Le programme de la NUPES, une menace pour Diwan ?

NUPES

Le programme de la Nouvelle Union Populaire, Écologiste et Sociale (NUPES), alliance menée par LFI, vient de paraître. Un de ses points suscite déjà l’inquiétude car il pourrait s’agir d’une menace pour le réseau d’écoles immersives en breton Diwan, ainsi que pour tous les autres réseaux de ce genre en France.

Pour comprendre le problème, il faut savoir que ces écoles sont de statut privé, bien que gratuites et laïques. Cette situation relève moins d’un choix de leur part que du refus par l’État d’intégrer des écoles immersives au service public d’Éducation.

Or, deux mesures du programme de la NUPES prévoient de réduire le financement des écoles privées :

  1. Abroger la loi Carle, qui oblige les mairies à financer les écoles privées d’autres communes
  2. Interdire les subventions extralégales des collectivités territoriales à l’école privée

Comme aucune distinction n’est faite dans le programme en question entre écoles privées confessionnelles et/ou payantes, d’une part, et écoles laïques et gratuites associatives de l’autre, ces mesures concernent jusqu’à preuve du contraire Diwan. Si l’on comprend bien, les communes ne seraient plus dans l’obligation de verser le forfait scolaire à Diwan pour des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence (mesure obtenue de haute lutte face au ministre Jean-Michel Blanquer, et en cours d’application). On comprend aussi que les communes qui le souhaitent ne pourraient plus soutenir Diwan au même niveau qu’aujourd’hui.

Erreur ou manœuvre contre Diwan ? Le réseau n’est jamais nommé. Mais on se souviendra qu’au moment de l’examen de la loi Molac, les députés LFI avaient voté contre les propositions visant à sécuriser le financement du réseau (et aussi contre la méthode immersive à l’école publique). Une erreur n’est donc pas l’explication la plus probable ! Un connaisseur du dossier ayant suivi les débats sur la loi Molac nous confirme qu’à son avis, « oui, les écoles Diwan sont bien concernées », comme une sorte de revanche après le vote majoritaire à l’Assemblée nationale en faveur de cette loi. En effet, la partie de la loi Molac consacrée au forfait scolaire complète les dispositions de la loi Carle de 2009.

Cette impression est renforcée par le fait que le programme n’affiche aucune ambition de développement des classes bilingues ou immersives en breton, malgré le fait que la demande des familles est de l’ordre de 10 fois supérieure à l’offre actuelle pour ces filières.

L’ancienne présidente de Diwan Stéphanie Stoll a d’ailleurs vivement régi sur twitter :


 Traduction: Soyons clair ! Voter @NUPES_2022_ = en finir avec @Diwan et les écoles associatives immersives @seaskaikastola @LaBressola #eskolim » Nous sommes habitués avec Jean-Luc Mélenchon. Honte au Parti socialiste EELV …

On trouvera un peu de contradiction dans les points qui font débat entre les parties prenantes de l’accord : « Les points qui seront mis à la sagesse de l’Assemblée. Le Parti socialiste, Europe Écologie-Les Verts et le PCF […] soutiendront la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, la co-officialisation des langues régionales et l’enseignement bilingue et immersif des langues régionales et le rôle de service public des réseaux associatifs pleinement reconnus. […] Le Parti socialiste ne soutiendra pas l’interdiction des subventions extralégales des collectivités à l’enseignement privé, notamment pour le périscolaire, ainsi que l’abrogation des lois relatives aux libertés et responsabilités des universités (LRU) et Fioraso et du principe d’autonomie des universités. »

On pourrait donc se rassurer en constatant qu’apparemment, 3 des 4 principaux signataires (EELV, PS et PCF) soutiendront l’enseignement immersif, et même la co-officialisation. Mais précisément, le seul qui s’y oppose par omission (LFI) est le parti qui s’est taillé la majorité des circonscriptions dans l’accord de la NUPES, et dont serait issu le premier ministre en cas de victoire, à savoir Jean-Luc Mélenchon ! Avec Emmanuel Macron président, Jean-Luc Mélenchon premier ministre, et LFI majoritaire à l’Assemblée, on peut s’attendre à beaucoup de choses mais certainement pas à la co-officialisation des langues minorisées en France, ou à une politique vigoureuse en faveur de leur enseignement.

La position de principe défendue par les trois autres partis reste donc un moyen de sauver la face en ne s’associant pas à une nouvelle offensive anti-langue bretonne… mais ces partis étant minoritaires, en cas de victoire de la NUPES, les jeux seront déjà faits.

L’envoi à l’Assemblée de députés de gauche non-issus de cette alliance, mais de partis fédéralistes comme l’UDB, est donc le seul moyen efficace de garantir une politique favorable à Diwan et à la langue bretonne dans le contexte d’un succès électoral pour la gauche.

 

 

> Ar Skridaozerezh / La Rédaction

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