
Maintenant que les incendies des Mont d’Arrée sont enfin éteints, il est temps de répondre à la question du Télégramme du 20 juillet dernier : « Faut-il s’inquiéter des fumées de l’incendie ? ». Christian Pierre interroge.
L’article, où était interviewé le pneumologue Christophe Leroyer, du CHRU de Brest se concluait ainsi : « Faut-il s’inquiéter pour la santé de ces pollutions de l’air provoquées par des incendies de végétaux liés, de plus en plus, à des épisodes accentués de sécheresse ? Oui, c’est inquiétant. Les scientifiques attribuent une proportion d’environ 10 % des jours d’excès d’ozone liée aux incendies, aux États-Unis, nous dit, par exemple, un article de The New England Journal of Medicine du 26 novembre 2020. Au-delà, il faut regarder les effets des pollutions chroniques de l’air. On y prête attention dans les villes, un peu moins dans les campagnes. C’est dommage ! » Or, Brasparts, c’est quand même un peu la campagne…
L’inquiétude s’est médiatiquement focalisée sur le risque de destruction de la très symbolique chapelle St Michel de Brasparts. Si le départ de feu n’y était pas (en date du 20 juillet) considéré comme criminel, il n’en était pas de même pour celui de Brennilis dont le Parquet dénonçait le caractère volontaire ! Pour se situer géographiquement, en plein milieu des deux départs d’incendie, il y a l’ex-centrale nucléaire de Brennilis, à 6 km plein Est de la chapelle Saint-Michel et à 6 km plein Ouest du lieu dit Ploenez en Brennilis où l’on a détecté deux départs de feu à 30m l’un de l’autre !
Une conséquence indirecte de ces incendies est que les 80 employés du site EDF de Brennilis (site constitué de la centrale nucléaire en déconstruction, et de la centrale thermique en activité, même si elle était alors juste à l’arrêt pour révision), ont dû être évacués « en raison des fumées empuantissant l’air » selon le directeur Jean Cucciniello. Seuls une dizaine de techniciens sont restés sur place pour la sécurité.
Un incendie de landes ne menace pas la centrale, mais…
De la centrale nucléaire elle-même, en plein démantèlement, il ne reste quasiment plus que l’enceinte de béton contenant le cœur du réacteur. Un incendie de landes ou de tourbe ne risque pas de toucher l’intérieur de l’enceinte ! Mais le danger n’est pas là. Qu’est-ce qui nous prouve qu’il n’y plus de radioactivité dans le sol autour de la centrale ? En 2006, dans un article du Peuple breton, j’écrivais ceci : « Les analyses de la CRIIRAD de mars 2006 montrent la présence de césium 137 en quantité telle qu’il ne peut pas provenir comme l’ont dit certains des retombées de Tchernobyl, mais « est imputable au fonctionnement passé ou présent de la centrale », or le fonctionnement présent, c’est le démantèlement. » Et j’ajoutais ceci : « Le coût étant élevé, les analyses de tritium ont dû être réduites et le rapport de M. Bruno Chareyron (Ingénieur en physique nucléaire et responsable du laboratoire de la CRIIRAD, Commission Indépendante sur la Radioactivité), reprend des analyses de 2002 : elles montrent 1000 fois plus de tritium dans les sédiments en aval qu’en amont de la centrale, 10 fois plus dans les brochets en aval qu’en amont, et que l’on avait même retrouvé du plutonium sur un des chemins proches de la centrale ! » Rappelons que le plutonium (demi-vie 24000 ans) n’existe pas dans la nature donc ne pouvait provenir que de la centrale.
Cette même année 2006, la CRIIRAD avait réalisé des prélèvements de mousses aquatiques à proximité de la centrale, derrière la STE (station de traitements des effluents) et indiqué y avoir trouvé plusieurs éléments radioactifs provenant de la centrale et notamment une concentration anormalement élevée d’actinium 227 (demi-vie 28 ans). Plus récemment, en fin 2021, le directeur du site de la centrale de Brennilis a reconnu une pollution résiduelle des nappes phréatiques et notamment par du tritium à la suite de l’« incident Sulzer » survenu en 1988 (une fuite au niveau du bâtiment de traitement des effluents) mais que cette contamination résiduelle était inférieure aux seuils réglementaires. Inférieure certes, mais pas nulle, et s’il en reste dans les nappes phréatiques, pourquoi pas dans le sol, là où pousse des plantes susceptibles de brûler en cas d’incendie ?
Du césium 137 ?
Donc il est fort peu probable, même longtemps après la fermeture de la centrale, que le sol soit vierge de toute trace de radioactivité en profondeur, même si on a « gratté la surface ». La centrale a fermé en 1985, et la demi-vie du tritium est de 12 ans environ (donc la quantité de tritium divisée par 2 tous les 12ans), il ne doit plus en rester beaucoup). Mais qu’en est-il par exemple du césium 137, de demi-vie 30 ans ? Et d’autres éléments à demi-vie beaucoup plus longue ? La conséquence que la végétation en poussant peut absorber une partie de cette radioactivité. Il suffit de se souvenir des polémiques après Tchernobyl.
Alors on peut se poser la question : autour de la centrale, il n’y pas eu de dégâts dûs à l’incendie. Sur les 1700 hectares environ qui ont brûlé, seuls – si on peut dire – 15 hectares ont brûlé sur Brennilis. Mais on peut se demander si les employés ont été évacués d’urgence simplement pour cause de pollution chimique ou par précaution ? Le site n’a certes pas été atteint par le feu, mais si ça avait été le cas, qu’est ce qui prouve que les fumées et les cendres n’auraient pas été au moins « un peu » radioactives ?
Quant aux 3 turbines à combustion de Brennilis, qui sont là pour apporter en particulier un supplément d’énergie en cas d’hiver rigoureux, elles ne fonctionnent pas au gaz comme la nouvelle centrale de Landivisiau mais au fuel domestique. Cela veut donc dire qu’il y a un stockage de fuel sur place. Il valait donc mieux pour cette raison aussi que l’incendie n’atteigne pas le site…
Et quelques jours plus tard…
Quelques jours après avoir commencé à rédiger cet article, alors qu’on savait que l’incendie de départ de Brennilis avec deux départs de feu éloignés de 30 m était criminel, on apprenait que celui de Brasparts aussi était très probablement criminel. Tout était heureusement éteint du côté de St Michel de Brasparts, mais six foyers d’incendie redémarraient à cause du vent le vendredi 22, dont un feu au sud du lac de Brennilis, à Cosquer en Brasparts. Le lieu est situé à quelques centaines de mètres de la centrale de Brennilis. De très nombreux pompiers et véhicules ont permis d’en venir à bout rapidement.
Si près de la centrale, cela ne peut que relancer la question qu’on se posait : les fumées pouvaient-elles être radioactives ? Parions qu’on n’est pas prêt d’avoir la réponse…