Réforme du chômage : le résultat du « ni-droite, ni-gauche » !

Comme l’avait annoncé le gouvernement, la réforme du chômage est effective depuis le 1er novembre. L’objectif annoncé : économiser 3,4 milliards d’ici fin 2021. La philosophie ? Selon Muriel Pénicaud, « le travail doit payer plus ». Les signaux d’alerte n’ont pas été écoutés, le résultat est calamiteux pour les plus précaires.

Depuis le 1er novembre, la durée minimal de travail pour pouvoir prétendre au chômage (pour rappel jusqu’alors régime assurantiel) sera de 130 jours (910h) soit 6 mois sur les 24 derniers mois au lieu de 4 mois sur les 28 derniers mois. Pour le rechargement des droits, il faudra à nouveau travailler 6 mois contre 1 avant cette date.

Comment en est-on arrivé à cette réforme anti-sociale alors que les gilets jaunes fêtent leur un an de mobilisation ? Sans doute parce que le Président de la République a élargi les droits au chômage aux démissionnaires ayant un projet professionnel (salariés ayant au moins 5 ans d’ancienneté dans leur entreprise) et aux indépendants (avec ou sans cotisation de leur part ?). De fait, Emmanuel Macron dupe les naïfs. Le manque de culture politique est responsable de ces avancées néolibérales. Et disons-le d’avance : avec l’augmentation des risques climatiques, le clivage de classes va revenir en force. Une société à deux vitesses se met en place bloc après bloc : des services pour les riches et d’autres pour les pauvres. Cette réforme de l’assurance chômage est non seulement une attaque directe contre la solidarité, mais qui plus est une reprise en main par l’État central des affaires auparavant (auto)gérées par les acteurs sociaux. Le même processus est en cours pour les retraites.

Alors posons-nous la question : quelle société voulons-nous ? Celle construite par Emmanuel Macron est une société de la précarité, une société qui fabrique la misère et tire vers le bas. Donner quelques sécurités aux indépendants n’est pas un cadeau, mais une façon de préparer la société de l’auto-entreprise, un monde d’entrepreneurs privés livrés à eux-mêmes. Pour le comprendre, il suffit parfois de se rendre dans certains États proches où le salariat disparaît progressivement. En lieu et place de cette relative sécurité qu’est le salariat, les entreprises font appel à des prestataires privés, des indépendants qui doivent payer leurs cotisations eux-mêmes. Pour les grosses entreprises, il s’agit ni plus ni moins d’externaliser les « charges ». On en revient toujours au projet néo-libéral : atomiser la société, réduire la solidarité entre salariés (syndicat ou caisses de secours pour empêcher les grèves) pour le plus grand bénéfice du patronat, des fameux entrepreneurs qui ont réussi (pas les autres petits patrons qui ne le « méritent » pas). Quand les politiques sont au service de la finance, inutile de s’attendre à un geste social !

À l’instar du rêve américain que portait également Nicolas Sarkozy, le Président et son gouvernement estiment en effet qu’il suffit de se bouger pour réussir. Le « mérite » seul doit récompenser. Sous-entendu : ceux qui échouent ne méritent pas, sont incompétents (car il s’agit aussi de mettre dans la tête des plus pauvres qu’ils ne peuvent pas réussir, leur faire accepter la verticalité, les remettre à leur place !). Comme si la réussite d’une entreprise dépendait du travail fourni ! Si c’était le cas, les agriculteurs seraient tous riches. S’ils ne le sont pas, c’est qu’un système a été imaginé contre eux, pour les exploiter. La lutte des classes n’a absolument pas disparu, on la gomme des analyses politiques, on la noie dans la communication, on empêche ceux qui auraient besoin de cette grille de lecture d’y penser en leur ôtant les mots, en leur ôtant du temps de penser, en cessant d’éditer les livres qu’il faut lire. Marx est devenu ringard, on le caricature. Les anarchistes sont à nouveau accusés d’être violents. Comme si le pouvoir ne l’était pas (et quel autre qualificatif pour décrire cette réforme du chômage ?)

Par cette réforme, le gouvernement fait payer ces économies drastiques par les plus précaires. Voilà le résultat concret du « ni-droite, ni-gauche » du Président de la République. Une politique néo-libérale, toujours. Une politique anti-sociale et anti-sociétale. Une politique au service d’une minorité et au détriment du plus grand nombre. Le règne de l’individualisme contre le « vivre-ensemble » qu’ils serinent à longueur de temps.

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]