Bugaled Breizh, Jonque. Deux dossiers similaires !

Le 27 janvier dernier avait lieu à Quimper l’assemblée générale de l’association SOS BUGALED BREIZH (la 16e déjà). Point sur l’avancée du dossier et sur les comparaisons avec une autre affaire, celle du naufrage de La Jonque en 1987…

Notre journal a abondamment traité (et encore en ce mois de janvier dernier) tant sur la version papier que sur la version en ligne de cette fortune de mer. Sur ce sujet, il faut encore et encore revenir. Ce que nous avons fait, et à juste titre, c’est élargir la question des naufrages de chalutiers dans lesquels des sous-marins pourraient être en cause à d’autres fortunes de mer, et en particulier à l’affaire du concarnois « La Jonque » : les similitudes dans les deux affaires sont suffisamment troublantes pour qu’il soit utile d’y revenir au moment où l’Inquest britannique va s’ouvrir (au mois de mars) après quelques péripéties supplémentaires qui ne peuvent hélas être considérées comme de la désinvolture : c’est pire que cela !

Ainsi, l’Inquest était prévue au mois de janvier, mais il a fallu la reporter. Des documents (nous n’en connaissons pas la teneur en ce moment) ne sont parvenus qu’à la veille de l’Inquest alors qu’ils avaient été demandés dès le mois d’août. Il faut maintenant les traduire et compte tenu de la technicité et de l’épaisseur de ces documents cela se comprend. Mais ce délai d’un ministère (celui de la Défense, en France) à une juridiction normalement « amie » témoigne d’une désinvolture au mieux mais au pire d’une arrogance lorsqu’il s’agit de vies humaines. Si l’Inquest peut avoir lieu au Royaume Uni, c’est parce que deux cadavres (excusez la crudité du terme mais ce n’est rien à côté de la façon dont l’État français considère les familles) ont été retrouvés dans les eaux territoriales britanniques. Du coup, les familles de ces deux hommes d’équipage étaient habilitées à être parties prenantes dans l’Inquest.

Mais là aussi les familles ont été informées dans un délai qui ne leur permettait de se retourner : relancer les consultations d’avocats, trouver l’argent, se déplacer, replonger dans un maelstrom douloureux… Donc, pas de déplacement, alors que l’État français aurait pu (aurait dû) y pourvoir, ce qui aurait eu l’avantage de le dédouaner, si la chose était possible. Parlons avec indulgence de « légèreté » ou de « cuistrerie ».

Je souhaite revenir maintenant sur les parallèles qui peuvent être établis entre les naufrages de La Jonque et celui du Bugaled Breizh : ce n’est pas une marotte mais ces mises en regard devraient conduire à récuser les dénégations maladroites des États. On peut ajouter sans la même fin tragique l’Irlandais Karen en avril 2015, et tant d’autres suspicions…

 

BUGALED BREIZH

Temps calme, fond sableux

Manœuvres de sous – marins (« la guerre du jeudi »).

Disparition brutale :« je chavire ! »

Recherches maritimes et aériennes. On trouvera un dinghy de trop : provenance inconnue ; un dinghy a été crevé au poignard par un « sauveteur » britannique : « éviter des recherches superflues ».

 

Interruption des communications avec le CROSS Gris Nez au moment essentiel, présentée comme une panne.

 

Première hypothèse gouvernementale : un cargo voyou, le Seattle treader (philippin). Des semaines de retard dans l’enquête puisque ce bateau n’y est pour rien. Des semaines perdues.

 

Sur la demande des familles l’épave est renflouée. Il n’y a pas de choc mais un enfoncement bilatéral dû à une différence brutale de pression : le chalutier a été entraîné brutalement vers le fond. Les juges sur avis d’expert concluent à l’action d’un sous-marin militaire.

C’était en 2009, cinq ans après le naufrage. Les juges de Quimper, Mme Corre et M. Foltzer, devant le total manque de coopération dressé devant eux se voient obligés de clore le dossier. Très logiquement, empêchés qu’ils sont de poursuivre leur mission, ils concluent au non-lieu.

 

 

 

 

 

 

 

Déplacement du dossier à Nantes et non-lieu : c’est un sous-marin mais après tout c’est peut être autre chose qu’un sous-marin.

