Le Service National Universel encadré par les professeurs ?

En juin dernier avait lieu la première session, sous forme d’expérimentation, du Service National Universel voulu par Emmanuel Macron. L’objectif étant à terme de d’imposer à toute une classe d’âge (16 ans actuellement) ce service d’un mois pour « transmettre un socle républicain, relancer la cohésion nationale, développer une culture de l’engagement et accompagner l’insertion sociale et professionnelle ». Le sujet pose énormément de questions, tant sur la forme que sur le fond. Est-ce une nouvelle manière de formater l’esprit des jeunes ? À quel coût ? Avec quelles infrastructures et quel personnel ?

En juin 2019 l’expérience avait été menée dans 13 départements. Seulement 2 à 3 000 jeunes y avaient participé, mais cela n’avait pas été sans quelques polémiques et couacs, notamment l’aspect disciplinaire de l’exercice. Cette année elle sera généralisée à tous les départements français. Toujours sur la base du volontariat. La question du personnel encadrant semble être un problème majeur. Il est normalement composé de personnes issues des fédérations et associations d’éducation populaire, des Réserves des Armées ou bien de la Gendarmerie nationale. Dans les Côtes d’Armor, l’Éducation nationale a fait passer le message auprès des professeurs qu’ils pouvaient candidater au stage SNU qui aura lieu au Lycée Agricole de Pommerit-Jaudy entre le 22 juin et le 3 juillet. « Vous exercerez cet emploi en étant déchargé de votre service d’enseignement et remplacé sur votre poste. Vous bénéficierez d’une indemnité spécifique qui sera très prochainement précisée. » Cela semble éclaircir une des craintes du corps enseignant à l’annonce de la mise en place du SNU : oui les professeurs seront sollicités pour encadrer ces jeunes. Le manque de moyens de l’armée maintenant pour encadrer toute une classe d’âge, des missions différentes, ont très rapidement amené à penser que les enseignants seraient directement concernés par le SNU, de par leurs qualifications et la quantité de personnels “à disposition”. Donc dans le cas des Côtes d’Armor (et probablement ailleurs) on préfère retirer des professeurs de leur classe pour encadrer des jeunes dans un cadre qui a priori n’est pas scolaire ? On passera sur l’aspect pédagogique d’avoir un remplaçant en classe à quelques jours des vacances estivales. Quelle est donc la priorité de ce gouvernement ? La formation des jeunes citoyens au sein des établissement scolaires ou bien dans un autre cadre plus strict et plus formaté encore ?

Cela rejoint une autre crainte plus actuelle des enseignants. La promesse de Jean-Michel Blanquer de revaloriser les salaires des professeurs (promesse mise à mal pour le moment dans le projet de réforme des retraites). Les contours de cette revalorisation sont flous et la majorité des syndicats enseignants imaginent qu’il y aura une ou des contreparties pour bénéficier de cette revalorisation. Les bruits courent que le SNU pourrait faire partie des nouvelles missions qui permettraient aux professeurs d’augmenter leur salaire. Mais ce qui est pour le moment sur la base du volontariat et avec une prime ne le sera peut-être pas ensuite. Et quid des enseignants qui ne souhaiteraient pas participer à l’encadrement du SNU ? Pas de revalorisation ?

Rappelons le coût final annoncé par le gouvernement une fois que le SNU sera généralisé d’ici 2021 : 1,5 milliard d’euros. Alors que le gouvernement parle d’économies en permanence, la mise en place de ce service semble une gabegie par rapport aux résultats réels attendus.

> Jean Roudaut

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