
Article publié dans le numéro de septembre 2020.
Le Donegal, dans la partie septentrionale de la République d’Irlande, est un vivier de musiciens traditionnels, tous plus talentueux les uns que les autres. Bríd Harper ne fait pas exception à la règle. C’est à Gaoth Dobhair que nous avons rencontré une femme réservée, mais non moins chaleureuse.
Elle habite près de Dungannon, en Ulster, depuis une trentaine d’années, mais Bríd est née et a grandi près de Castlefinn dans l’est du Donegal, une région connue sous le nom de Finn Valley. Elle est l’aînée de six filles. Ses parents lui achètent un tin whistle à l’âge de 8 ans et elle suit chaque semaine les cours de musique dispensés par son oncle Frank Kelly. Puis, à Noël suivant, elle se voit offrir un fiddle.
« J’ai commencé à suivre les cours de Pat McCabe, explique Bríd. Lui-même jouait de l’accordéon, mais il enseignait tous les instruments ensemble dans une même classe. C’est ainsi qu’a débuté mon histoire d’amour avec le fiddle. Dans les années 1970 et 1980, j’ai fréquenté les sessions locales avec ma famille. Puis, au fur et à mesure que nous progressions, mes parents nous ont emmenés dans d’autres sessions dans le Donegal, le Leitrim, les comtés de Tyrone et Fermanagh. »
À l’école, Bríd et ses sœurs étaient les seules à jouer de la musique. Au collège, elles étaient à peine plus nombreuses : « À l’époque, ce n’était pas cool de jouer de la musique traditionnelle, concède Bríd. La majorité des musiciens dans les sessions étaient des adultes, mais ils nous ont toujours encouragées.
« Nous avons pu rencontrer et entendre des enfants de notre âge lorsque nous avons commencé à participer aux compétitions des fleadhs. En plus de nous emmener aux sessions, mes parents achetaient des disques. J’ai passé de nombreuses heures à essayer d’apprendre les airs et jouer avec les enregistrements. »
Bríd est douée et apprend vite. Elle commence à concourir au Fleadh en 1975 et elle remporte son premier titre de championne d’Irlande dès 1976 à Buncrana, dans le nord du Donegal. En plus d’être un concours, les fleadhs permettent de suivre des stages de musique durant une semaine. Bríd y participera jusqu’à ses 16 ans. Elle enchaîne les récompenses tous les ans jusqu’en 1988.
« J’aime à penser que mon style au fiddle est unique et facilement reconnaissable par les autres musiciens. Quand j’étais jeune, j’écoutais John Doherty, Tommy Peoples, Paddy Glackin et quantité d’autres encore. Lors des sessions, de nombreux violonistes jouaient dans le style de Sligo, celui de maîtres comme Michael Coleman ou James Morrison, qui m’ont beaucoup influencée. Hugh Gillespie, qui avait joué avec eux, était rentré des États-Unis et, au début des années 1980, mon père m’avait amené chez lui à quelques reprises. Je me souviens d’avoir appris plusieurs airs auprès de lui. »
En 1990, Bríd déménage en Irlande du Nord. Elle y enseigne la musique à temps partiel tout en élevant ses cinq enfants, jouant assez peu en concert. En 1999, elle est invitée à rejoindre le céilí band local.
En 2015, Bríd obtient une maîtrise en musique traditionnelle irlandaise à l’université de Limerick. C’est la même année que sort son premier album solo : « L’accueil reçu par mon album a dépassé mes attentes. Avant et aussi après cela, j’ai participé à de nombreux enregistrements d’autres artistes. Actuellement, je suis membre du groupe Uaine, récemment formé aux côtés de Tony O’Connell au concertina, Paul Meehan à la guitare et Lisa Butler au chant. Notre premier enregistrement, The Dimming of the Day (la tombée du jour), est sorti lors du festival d’Ennis il y a quelques mois. »
Depuis 2015, Bríd tourne régulièrement en Irlande, en Europe, aux États-Unis, au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande, seule ou accompagnée d’un ou deux autres musiciens comme Dermot Byrne, Steve Cooney, Harry Bradley ou Tony O’Connell.
« Je préfère les petits concerts intimes et acoustiques, ce qui est plus agréable pour jouer de la musique traditionnelle irlandaise. J’écris des chansons depuis 2012 et trois d’entre elles figurent sur mon album solo. L’une d’elles a d’ailleurs été écrite pendant mes vacances en Bretagne. Je l’ai appelée Jig for Yvette, en hommage à Yvette Bellet, du Toucouleur à Trégastel, où j’ai souvent eu l’occasion de me produire. »
Pour les musiciens irlandais aussi, cette année a été difficile et tous les concerts de 2020 ont été reportés à 2021. En attendant, Bríd Harper enseigne en ligne, poste des clips sur les réseaux sociaux et continue à composer.
« J’ai tiré bénéfice du confinement, qui m’a permis de réfléchir à ma musique dans l’avenir. Je suis reconnaissante pour toutes les opportunités que j’ai eues dans le passé. En Bretagne, l’an dernier, j’ai joué avec Sylvain Barou et Nicolas Quemener, et nous avons bien l’intention de renouveler l’expérience dans un futur proche. »