Ancien pompier, Alonzo est aujourd’hui en reconversion professionnelle en tant que photographe. Depuis quasiment le début de l’occupation du Grand Théâtre de Lorient, accompagné de son large sourire et jamais avare d’un petit mot chaleureux, il mitraille les actions, manifestations, assemblées générales du mouvement…
Alonzo est devenu professionnel de la photographie suite à une déception. Malgré plusieurs promesses d’embauches dans le domaine de la sécurité, des CDD enchaînés les uns après les autres, il n’a jamais été titularisé. « Finalement, il y a toujours une bonne excuse pour ne pas t’embaucher : le client te trouve malpoli, ta tête ne revient pas au patron, tu refuses de surveiller le personnel ou de sanctionner une petite dame qui a volé deux tranches de jambon parce qu’elle a faim… »
Il y a encore quelques années, Alonzo habitait Languidic et allait travailler tous les matins à Baud… en vélo ! « Je n’ai pas le permis, mais j’ai toujours eu la motivation du travail ! » Finalement, il a du prendre un appartement à Lorient pour continuer de travailler. Tout le monde croyait que je m’étais séparé de ma femme. Mais moi, j’espérais vraiment mon CDI. J’ai été berné par mon patron ». Alors du coup, Alonzo en a eu marre d’attendre et a voulu faire ce qu’il aimait : « être indépendant, faire de la photo ! » Il poursuit : « je touchais du chômage. J’ai commencé la photo pour souffler, prendre du recul avec le privé. Mes photos ont plu à des associations, certaines sont même allées jusqu’à Seattle ! J’ai commencé une formation, mais en réalité, moi ce que j’aime, c’est la photo de rue. »
Qu’est-ce qui a attiré Alonzo dans l’équipe des occupantes et occupants ? « J’étais avec mon fils et j’ai proposé mon soutien aux intermittents sous forme de clichés. Comme eux, si je ne fournis pas de photos, je n’ai rien ! Avec ma femme qui est vendeuse et qui ne bosse pas non plus en ce moment, on se demande où on va. Le lendemain de ma visite, je suis revenu avec du matos. Je n’ai pas eu besoin de me justifier. Clara m’a accueillie. J’ai été incorporé tout de suite à l’équipe com’. Ça m’a fait très plaisir. Depuis ce jour, je suis un peu le photographe officiel du mouvement. » Parallèlement, Alonzo apparaît parfois sur les émissions de Tol TV, il participe aux actions. « Je me suis senti accueilli, comme une famille. Ça m’a donné envie de rester. »
Ce qui le motive, c’est la lutte contre la réforme de l’assurance-chômage. « Après, c’est le pass sanitaire ! C’est selon moi, une oppression d’État. On t’oblige à te vacciner pour travailler. » Alonzo avoue humblement avoir appris beaucoup de choses en arrivant au théâtre. « J’étais tellement fatigué que je ne suivais plus rien : ni presse, ni télévision. J’ai décroché depuis plusieurs années. Ici, je me suis réinformé ! J’étais marginal et je me repolitise. J’ai été accueilli, j’ai pu prendre la parole, être écouté. Mon épouse aussi. Ici, j’ai eu de grands moments d’émotion. » Pour Alonzo, le moment le plus marquant a été l’action au « K2 », le centre commercial Carrefour au nord de Lorient. « On a glissé des mots dans les produits pour faire passer des messages. Il y avait un côté résistance, d’être obligés de se cacher pour communiquer auprès des gens. »
Il y a beaucoup de préjugés sur l’emploi, sur les travailleurs. Alonzo le sait parfaitement. « Dans le métier d’agent de sécurité, par exemple, on te donne le minimum de matériel, le reste tu l’achètes ! On te demande d’être nickel, propre sur toi, de passer chez le coiffeur régulièrement. Sauf qu’on ne nous donne pas de primes pour ça ! C’est pour ta poche ! » Ses photos, Alonzo aimerait qu’elle serve à une exposition, avec l’accord de tous. Pour donner sa vision des choses. « Je connais un bar à Lorient qui est prêt à m’ouvrir son local. Tout le monde n’a pas internet, ni de réseaux sociaux. Je veux montrer aux gens ce qu’on a vécu au sein du collectif. Il y a des gens qui disent qu’on est là pour foutre le bordel. Mais dans mes photos, je ne vois que des sourires, de la joie ! Je veux qu’on se retrouve tous après, qu’on ne se dise pas au revoir, comme ça et tout le monde rentre chez soi. »