Anouck est chorégraphe. Arrivée par l’intermédiaire d’une amie qui lui signalait que les occupants et occupantes du Grand Théâtre de Lorient cherchaient des participant-e-s pour une action, elle est désormais très active dans le mouvement. Son investissement répond à « une nécessité ».
« Je suis entrée pour voir comment ça se passait. 15 jours plus tard, je devenais une occupante. Il m’a juste fallu organiser ma vie pour dégager du temps. Je suis dans une spirale où plus ça va, plus je viens ! Plus je découvre l’occupation, plus je découvre les choses qu’il y a à faire, les enjeux, les problématiques qui nourrissent mon envie de m’investir. Je considère même ça comme un travail ». Anouck vit l’occupation « comme le début d’une histoire d’amour », avec excitation ! « Cette richesse humaine avec nos différents parcours me stimule, me donne une énergie, me donne envie de revenir. »
Elle vit dans un endroit qui, selon elle est « assez mou en terme de réseaux, de rencontres, d’engagements ». En venant à Lorient, elle a trouvé quelque chose de précieux : la naissance et le développement d’un collectif naissant, « voire d’un mouvement », celui des théâtres occupés. Et il faut évidemment trouver sa place, ce qui n’est pas toujours évident. « Lors de ma première assemblée générale, j’avais presque l’impression de ne pas pouvoir voter, de ne pas être légitime ». Un sentiment que l’on retrouve chez de nombreux occupants et plus encore chez les occupantes, pourtant nombreuses et très actives !
À titre personnel, il s’agit pour Anouck « de trouver mes ressources pour tenir dans la durée, d’agir au maximum de façon efficace en parallèle de ma vie privée. Au-delà du fait que c’est un lieu de luxe, en ce sens qu’il est précieux, je prends cette occupation comme un laboratoire d’expériences collectives. À mon sens, aujourd’hui, on n’a plus le choix : je ne peux plus agir seule ! Il y a une nécessité de trouver les moyens de se rassembler, d’être relié-e-s pour agir, pour nourrir l’espoir de sauver quelque chose. Et pour sauver quelque chose, il faut être nombreux-ses. Je rêve d’une révolution ». Et Anouck d’ajouter : « Tu peux écrire « rêvolution » ? »
À l’intérieur du théâtre, Anouck essaye de comprendre les nécessités du moment, d’y répondre. Elle participe aux actions, aux tractages, à la réflexion de fond sur l’organisation du collectif. « Quelque chose que je trouve puissant dans l’occupation, c’est que cela redonne au théâtre sa fonction première : un espace de prise de parole, un endroit où on se décale par rapport à la pensée dominante. C’est un endroit de transmission et de liens sociaux. C’est un endroit où les luttes ont leur place. » Anouck et d’autres occupant-e-s ont proposé un groupe de travail sur « l’intelligence collective ». « Le but ? Essayer d’être au plus proche des besoins du collectif. Il nous faut des outils et des façons de faire pour que le collectif reste soudé, que l’on dépasse les conflits inévitables. Que l’on progresse dans l’organisation. J’ai la sensation que les conflits naissent aussi dans les problématiques d’organisation (répartition des rôles, transmission de l’information…). Travailler sur ces questions de fond peut nous apporter de la réactivité, de la confiance en soi et dans le groupe, de la légitimité à être là. L’enjeu du collectif, pour moi, c’est un travail sur l’égo. Il ne faut surtout pas tomber dans le piège de s’identifier à une idée, à une cause. J’agis, je fais quelque chose, je le donne au collectif. Je n’attends pas une reconnaissance en fonction de ce que j’ai proposé. C’est le collectif qui doit recueillir cette reconnaissance. »
Récemment, les occupantes et occupants ont ajouté une neuvième revendication : l’abrogation des lois scélérates comme la loi séparatisme ou sécurité globale. Pour Anouck, se positionner contre ces lois est quelque chose de primordial : « Je suis profondément affectée par les privations de libertés de plus en plus nombreuses et coercitives. Face à cela, nous dormons. Nous intégrons des habitudes brimantes, nous les adoptons petit à petit sans même nous en rendre compte. Selon moi, il y a deux choses fondamentales : nos libertés, notre capacité à être autonome et responsable d’une part et la répartition des richesses d’autre part. On ne manque pas d’argent dans le monde… Alors pourquoi y a-t-il de plus en plus de personnes qui crèvent la dalle ? Comment ne pas avoir envie d’agir face à cette situation abjecte et innommable ? L’urgence d’agir, voilà dans quel état je suis… Ce mouvement des occupant-e-s des théâtres me donne les moyens de le faire, merci à toutes et tous pour la convergence de nos forces individuelles ! »