Le collectif pour l’écologie municipale dans le Centre-Trégor organisait le samedi 22 février un forum à Cavan, à quelques semaines des élections municipales. L’objectif : inciter les candidats de Cavan et des environs (ancienne communauté de commune du centre-Trégor) à présenter leur vision et leur projet de l’écologie, dans un contexte où plus grand monde ne peut contester l’urgence de réduire nos émissions de gaz à effet de serre et de polluant divers, tout en nous préparant à des tensions sur l’eau, la nourriture, l’énergie, la terre…
Avec 250 participants environ, le succès du forum était inespéré. La mairie de Cavan avait heureusement mis la salle des fêtes à disposition des organisateurs.
La première partie était consacrée au témoignage du maire de Langouët, Daniel Cueff, dont la commune est un exemple pour la transition écologique : l’ensemble des bâtiments communaux est alimenté en énergie renouvelable produite localement, et la commune pourra peut-être bientôt vendre de l’électricité à des agriculteurs en-dessous le prix actuel à certaines heures. Démonstration a aussi été faite qu’il est possible d’accueillir une population croissante (dans une certaine limite) sans artificialiser le moindre hectare de terre agricole, en choisissant de modifier lentement la configuration du bourg. Insistant sur l’importance de faire « de l’écologie pour tous, pas pour les riches », Daniel Cueff a ainsi rappelé que des logements sociaux pouvaient être conçus à très basse consommation et construits selon des méthodes non-émettrices de CO2 ; et bien entendu que le passage au 100 % bio dans la cantine scolaire pouvait se faire sans augmentation du tarif grâce au travail en circuit court, à une baisse modérée de la quantité de viande proposée et au choix de produits plus nourrissants. Mentionnons aussi le lancement de la permaculture dans le bourg, grâce à l’appui d’anciens expérimentés dans la conduite de potagers, et le choix original de la déambulation libre de poules… pour réduire la vitesse dans la rue principale !
Étendant son propos au-delà du cadre communal, Daniel Cueff a vanté les mérites d’une démocratie coopérative dans laquelle les élus prennent leurs responsabilités en tenant fermement sur les objectifs validés démocratiquement, sans toutefois prétendre trouver eux-mêmes toutes les solutions, et en s’appuyant au contraire largement sur l’expertise citoyenne. Très critique du fonctionnement des institutions en France, il dénonce notamment le pouvoir des préfets « plus puissants que tous les élus du pays », rappelant que « dans le monde, avec la France, seule la Turquie a un tel système ». Le manque de marges de manœuvres locales a notamment été un frein dans la construction de l’autonomie énergétique, même si certaines contraintes commencent à se desserrer.
Si le public a beaucoup apprécié ces témoignages, des échanges plus tendus (mais généralement respectueux) ont eu lieu avec une forte délégation de la FNSEA, venue contester la campagne anti-pesticides lancée suite à l’arrêté pris par Daniel Cueff (pas de traitement dans une bande de 150 mètres autour des habitations). Les échanges n’ont pas permis de dépasser un désaccord fondamental : pour les membres de la FNSEA présents, se passer de pesticides serait impensable et il serait impossible de « tous passer en bio ». « Nous ne sommes pas des empoisonneurs », ont insisté à plusieurs reprises des agriculteurs, ce que personne n’a contesté. Daniel Cueff a fait référence au mediator pour illustrer son point de vue : « ce ne sont pas les médecins qui prescrivaient le mediator qui portent la responsabilité du scandale, mais les labos qui l’ont produit. C’est la même chose pour les pesticides, dont les agriculteurs sont d’ailleurs aussi victimes. » En revanche les agriculteurs présents et l’orateur étaient d’accord sur l’importance de protéger le foncier agricole, de privilégier les circuits courts, de s’opposer aux traités de libre-échanges tels que le CETA… ce qui n’est pas rien.
L’après-midi s’est poursuivie avec les discours des trois candidats têtes de liste aux élections municipales à Cavan : Maurice Offret, maire sortant, Daniel Merrien, adjoint sortant, et Didieu Neveu, conseiller d’opposition. Maurice Offret et Didier Neveu ont choisi d’annoncer qu’ils ne prendraient pas d’arrêté anti-pesticides. Côté bilan, on peut noter le recours aux circuits-courts pour la cantine scolaire, la chaufferie bois, ou au niveau de l’intercommunalité un SCOT (Schéma de cohérence territorial) économe en foncier – ce qui est aussi le cas du PLU de Cavan. Côté projets, les candidats ont discuté avec le public d’une éventuelle commission environnement (ouverte ou non), d’un meilleur accompagnement des agriculteurs pour l’entretien du bocage, d’extension des voies piétonnes et cyclables ou encore de la création d’un jardin partagé.
La fin de journée a été entièrement consacrée à des propositions issues du public, propositions qui, une fois synthétisées, nourriront une Charte pour l’écologie municipale dans le Centre-Trégor. Cette charte sera soumise à toutes les listes en course pour les prochaines élections municipales. Les candidats cavanais ont annoncé leur intérêt pour la démarche tout en réservant fort logiquement leur approbation dans l’attente de prendre connaissance des différentes propositions. Parmi les sujets ayant émergé, citons la méfiance vis-a-vis du déploiement annoncé de la 5G, dont les effets sur la santé sont controversés, et qui risque de conduire à une gabegie énergétique et à une perte de liberté. Des interrogations sur la qualité de l’eau et de l’air ont aussi été exprimées. Là journée s’est conclue sur un constat partagé : la transition écologique a besoin de démocratie et, en la matière, le fonctionnement actuel de l’intercommunalité pose problème. Malgré son intérêt indéniable en terme de mutualisation de services et d’équipements, beaucoup de conseillers municipaux se sentent dépossédés des décisions. Les communes rurales du centre-Trégor ne sont pas seules à faire ce constat : à Lannion, le programme de la liste d’union de la gauche revendique notamment d’améliorer la concertation avec la population dans les décisions de Lannion-Trégor communauté, et de re-déléguer certaines compétences à des communes ou à des groupements de communes.
L’exercice démocratique a été apprécié par de nombreux cavanais et habitants des communes voisines. Il pourrait se reproduire à l’avenir, pour creuser certains sujets ou discuter des politiques qui seront mises en place après les élections municipales.