L’ONU s’inquiète des droits des minorités linguistiques en France

ONU

L’ONU s’inquiète après la censure en France de la loi Molac par le Conseil constitutionnel. Après la plainte adressée par le Réseau européen pour l’égalité des langues, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a adressé cet été une communication officielle à l’État français. Selon Kevre Breizh, il faut continuer de faire pression face aux pratiques ethnocidaires en France.

Le Réseau européen pour l’égalité des langues (ELEN, European Language Equality Network) est une ONG pour la promotion et la protection des langues minoritaires en Europe. Elle a le statut de consultant auprès du Parlement européen, du Conseil de l’Europe, des Nations unies et de l’UNESCO. Elle leur transmet régulièrement des rapports, qui sont suivis de remarques et recommandations aux États dont les pratiques ne sont pas conformes aux conventions internationales. Son représentant en Bretagne est la coordination culturelle associative Kevre Breizh.

Après la censure de la loi Molac en 2021, une plainte du réseau ELEN à l’ONU

En juillet 2021, le réseau ELEN a adressé une lettre au rapporteur spécial des Nations unies sur les questions relatives aux minorités exposant « une politique préoccupante » de la France qui ne respecte pas les droits de ses minorités linguistiques à l’enseignement des langues et à leur usage dans la vie publique et privée. ELEN, sur proposition de Kevre Breizh, a exposé que le Conseil constitutionnel a censuré deux articles de la loi de protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, dite loi Molac, votée par 72 % des 342 députés présents.

Le premier article, relatif à l’enseignement bilingue immersif autorisé par cette loi et déjà pratiqué par Diwan en Bretagne, a été jugé contraire à la constitution parce que cet enseignement utilise la langue dite « régionale » comme langue principale d’enseignement et langue de communication au sein de l’établissement scolaire. Le second article, relatif à l’usage de signes diacritiques (comme le ñ en breton et basque), est aussi censuré puisque ces signes ne font pas partie de l’alphabet de la langue française qui est celle de la République française. Le parlement ne peut donc pas accorder des droits nouveaux aux langues régionales tant qu’il n’aura pas modifié la constitution.

L’ONU adresse une communication officielle à la France

Le 31 mai 2022, le Conseil des droits de l’homme à l’ONU, par la voix du rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités Fernand de Varennes, de la rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels Alexandra Xanthaki et de la rapporteuse spéciale sur le droit à l’éducation Koumbou Boly Barry, a adressé à l’État français ses commentaires et suggestions. Il fait part de ses craintes que l’adoption et l’application de la décision du Conseil constitutionnel « puissent entraîner des atteintes importantes aux droits humains des minorités linguistiques en France ». Il ajoute que la décision « peut porter atteinte à la dignité, à la liberté, à l’égalité et à la non-discrimination ainsi qu’à l’identité des personnes de langue et de cultures historiques minoritaires en France ».

Alors que l’enseignement immersif en langues minoritaires de France est illégal, les trois rapporteurs notent que l’enseignement en anglais sous toutes ses formes serait toléré sans difficulté, soulignant bien par cet exemple une discrimination incontestable. Ils demandent à la France de leur fournir ses commentaires sur les questions évoquées, commentaires qui seront publiés par le Conseil des droits de l’homme.

Le mal faisant, l’État prend son temps

Afin de respecter le droit de la défense, les rapporteurs déclarent leur « crainte » d’une atteinte à des droits dans l’attente de la réponse de l’État français à leurs constats et analyse. Il est vraisemblable que l’État répondra avec son cynisme habituel qu’elle ne porte pas atteinte aux droits des minorités contenus dans de nombreuses conventions internationales car il n’y a pas de minorités ethniques ou linguistiques sur son territoire. Elle n’aura pas l’impolitesse de répondre comme l’ont fait les Hans, ethnie dominante de la Chine, elle aussi aux pratiques ethnocidaires, que le rapport de l’ONU sur des pratiques à l’égard des Ouïghours pouvant constituer des crimes contre l’humanité n’est qu’un « ramassis de désinformation ».

Dénoncer fermement les ethnocides en France

Selon Kevre Breizh, les pratiques multiséculaires de l’État français ayant pour finalité de détruire tous les éléments d’une identité sont autant d’ethnocides qu’il y a de peuples dans cet État. Les condamnations de ces pratiques, y compris par des organisations internationales, n’empêcheront pas la France de les poursuivre jusqu’à leur terme, c’est-à-dire jusqu’à l’assimilation des peuples.

Et de conclure qu’il est important que les peuples subissant cette politique dénoncent avec plus de fermeté que jusqu’à présent, et ensemble pour plus d’efficacité, un crime culturel intolérable afin de préserver la diversité culturelle, une des caractéristiques de l’humanité. L’organisation par Kevre Breizh à Vannes en mars 2022 d’un colloque intitulé « Ethnocides : un tabou français » est une action qui en appelle d’autres.

> Alan Le Gal

Rédacteur. Expert-comptable et commissaire aux comptes à la retraite, Alan Le Gal porte un regard engagé sur l'actualité. L'actualité locale depuis sa commune de Pont-Scorff (Morbihan) mais aussi régionale voire internationale grâce à ses activités associatives ou militantes en faveur de la culture, de la langue bretonne ou encore de la réunification administrative de la Bretagne. [Lire ses articles]