Malgré tous les efforts de l’autorité d’État, les familles sont en train de se remobiliser autour de l’association. Un membre d’équipage d’hélicoptère a commencé à parler ; selon Thierry Lemétayer, fils du mécanicien, il y a sur cet équipage des maillons faibles pour qui le silence imposé commence à peser. Lors du début de l’Inquest en novembre, il pense que si les familles avaient eu un avocat britannique (seules 2 d’entre elles y avaient droit : les corps avaient trouvés dans les eaux territoriales) il y aurait eu un questionnement poussé. C’est « une petite fenêtre ouverte, mais il faut en profiter ». Des remobilisations sont train de se faire.

LA JONQUE

Temps calme, fond sableux.

Proximité d’une zone d’exercices (missiles, torpilles).

Disparition brutale des échos radar.

Recherches maritimes et aériennes. On trouvera un dinghy de trop : provenance indéterminée lors d’un survol, annonce du repérage de 2 hommes à bord d’un dinghy ; « erreur collective de repérage due au souhait très fort de sauver des vies (sic…) ».

Remplacement « par mégarde » d’une cassette vidéo scellée par l’enregistrement d’un film d’espionnage par un gendarme maritime du CROSS Corsen.

 

Première hypothèse gouvernementale : un cargou voyou, Adam Mickiewicz( polonais). Ce bateau n’y est pour rien. Des semaines perdues.

 

Sur la demande des familles, l’épave est renflouée. Il y a un choc, subi en submersion. Les juges sur avis des experts concluent à l’action d’un sous-marin militaire. D’autres experts nommés par la Défense se portent en faux contre ces conclusions. Mais voilà : Près de 30 ans plus tard, il est là, ses papiers militaires en main, pour attester qu’il y était, à bord. Car le quinquagénaire alerte est habité par un souvenir qui ne le quitte pas : « Plus j’y pense, plus je suis convaincu que Le Tonnant a quelque chose à voir dans le drame de La Jonque ! Quand j’ai embarqué en mars 1987, Le Tonnant était en fin de refonte (…) Un trou béant dans le massif du Tonnant. Une image forte, encore présente : « En fait, la porte avait été arrachée, les grosses charnières aussi et la coque était bien cabossée. On nous a dit que c’était un banc de cétacés qui avait fait ça ! Et on a tout de suite eu une consigne : l’incident était interne au bâtiment et ne devait pas sortir de l’équipage ! Sur le coup, les autres et moi, on n’a pas prêté plus attention que ça à cette affaire et on est redescendu ». En 1993 : non-lieu. (Nous sommes largement redevables sur cette partie à M. Pascal Bodéré du Télégramme qui sur ces questions a sûrement permis de ne pas tirer un trait définitif.)

 

Le juge Lemercier est déssaisi du dossier. Non lieu.

 

Les autorités d’État ont joué la lassitude et donc la division. Est-ce que le témoignage ci-dessus aurait pour vertu de faire bouger les choses ? Cela dépend sans doute de l’évolution de l’Inquest britannique.

Nous en sommes là et rien ne dit que l’Inquest du mois de mars fera vraiment avancer les choses, mais c’est bien possible. Thierry Lemétayer se rendra à Truro et Newlin. Il appelle les autres familles et en particulier celles dont les parents ont été retrouvés dans les eaux territoriales cornouaillaises à se remobiliser. Pouvoir pousser les « maillons faibles » (disons plutôt honnêtes et sincères) des équipages d’hélicoptères à parler serait en finir avec la morgue des grandes muettes à l’égard de ceux qui exercent au jour le jour un métier pénible et dangereux, sans la moindre reconnaissance autre que larmoyante à la façon crocodile.

En conclusion, nous demandons une fois de plus la démilitarisation des Affaires Maritimes qui restent une administration maritime gouvernée par des militaires et sans mettre en cause la compétence ni le dévouement des équipages, pour le moins un contrôle civil sur les opérations de sécurité.

 

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> Paul Guéguéniat

Contributeur. Professeur à la retraite, originaire de Brest, Paul Guéguéniat vit à Sant-Ivi / Saint-Yvi, dans le pays de l'Aven, une commune pour laquelle il s'est impliqué pendant 30 ans en tant que conseiller municipal ou adjoint au maire. [Lire ses articles]