Fonderie de Bretagne obtient un dialogue avec Renault !

Tôt ce matin, plusieurs dizaines d’ouvriers de Fonderie de Bretagne, à Caudan, ont investi le passage à niveau de la gare de Lorient, bloquant toute circulation aussi bien les trains que les voitures ou les bus. Le Peuple breton était à leur côté. Récit de la matinée…

Blouses Renault sur le dos, les ouvriers de Fonderie de Bretagne sont toujours aussi déterminés quand ils prennent le contrôle de ce carrefour stratégique de Lorient. Éparpillant des pièces de fonderie sur les rails et la route, ils prennent possession en quelques minutes du lieu et y campent. La réaction ne tarde pas : la police arrive et les négociations démarrent.

« Les parisiens vont passer un très mauvais week-end ! On va jouer au chat et à la souris s’il le faut », lance Eric Blanchier, une des figures du mouvement. Et, de fait : les TGV ne circulent plus, les passagers sont obligés d’attendre et de prendre des bus. Quand la police revient sur les lieux, ils annoncent que le sous-préfet est disposé à les recevoir si la voie est dégagée. La réponse est rapide : « on ne cède pas au chantage. Si le sous-préfet veut nous voir, qu’il vienne ! S’il n’a rien à nous annoncer de nouveau, on restera ici ». Maël Le Goff, représentant de la CGT, est devenu au fil du temps un habitué des négociations. Il parle ferme, mais poliment, a le soutien inconditionnel de ses camarades.

Au bout d’une demi-heure supplémentaire, le sous-préfet se rend sur place. Les ouvriers le remercient de s’être déplacé et la discussion commence. « Il faut reprendre le dialogue », amorce le sous-préfet. Maël Le Goff dégaine : « Avec qui ? On n’arrive pas à approcher Senard [président de Renault]. Ils ne veulent jamais nous parler. Même Fabrice Loher, le maire de Lorient, admet qu’on le prend pour un con ! Ça fait un an que ça dure. Le médiateur ne fait rien. Hier, le message à la radio a été clair : Renault veut vendre et nous pousser vers la sortie. En formation ! » L’assemblée est calme, à l’écoute, prêt au dialogue comme ils l’ont toujours été. « Je suis fier de travailler à la fonderie », lance un ouvrier.

Au bout d’un quart d’heure de discussion avec le sous-préfet, les ouvriers ne sont toujours pas disposés à partir. Les effectifs de police sont réduits, mais tout le monde s’attend à une charge. Les voies de chemin de fer sont déjà bloquées depuis plus d’une heure. Mais le sous-préfet ne souhaite pas donner l’ordre de charger : « L’usage de la force n’a pas de sens ». Les ouvriers tonnent en chœur qu’eux-non plus ne veulent pas se battre. « Nous, on veut travailler ! ». L’ambiance est détendue, mais on ne sait pas sur quel pied danser : les CRS sont en place, mince cordon face aux ouvriers bien plus nombreux qui scandent en bloc : « fondeurs oui, chômeurs non ! »

Ceux-ci sont d’autant plus déterminés qu’ils ont l’impression d’être pris pour des imbéciles. Les responsables de Renault, suivis des politiques, continuent de dire dans les médias qu’ils produisent des pièces pour des diesels. Une façon de faire croire à la population que l’usine serait obsolète. Or, elle est neuve et les fondeurs fabriquent des porte-fusées de la Zoé, voiture électrique de la marque au losange. « Senard fout l’industrie française en l’air ! C’est un début la fonderie ! », entend-t-on dans les rangs des bloqueurs. « Chargez donc ! Ça montrera que l’État est dominé par le monde industriel », lance Maël Le Goff. Mais le sous-préfet maintient sa ligne : « l’État est fier de son industrie ». « Je n’ai pas voté pour De Meo [directeur général de Renault] moi ! », dit l’un des ouvriers. Puis Maël Le Goff reprend : « N’ouvrez plus votre maison à Renault ! Les gens qu’on nous envoie pour discuter nous mentent. Le dialogue, c’est à Renault qu’il faut le demander. »

Au bout de près de 3h de blocage, sous la pluie et le froid, le sous-préfet revient pour annoncer qu’une visio aura lieu à 15h avec des responsables de Renault. Cela fait plus d’un an que le conflit dure et c’est la première fois que les ouvriers obtiennent une telle entrevue. Rendez-vous est donné cet après-midi devant la sous-préfecture de Lorient dès 14h30.

 

 

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]