Le 10 octobre, c’est la journée mondiale contre la peine de mort. Qu’en est-il de la peine capitale d’une part aux États-Unis (dans l’actualité à cause des élections), et d’autre part dans le reste du monde ?
La peine de mort, ce sont souvent des statistiques dans les journaux et à la télévision, parfois des reportages à la télévision. Ça touche les gens, puis ils oublient. Mais ça peut être quelque chose qui touche de près, en particulier par le biais de la correspondance que d’aucuns entretiennent de par le monde avec des condamnés. En 1987, un américain d’origine mexicaine, vivant au Texas, a été arrêté pour des faits graves. Ramiro fut d’abord libéré pour une faute de procédure, mais fut ré-arrêté 9 ans plus tard, en 1996. Ramiro qui ne parle que quelques mots d’anglais et ne s’exprime et n’écrit qu’en espagnol, fut condamné à mort en décembre 1997, malgré un QI avéré inférieur à la moyenne. En 2003, un Frère breton, septuagénaire, membre de l’ACAT fit alors le choix d’occuper sa retraite en correspondant avec un condamné à mort : il se vit confier le cas de Ramiro enfermé dans le couloir de la mort de sa prison texane. Pour celui qui fut professeur d’espagnol, correspondre dans cette langue n’était pas un problème. Aujourd’hui, le Frère vient d’avoir 91 ans et continue inlassablement sa correspondance avec Ramiro. Ils en sont à leur 128ème échange ! Et s’il se sent « devenir vieux », Ramiro lui répond : « Moi-même, je n’ai que 66 ans et je me sens comme si j’en avais déjà 100 ou plus. Et je n’ai déjà plus de forces. » Comment peut-il en être autrement quand on en est à sa 24ème année dans un couloir de la mort ? Malade, on se dit que l’administration texane va choisir de le laisser mourir tranquillement, parce que cela coûtera moins cher que d’organiser une exécution. Et bien non : son exécution, son « assassinat légal » vient d’être annoncé pour début 2021 ! Une décision qui dépasse l’entendement…
Son exécution a-t-elle une chance d’être commuée en prison « à vie » ? Au-delà du cas dont on vient de parler, une épée de Damoclès plane au dessus de la tête de nombre de condamnés à mort aux USA, et bien sûr au Texas, champion des exécutions : Donald Trump va-t-il être réélu ? Si c’est Joe Biden qui est élu, aura-t-il le pouvoir de suspende les exécutions ? S’il s’oppose dans son programme électoral à la peine de mort, il est en réalité contre… depuis 2019 ! Dans son programme, on trouve ceci : « Supprimer la peine de mort : plus de 160 personnes qui ont été condamnées à mort dans ce pays depuis 1973 ont ensuite été exonérées. Parce que nous ne pouvons pas garantir que les cas de peine de mort sont toujours corrects, Biden s’efforcera d’adopter une législation visant à éliminer la peine de mort au niveau fédéral, et d’inciter les États à suivre l’exemple du gouvernement fédéral. » C’est Le Monde qui nous précise le sens du mot « exonérés » : « ces condamnés – parfois à mort – qui parviennent in fine à être innocentés, grâce aux tests ADN ». Rien qu’en 2008, il y a eu 13 exonérés donc 4 étaient dans les couloirs de la mort : à eux 13, ils ont effectué à tort 200 ans de prison. L’histoire ne dit pas s’ils étaient blancs ou noirs ou « hispanos »… Précisons aussi qu’il y a aux USA deux types de condamnés : les condamnés fédéraux et les condamnés d’États.
A noter qu’il n’y aura pas d’exécution en octobre et novembre. Un effet électoral ? Reste qu’il est scandaleux que les avocats se voient refuser pour cause de Covid le droit de rendre visite à leurs clients condamnés à mort, alors que le même Covid n’empêche pas les exécutions. Une note d’espoir : le dernier État à avoir franchi le cap d’abolir les exécutions capitales a été le Colorado à compter du 1er juillet 2020, ce qui en fait le 22ème État abolitionniste sur 50.
Ne croyons pas cependant à la lecture de ce qui précède que les États-Unis sont les seuls à condamner et exécuter. Heureusement, le nombre de pays abolitionnistes augmente régulièrement à travers le Monde (ainsi que celui des États abolitionnistes aux USA). En 2021, la France va commémorer le 40ème anniversaire de l’abolition, même si semble-t-il hélas, 55 % de personnes seraient favorables à son rétablissement selon un récent sondage (85 % chez les sympathisants RN, 77 % chez les LR).
Dernier en date à avoir franchi un cap vers l’abolition, le Kazakhstan depuis le 24 septembre 2020: « Depuis 2004, le Kazakhstan appliquait un moratoire sur la peine capitale. La décision de son abolition s’inscrit dans le cadre de la libéralisation de la vie politique amorcée par le président Tokaev, qui a succédé à Noursoultan Nazarbaev en 2019. » Pour information, Nazarbaev, accusé à raison d’autoritarisme, a été président de 1990 à 2019 ! Le Courrier International qui nous donne l’information poursuit : « Désormais, dans l’espace post-soviétique, il ne reste que trois pays n’ayant pas encore aboli la peine de mort : la Russie (un moratoire est cependant en vigueur depuis 1996), le Tadjikistan (un moratoire est également en place) et la Biélorussie, seul État qui continue à appliquer la peine capitale. » On peut sur ce dernier cas avancer une hypothèse : si Loukachenko, président depuis 1994, était enfin chassé du pouvoir, ce serait peut-être bon signe pour l’abolition, ou du moins la suspension de toute exécution capitale via un moratoire ?
Et dans le reste du monde, qu’en est-il ? Chine, Iran, Arabie Saoudite, Irak, Pakistan, Égypte, Somalie… les États pratiquant encore abondamment la peine de mort sont légions. Au total, il y a eu au moins 993 exécutions dans 23 pays en 2017, soit une légère baisse par rapport aux 1032 de 2016. Le total international ne comprend que les cas qu’Amnesty a pu confirmer – le rapport note que certains pays dissimulent intentionnellement les procédures de peine de mort. Dans le cas de la Chine, par exemple, l’État pourrait bien procéder à plus d’exécutions que tous les autres pays réunis. En effet, la faculté de droit de l’université Cornell estime que le gouvernement chinois a exécuté environ 2 400 personnes en 2015, et a procédé à des milliers d’autres exécutions depuis lors.
Hélas, les informations sont souvent difficiles à glaner. Quid par exemple de la Corée du Nord où le bruit avait couru qu’un ministre avait été exécuté au canon anti-aérien ? Info ou intox ? Le saura-t-on un jour ? Sans compter les pays qui s’affranchissent de l’absence de peine de mort en la remplaçant par une police qui exécute les personnes gênantes. Les Philippines de Rodrigo Duarte sont un exemple : la peine de mort abolie en 1987 y avait été rétablie en 1994 puis de nouveau abolie en 2006. Malgré les exhortations de Duarte, le Sénat bloque toujours le rétablissement, et du coup Duarte pousse aux exécutions sommaires. Un autre vaste sujet traitant des atteintes aux Droits de l’Homme…