Intox de LREM pour faire pression sur les régionales en Bretagne !

Dans un article du Télégramme du 18 septembre, Philippe Créhange révélait une information « exclusive », à savoir un sondage commandité par La République en Marche dans lequel, à 6 mois du scrutin des élections régionales, le Rassemblement National était en tête des intentions de vote en Bretagne administrative. Il semblerait que le journal se soit fait abuser par le parti de la majorité présidentielle…

Comment Le Peuple breton s’est-il procuré le résultat du fameux sondage LREM ? L’histoire ne le dira pas, mais toujours est-il qu’il ne confirme pas les informations envoyées par LREM à Philippe Créhange. D’après l’article du Télégramme, le parti de Marine Le Pen arriverait en tête du premier tour « avec un score dépassant les 20 % ». Or, d’après nos informations (lire le graphique), le RN serait (tout de même) à 14 % dans ce sondage ! C’est LREM qui serait devant… Un sondage LREM dans lequel LREM est devant, comme c’est étrange ! De deux choses l’une : soit LREM ne sait pas lire ses propres sondages, soit cette information fuitée l’a été sciemment dans le but d’instiller l’idée que LREM est le seul rempart au RN ! Une façon de faire peur aux Bretons donc. Mais aussi de faire pression sur l’exécutif avant de constituer les listes…

Plusieurs indices nous font de toute façon dire que ce sondage n’est pas sérieux. D’abord, nous n’avons pas la méthodologie du sondage : on attend donc des marcheurs qu’ils soient transparents en publiant les résultats de ce sondage. Plus encore, il n’y a aucun nom. Autant dire qu’on estime que seuls les votes « étiquettes » jouent. Or, on sait pertinemment que ce n’est pas le cas : Gilles Pennelle est sans doute en Bretagne le seul candidat RN capable de faire un bon score tant les autres sont d’une nullité absolue. La liste Debout la France est quant à elle complètement hors-sol. Jamais une telle liste n’a existé et il est peu probable qu’il y en ait une. C’est une vision parisienne des choses. Quant à la majorité présidentielle, on se demande simplement qui, à 20 %, pourrait l’incarner ? Richard Ferrand qui n’a jamais été capable de gagner la mairie de Carhaix ? Il est plus probable que le président de l’Assemblée ait d’autres projets en tête comme par exemple faire pression sur Loig Chesnais Girard, l’actuel président du Conseil régional, pour intégrer la liste dès le premier tour. Placer les écologistes plus haut que le PS au premier tour est également bien vu car cela enfonce les clous dans le cercueil du président actuel qui serait, dès lors, condamné à maintenir sa majorité actuelle !

Pourtant, Loig Chesnais-Girard, tout socialiste qu’il est, occupe comme Jean-Yves Le Drian le terrain de la social-démocratie/social libéralisme. Autant dire que la place restante à LREM est faible et que Richard Ferrand ne mettrait pas sa condition politique actuelle en jeu pour un risque si grand ! Comme Le Peuple breton l’écrivait dans son dernier numéro, tout l’enjeu de cette campagne est de faire basculer Loig Chesnais-Girard du côté des écologistes plutôt que du côté des macronistes. Ce sondage ne peut donc qu’être une tactique servant à forcer Loig Chesnais Girard à s’accorder avec LREM dès le premier tour. Or, s’il choisit cette stratégie, il sait que la fusion avec la liste EELV-UDB sera impossible et risque dès lors de faire basculer la région à droite… Là encore, le sondage est une menace à peine voilée : si le PS snobe LREM, ces derniers pourraient prendre la Région avec Les Républicains. On oublierait donc les déclarations enflammées des macronistes siégeant dans la majorité régionale et jurant que Loig Chesnais Girard est leur président ? Tout cela est vraiment tiré par les cheveux.

Une chose est certaine : les méthodes éculées d’envoyer des tuyaux percés risquent de se retourner contre le parti de la majorité présidentielle, les journalistes aimant rarement se faire empapaouter !

 

——————————

Suite à la publication de cet article, nous avons reçu un appel de la commission des sondages qui nous demande de publier ce communiqué, ce que nous acceptons volontiers :

À la suite de la publication le 22 septembre par Le peuple Breton de l’article intitulé « Intox de LREM pour faire pression sur les régionales en Bretagne ! », la commission des sondages rappelle que la diffusion d’un sondage électoral doit notamment s’accompagner, en vertu de l’article 2 de la loi du 19 juillet 1977, des indications suivantes :
Le nom de l’organisme ayant réalisé le sondage ;
Le nom du commanditaire du sondage ;
Le nombre de personnes interrogées ;
La ou les dates auxquelles il a été procédé aux interrogations
La ou les questions posées aux personnes interrogées.

À défaut de ces indications qui n’accompagnaient pas la publication faite par « Le Peuple Breton » et en l’absence de tout autre élément permettant d’identifier l’organisme ayant réalisé le sondage ou son commanditaire, notamment de la notice prévue à l’article 3 de la loi, la commission des sondages n’a pu vérifier les méthodes statistiques qui ont conduit aux données publiées, ni même confirmer l’existence d’une enquête ayant conduit à ces données.

Dans ces conditions, la commission des sondages appelle les lecteurs du Peuple Breton à regarder les données ainsi publiées avec la plus grande réserve. »

Pour rappel, l’information est sortie en exclusivité dans Le Télégramme. Certes, la publication des sondages est soumise à une réglementation bien précise, mais dès lors qu’une partie des données a fuité, cela devient politique. Le Peuple breton réitère sa demande de voir LREM publier les données du sondage. Ainsi, tout sera transparent.

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]