De l’usage de la technologie contre le coronavirus

L’État chinois a beaucoup communiqué sur sa politique de traçage individuel pour venir à bout de l’épidémie de Covid 19. Une application mobile imposée à tous a permis d’identifier et d’isoler les malades. Cela a bien fonctionné, mais au prix de limitations importantes des libertés individuelles. L’occasion de s’interroger sur l’utilisation de la technologie…

Le 20 mars dernier, le gouvernement de Singapour a mis en ligne une application innovante utilisant des signaux Bluetooth plutôt que la géolocalisation GPS. C’est comme si vous portiez un bracelet électronique numéroté qui enregistre le numéro des autres bracelets qu’il croise sur les 14 derniers jours. Si vous êtes contaminé, vous donnez votre bracelet à l’hôpital, et l’hôpital contacte les propriétaires des bracelets enregistrés dedans. Si vous n’êtes pas contaminés, les numéros que vous aurez croisés restent dans votre bracelet. En une semaine près d’un million d’utilisateurs installent l’application, prouvant que ce compromis entre efficacité et vie privée est bien accepté par la population.

En parallèle, nombre de développeurs de part le monde se mettent au travail pour développer des applications sur le même principe, d’autant que ce n’est pas très compliqué. Et surtout, chacun voit immédiatement l’intérêt au niveau local : à Perros-Guirec par exemple, les habitants sont assez âgés et bien équipés en smartphones. Le déploiement serait facile et le bénéfice évident pour ces personnes à risque.

En quelques jours, de nombreuses applications sont disponibles, mais Google et Apple bloquent leur publication. La raison officielle serait la présence d’applications malveillantes Covid-19, mais comme Google et Apple ont toujours évalué systématiquement toutes les applications publiées, la pression de certains États est une hypothèse plus plausible.

En France, le gouvernement est évidemment informé mais traîne des pieds. Le 24 mars, Cédric O déclare qu’il n’a « aucun projet » mais que des « contacts sont en cours » et notamment avec le gouvernement de Singapour (voir ici). Le 31 mars, en fin d’après midi, à la suite de tous les autres pays européens, la France retourne sa veste et décide de suivre le modèle de Singapour (voir ici). Le 1er avril, le gouvernement lance une consultation « discrète » auprès de grandes sociétés et centres de recherche : Capgemini, Accenture, Orange, Inria, Dassault Système, etc. La « Startup Nation » et la réactivité censée l’accompagner n’ont plus l’air de mise…

De son côté, le gouvernement de Singapour met son travail gratuitement à la disposition de tous le 4 avril (voir ici). Au vu du temps perdu, le plus raisonnable serait de déployer l’application de Singapour. Mais non, la France continue à faire des études… Aux dernières nouvelles, elle demande à Apple de modifier son système. On se rend compte que plus on avance, moins il y a de chances que l’application StopCovid sorte à temps. On commence à entendre que cette application ne serait finalement pas efficace…

Que penser de tout cela ? On ne compte plus les initiatives bloquées ou découragées par l’administration : du professeur Raoult, coupable d’optimiser les processus pour se donner une chance d’aboutir aux labos vétérinaires condamnés à attendre plus de 3 semaines pour avoir le droit de réaliser des tests en masse pour lesquels ils se sont mobilisés en quelques jours de façon exemplaire, en passant par Damiron ou l’affaire du ver marin, les réquisitions arbitraires de masques

Le Covid-19 ne fait que remettre en lumière les problèmes causés par le modèle centralisé. Pour l’État, il n’y a que deux issues : s’effacer enfin pour ouvrir la voie à la responsabilisation locale, ou la fuite en avant vers plus de contrôle/répression pour se maintenir. Ailleurs dans le monde, les pays démocratiques ont choisi le fédéralisme depuis longtemps. La mise en place en temps record du système des attestations, des drones « moralisateurs » qui vous crient dessus en public et qui fleurent bon le « crédit social » chinois ne font que confirmer l’option retenue…

 

> Yoann Huiban

Yoann Huiban est né à Lannion à la grande époque du CNET, dernière réalisation majeure du CELIB. Devenu ingénieur, il apprend alors la langue bretonne grâce aux écoles Diwan où ses enfants sont scolarisés.