Précaires et intermittents occupent le Grand Théâtre à Lorient

Coup d’éclat dans le monde du spectacle ! Suite à l’occupation du théâtre de l’Odéon, à Paris, de nombreuses autres salles de dimensions nationales ont été occupés par les artistes et intermittents. La Bretagne ne fait pas exception : après le théâtre Graslin à Nantes, Le Quartz à Brest, l’Opéra à Rennes ou le Carré Magique à Lannion, le Grand Théâtre de Lorient a vu plusieurs dizaines d’intermittents et précaires investir le lieu. Le Peuple breton a rencontré Youen Paranthoen, à Lorient.

Depuis lundi matin, le Théâtre de Lorient est occupé. Aucune violence, ni dégradations, juste l’envie de réinvestir un espace public pour s’exprimer, s’auto-organiser. Youen est syndiqué à la CGT spectacle, il est intermittent et souhaite mettre en avant les conditions de vie des acteurs du monde de la culture. Il précise bien d’emblée que « ce n’est pas un mouvement d’artistes réclamant la réouverture des lieux de spectacle, mais bien un collectif qui se bat contre la précarité ».

La situation sanitaire n’a bien sûr pas arrangé les affaires des intermittents et précaires et ceux-ci ne demandent pas mieux que de travailler, mais ils s’inquiètent surtout du projet de Macron sur l’assurance-chômage. « Pour l’instant, cela ne concerne pas les intermittents, mais ce projet de réforme vise à durcir les règles d’accès au chômage et à baisser les indemnités. C’est donc négatif pour l’ensemble des précaires. Par expérience, on sait que nous serons les prochains sur la liste ! », débute Youen. Leur présence au Grand Théâtre est donc avant tout pour revendiquer des conditions sociales dignes pour les travailleurs du monde du spectacle. « Nous souhaitons l’élargissement de l’accès au droit chômage pour les primo-accédants. Je connais beaucoup d’artistes qui étaient proches d’atteindre leurs droits chômage ; la crise sanitaire les en a privé. Aujourd’hui, on ne parle pas de ces gens-là, qui vivent avec très peu. Nous souhaitons aussi que soient garanti l’accès aux congés maternités et aux congés maladie pour les précaires ».

L’emploi discontinu, le chômage partiel, c’est, au-delà du travail, autant de cotisations en moins qui se payera sur la retraite, les congés, le chômage, la formation continue, la médecine du travail… « Il y a une envie de redémarrage bien sûr, d’autant que la majeure partie des intermittents travaillent en baluche, dans des festoù-noz, de grands festivals ou même dans les bars… autant d’activités dont on sait qu’elles ne seront pas reprises tout de suite ! Ce que l’on veut, c’est aussi s’assurer que nous serons associés à la prise de décision qui ne doit pas être issue d’un comité d’experts ! Nous voulons dire nous-mêmes comment cela doit repartir. Et pour ce faire, nous voulons un conseil national des professions du spectacle qui se tienne avec le Premier Ministre. » Il ajoute : « certaines personnes n’ont pas rejoué depuis un an. Or, un musicien, c’est comme un sportif : il a besoin d’entraînement. Il faut donc débloquer des fonds pour être payés en répétition. »

La mairie de Lorient semble frileuse et a demandé au Grand Théâtre de ne pas les soutenir logistiquement (accès à internet, sonorisation). En somme, ils sont tolérés dans l’enceinte de l’équipement culturel, mais s’ils pouvaient ne pas faire trop de bruit, cela arrangerait les affaires de la majorité ! « On est là pour longtemps », prévient cependant Youen Paranthoen. « Ce lieu doit servir à faire parler les gens, à les faire découvrir notre travail, les faire rire aussi. Autant de choses qui manquent. Malgré les nuages au-dessus de nos têtes, il y a une ambiance très positive. »

50 personnes sont autorisées en même temps dans le bâtiment et 15 personnes y dorment la nuit. Danseurs, musiciens, comédiens, chacun prépare des animations qui seront présentées en extérieur. Si vous passez leur rendre visite, pensez à soutenir leur caisse de grève car c’est ce qui leur permet de manger !

 

 

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> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]