Ils ont la trentaine, n’ont pas été bercés depuis leur plus jeune âge dans la langue ou la culture bretonne, pourtant, ils en sont devenus les ambassadeurs. Leurs travaux musicaux les ont menés de collectages en archives, de l’histoire à l’art, et ils ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. Le magazine Le Peuple breton vous invite à suivre ces artistes, des passeurs de musique, des talents qui se sont découverts en faisant. Une rubrique de portraits à lire et de chansons à découvrir !
À 32 ans, le chanteur et talabarder originaire de Bannalec a déjà joué ses spectacles dans des dizaines de villes de France et d’Europe. Les succès de Kan an aon, de Noa et de La Mémoire d’un peuple ont dépassé toutes les espérances de l’ancien sonneur du bagad de Lann-Bihoué. Pour lui, l’histoire bretonne est vivante et entre en résonance avec notre monde contemporain.
Mettre en lumière les chansons oubliées
À première vue, ses études commerciales ne le destinaient pas d’emblée aux recherches historiques et à la mise en lumière de chansons oubliées du répertoire breton. Pourtant, il est désormais un habitué des archives départementales, qui l’ont même contacté pour construire des représentations autour du Barzaz Breiz et le travail de La Villemarqué.
« Le déclic a été le décès de ma grand-mère durant le Covid. Nous n’avons pas eu le droit de lui dire au revoir, ni de lui faire un enterrement comme il se doit. Je n’arrivais pas à faire le deuil, et je me suis intéressé aux rites funéraires en Bretagne. J’ai découvert l’importance des légendes et des mythes autour de la mort. Je me suis laissé emporter par les textes, les musiques et les gens que j’ai rencontrés. »
Après les confinements, il réalise un spectacle sur ce thème, puis un album qui se veut hommage aux disparus pendant le Covid. « En trio, nous avons revisité des chants traditionnels. Mais, ce qui m’intéressait surtout, c’était de faire revivre ces histoires, de raconter, de transmettre ».
Rechercher, se documenter, rencontrer… pour mieux transmettre à son tour
Les trois jeunes musiciens rencontrent un succès inattendu qui les pousse à renouveler la formule. « Avec Noa, ce sont les traditions celtiques autour du solstice d’hiver qui m’ont intéressé. Pas seulement la fête de Noël mais aussi les danses, l’aspect festif et les contes sombres autour de cette période qu’on appelle “les mois noirs” en breton ». L’hiver 2021 est pour Pêr Vari celui de la consécration : « Un spectacle par jour quasiment, un peu partout en Bretagne ». Si bien que ce sont les responsables des archives départementales qui s’adressent à lui pour construire un spectacle sur le Barzaz Breiz.
« D’emblée, j’ai prévenu que ça ne m’intéressait pas de faire ce qui avait déjà été fait, y piocher de l’inspiration ou en faire le terreau d’une revendication politique ». Là encore, Pêr Vari compulse les documents, les livres ; il rencontre des personnalités, croise les témoignages.
« Le fil conducteur est devenu l’importance de la culture, quelle qu’elle soit. Ce qui m’indigne, c’est le comportement qu’a eu la France vis-à-vis de la langue et du peuple breton. Cela rejoint une réflexion universelle sur la place des cultures dites minoritaires. »
Au quotidien, Pêr Vari écoute des gwerzioù, des chants traditionnels, fruits des collectages, notamment sur le site de Dastum. « De plus en plus, j’écoute aussi d’autres types de musique. En ce moment, par exemple, je me passionne pour la musique arménienne ». La barrière de la langue ? Pêr Vari n’y croit pas. « Je ressentais des émotions importantes en écoutant de la musique bretonne bien avant d’apprendre le breton, à 27 ans ».

Un pied dans les traditions, un pied dans les réalités d’aujourd’hui
Passeur de mémoire, le Finistérien exhume des textes et des musiques oubliés et leur redonne sens et vie. Un pied dans les traditions, un pied dans les réalités d’aujourd’hui.
« Je travaille actuellement avec la pianiste Caroline Faget sur le matrimoine, la trace laissée par les femmes dans l’histoire de notre région*. L’occasion de découvrir ou redécouvrir des figures importantes, mais aussi de voir autrement le monde dans lequel j’évolue, et dans lequel les inégalités perdurent, quoiqu’on en dise. »
L’ancrage dans la réalité, il le garde aussi grâce à son métier de surveillant de collège. « J’aime les spectacles, les tournées. J’y avais déjà goûté avec le bagad de Lann-Bihoué, mais j’ai aussi besoin de me poser, de garder des repères solides ».
Pour en savoir plus
● Écouter Kan an anaon (9 titres) sur Youtube. Acheter l’album (21 €) en ligne sur Helloasso ou par chèque (à adresser à Mibien Kerne, Kerverniou, 29370 Elliant)
● Découvrir le travail autour du spectacle Noa en lisant l’article d’Efflam Caouissin sur le site d’information catholique argedour.bzh
● Prochain concert : Barzaz Breiz, la mémoire d’un peuple dimanche 12 mars à Moëlan-sur-Mer, puis samedi 25 mars à Paris, à la basilique Saint-Denis.
● Pages Facebook : Pêr Vari Kervarec Muzik ou Trio Pêr Vari Kervarec, Loeiz Méhat et Tony Dudognon ou Duo Caroline Faget / Pêr Vari Kervarec
* À lire aussi : notre dossier « Un matriarcat breton ? »
dans le magazine Le Peuple breton de juin 2022.