jean-Philippe Vanwalleghem. Ce week-end, vous pourrez revisiter le mythe qui s’est construit autour d’un des plus longs trajets en train du monde avec Blanche El Gammal, auteure de L’Orient-Express raconté par les écrivains (Phébus, 2021). Conférence dimanche 2 avril à 14h.
Pour donner votre propre top départ sur la machine à remonter le temps, vous pouvez choisir une autre sorte de costume que la veste à galon et le képi à ruban rouge d’un chef de gare. Il y aurait, paraît-il, une sorte de Lagherta en tenue viking dans les parages du Palais des congrès, pour conter « L’épopée de Ragnar Culotte de Fourrure », une animation de la compagnie Ookaï. Samedi 1er avril à 15h30, tout public à partir de 6 ans.
Après tout, c’est écrit noir sur blanc dans le programme grâce à la présence de Lucie Azéma : Les femmes aussi sont du voyage (Flammarion, 2021). Causerie, samedi 1er avril à 17h30.
Pour découvrir le programme complet de la 10e édition de la Biennale du livre d’Histoire sur le thème des « Voyages dans l’Histoire », téléchargez le dépliant et retrouvez ses dernières mises à jour sur le site web de la Ville de Pontivy : ville-pontivy.bzh/agenda/biennale-du-livre-dhistoire-2023