Chèques en breton : rappel aux services « dons » des associations

chèques en breton

La Société Nationale de Sauvetage en Mer (SNSM) est une association qui a très bonne réputation en Bretagne. Les Bretons, donateurs ou non, y sont généralement très attachés. Pourtant, une récente lettre de réponse à un donateur membre de l’UDB a provoqué des crispations du fait d’un refus de son chèque en breton. De quoi surprendre de la part de la SNSM qui est née en 1967 de la fusion de la Société centrale de sauvetage des naufragés (SCSN) et des Hospitaliers sauveteurs bretons (HSB) dont la devise était en breton ! L’occasion pour Le Peuple breton de faire un petit rappel aux associations qui recevraient un don en langue bretonne.

Quand on apprécie une association, on hésite à la critiquer. Aussi, cet article a bien failli ne pas voir le jour. Mais suite à quelques demandes de conseils à des sauveteurs en mer, il nous a paru important de parler de ce cas et de le généraliser pour faire évoluer les automatismes des administrations perceptrices de dons.

Dans un courrier daté du 16 septembre, la responsable des relations donateurs de la SNSM renvoie son chèque en breton à un donateur en expliquant que « ce don n’a pu être enregistré car ce chèque est en breton et notre banque n’accepte pas le dialecte ». Elle invite notre camarade à « refaire un chèque en euro » (sic). Répondant à ce courrier le 23 septembre, H. estime avoir été « blessé » par cette lettre. « Quand on fait appel à la générosité du public, il est particulièrement inélégant de refuser un don pour des raisons idéologiques », explique-t-il. Avant d’ajouter : « Il serait intéressant de connaître le nom de la banque dont l’employé est incapable de se renseigner sur le contexte juridique de la possibilité de libeller des chèques dans une des langues régionales de France, incapable de demander au CMB s’il honore les chèques établis par un de ses sociétaires sur les formules qu’il lui a fournies et incapable, s’il l’avait seulement souhaité, de consulter un des nombreux dictionnaires breton-français en ligne sur internet ou de s’adresser à l’Office Public de la Langue Bretonne, pour savoir si « tri-ugent » veut bien dire « soixante ». On ne refuse pas quelque chose sans argument ». Bien entendu, l’utilisation du terme « dialecte » a également heurté notre camarade : « Le Robert donne de dialecte la définition suivante : « variété régionale d’une langue ». Si vous pouviez m’indiquer de quelle langue le breton est une variété régionale, je serais heureux de la connaître ». Enfin, il précise que son chèque était bel et bien libellé en euros !

Pour G., membre de l’UDB et sauveteur en mer lui-même, « ce n’est pas de la SNSM dont il est question, mais de son service communication. C’est sa relation aux donateurs. Critiquer est quelque chose d’essentiel pour la SNSM si cette attitude lui fait perdre les dons ». En effet, les plus grosses associations disposent toutes de service « donateurs » qui ne sont pas toutes au fait de la vie de la langue bretonne. Aussi, on peut plaider l’ignorance et fournir quelques explications à celles d’entre elles qui seraient confrontées à ce type de chèques issus du Crédit Mutuel de Bretagne (Arkéa) ou du Crédit Agricole du Finistère : aucun article de loi ne précise que la langue écrite doit l’être en français. C’est donc le montant en chiffre qui prévaut. Or, « 60 » s’écrit « 60 » en breton ! Dès lors que la somme en chiffres est lisible, aucune banque ne peut refuser un chèque en breton. Un commerçant peut en revanche refuser des chèques (en breton ou non) à partir d’un certain montant ou au moyen d’une affichette visible dans son établissement (mais on n’a jamais vu aucun commerçant refuser explicitement les chèques en breton). Deux éléments de jurisprudence fournis par l’Office Public de la Langue Bretonne peuvent être opposés aux banques qui refuseraient d’encaisser un chèque en breton : l’arrêt Bernard de la cour de cassation de Paris en date du 3 juin 1986, l’avis du Procureur de la République du tribunal de Vannes du 21 février 1992.

Suite à une interpellation sur twitter, la SNSM a répondu que « le terme dialecte a été utilisé ici au sens de « langue ». Nous sommes désolés que son emploi ait été mal perçu. Nous sommes tributaires de la décision de la banque qui ne nous autorise pas à encaisser ce chèque. Cette décision est indépendante de notre volonté. Nous sommes en train de demander à notre banque de l’accepter et allons le lui renvoyer ». Le dialogue permet souvent de débloquer la situation. Reste à espérer que les donateurs brittophones ne reçoivent plus ce genre de courriers… car les dons en breton ont la même valeur que ceux en français ! En plus de leur œuvre utile, on pourrait proposer à la SNSM de se rattraper en proposant par exemple quelques affiches de communication en breton…

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]