
En mars 2019, à l’occasion de la commémoration de la fin de la guerre d’Algérie, la ville de Carhaix avait rendu hommage au général Jacques Pâris de Bollardière en inaugurant une statue à l’effigie du seul général à s’être élevé contre la torture pendant cette guerre. En cette fin 2020, c’est son épouse Simone qui vient de disparaître à son tour. Le Peuple breton souhaite lui rendre hommage comme elle l’avait fait pour son époux.
Simone de Bollardière vient de nous quitter à l’âge respectable de 98 ans. L’an dernier, elle aurait souhaitée être présente à Carhaix, mais l’âge l’en avait empêchée et se furent ses filles Armelle, Soisik et Marion qui reçurent l’hommage à leur père. Jacques de Bollardière n’aurait sans doute pas eu l’aura qu’il a toujours s’il n’avait eu pour lui l’indéfectible soutien de Simone. Lui est décédé en 1986, mais Simone a continué après son décès à s’investir dans de nombreuses causes. De nombreux témoignages viennent saluer son action.
Tout d’abord, dans la continuation de l’action de son époux, celui qui avait osé tenir tête au général Massu pour refuser la torture que ce dernier encourageait. Après avoir été un des plus décorés de la France libre, et le plus jeune général de France, Jacques avait fait le choix de démissionner de l’armée, avec le soutien moral bien sûr de son épouse.
À la Toussaint 2000, à la veille de la date-anniversaire du début de l’insurrection algérienne contre la colonisation française, le 1er novembre 1954, Simone avait signé « l’appel des Douze contre la torture », appelant l’État à condamner la torture pratiquée par la France en Algérie. Elle l’avait signé auprès de personnes prestigieuses comme l’avocate Gisèle Halimi, décédée cet été, de l’ethnologue Germaine Tillion, décédée en 2008 et entrée depuis au Panthéon, mais aussi de Josette Audin, veuve de Maurice Odin, militant communiste torturé et assassiné à l’âge de 25 ans par l’armée française pendant la bataille d’Alger, en 1957, ce que l’État français a fini par reconnaître en 2018 par la voix du Président de la République.
Simone n’avait pas hésité à témoigner aussi lors du procès du général Paul Aussaresses, un des militaires les plus controversés pendant le conflit algérien. Il fut ensuite instructeur des Forces spéciales de l’armée américaine puis attaché militaire en 1973 au Brésil pendant la dictature. En 2000, il finit par reconnaître publiquement et ouvertement avoir torturé en Algérie et fut condamné en 2004.
Si en 2019, Simone de Bollardière n’avait pas pu venir à Carhaix, elle y était venue en 2003 pour inaugurer une rue au nom du Général de Bollardière, rue nommée d’ailleurs ainsi à la requête de l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture). J’avais eu l’honneur d’être à ses côtés lors d’un débat organisé à cette occasion avec les élèves du Lycée Paul Sérusier, et elle avait y pu parler de la vie militante de son mari et de pacifisme.
Mais l’action de Simone ne s’arrête pas à ces prises de position. Profondément bretonne comme son mari, ils avaient co-présidé en 1984 le comité de soutien à Diwan. Profondément écologiste, elle n’avait de cesse de militer contre le nucléaire, ayant été une active opposante à Plogoff, comme son mari l’avait été à Mururoa. Elle milita aussi comme lui aux côtés d’Eaux et Rivières. Enfin, elle n’hésita pas, à 88 ans, à s’engager symboliquement en dernière position sur la liste EELV/UDB aux élections régionales de 2010. Profondément humaniste, elle soutenait le peuple palestinien et se battait contre l’injustice sous toutes ses formes.
Une de ses actions restée célèbres fut aussi la lutte qu’elle mena pour la desserte de la gare de Quimperlé, dont le parvis porte désormais son nom.
Pour finir, qui de mieux pour parler de Simone que ses filles ? Alors laissons la parole à celle qui fut jusqu’à récemment maire de La Méaugon à côté de St Brieuc, et présidente de l’Association des Maires des Côtes d’Armor, Armelle Bothorel, qui disait l’an dernier dans son discours à l’inauguration de la statue de son père à Carhaix : « Je tiens ici à rendre hommage tout particulièrement à son épouse Simone de Bollardière. Elle fut en accord profond avec tous ses combats et lui apporta un soutien sans faille dans les moments heureux ou tourmentés de leur vie. Après la mort de son mari, elle poursuit avec intelligence et énergie, les luttes pour la justice et la dignité humaine et soutient inlassablement les causes difficiles pour lesquelles elle est sollicitée. À 97 ans, elle n’a rien perdu de son esprit de révolte et de la vigueur de ses convictions. »