Un article récent du Télégramme faisait remarquer que les grands médias présents aux Charrues ne s’intéressaient qu’aux grandes scènes et négligeaient par exemple le chapiteau Gwernig. L’auteur de l’article croisé sur le site ajoutait que cela visait bien sûr en 1er lieu les médias parisiens. Pas de raison de se sentir visé, car cette année encore Le Peuple breton était présent à Carhaix afin d’axer ses commentaires principalement sur la programmation du Chapiteau Gwernig.
Les concerts
Cela n’empêche pas de parler un peu des autres scènes et de la grande scène Glenmor en particulier.
Le flop d’abord. En 2006, Jamel Debouzze avait fait un malheur. Comme il l’a reconnu lui-même, 2019 a été mauvais et on peut ajouter que le fait d’être sur scène enveloppé du Gwenn ha Du n’a suffit pas à emporter le public. Cela n’empêche pas le personnage de rester très sympathique.
Si Jamel Debouzze fit un flop, ce ne fut pas le cas de cette grande dame qu’est Jane Birkin. En 2015, mon coup cœur avait déjà été pour une autre grande dame qui avait chanté sous la pluie ; elle avait dit que ça lui rappelait Woodstock, je veux parler de Joan Baez. Cette année, Jane Birkin a également chanté sous la pluie. Avec beaucoup de sensibilité, elle a interprété des chansons de Serge Gainsbourg revisitées par un compositeur classique et jouées par 50 musiciens symphoniques. Le public a apprécié, et Jane a été très sensible, elle, à l’accueil du public, sortant quasiment en larmes de la scène.
Mais venons-en au chapiteau Gwernig. C’est Kazut de Tyr qui y ouvrait la scène le vendredi. Le groupe allie depuis longtemps les musiques bretonnes et orientales et est mené par Gaby Kerdoncuff, à l’origine biniaouer et talabarder passé progressivement à la trompette. Avant Kazut de Tyr, il a longtemps joué pour Skolvan. À l’accordéon, Jean Floch qu’on connaissait d’Oktopus Kafe, Termajik ou encore Impérial Gavotte Club. La spécificité du groupe est de compter depuis deux ans dans ses rangs Rusen Filiztek, joueur de Oud et chanteur kurde qui trouve le moyen avec Eric Menneteau de nous offrir… un kan ha diskan kurdo-breton.
Plus tard, le même jour, c’est Saodaj’, un groupe venu de la Réunion qui a occupé la scène avec une énergie débordante et des instruments traditionnels comme des didgeridoos qu’on connaît plutôt du côté de l’Australie, mais on en fabrique aussi (en agave) à la Réunion.
Aux Charrues, le samedi soir est par tradition le soir du fest-noz sous le chapiteau Gwernig. En préambule au fest-noz, ce fut le concert du Talec Noguet Quartet. Au Festival 2019, Rozen Talec cumulait puisqu’elle a été pendant les 4 jours « relation presse bénévole » du Gwernig, et sur scène le samedi. Rozenn est un pur produit du Kreiz Breizh et a de qui tenir puisqu’elle est la fille de Chan-Klaod Talec, chanteur spézétois réputé de Kan ha Diskan (et aussi sculpteur sur bois réputé). Rozen chante depuis ses 10 ans mais a vraiment fait ses armes en 2009 lors de l’une des éditions de la Kreiz Breizh Akademi d’Erik Marchand. Ce samedi, au Gwernig, accompagnée comme depuis longtemps par Yannick Noguet à l’accordéon et en plus en version Quartet par Julien Padovani (clavier) et Timothée Le Bour (saxo baryton). Toujours lors du fest-noz, on signalera le groupe Startijenn qu’on n’a plus besoin de présenter aux lecteurs du Peuple breton, mais aussi 2 quartets : Ma Petite et AR’N.
Ma Petite, bien que se produisant en fest-noz, n’est pas un groupe breton mais poitevin, mené par la chanteuse (et accordéonniste diato) Perrine Vrignault accompagnée par un saxo, un deuxième diato et une batterie. Ensemble sympathique fondé courant 2018 autour de chansons traditionnelles poitevines choisies par Perrine pour souvent leurs thèmes féministes. Le groupe se produisait pour la 1ère fois en Bretagne. Gageons qu’on les y reverra sûrement.
Deuxième quartet encore plus récemment formé, fin 2018, AR’N est mené par Yann- Ewen L’Haridon, champion de Bretagne à Gourin en 2018 en couple kozh avec son compère Youenn Nedelec. Les sonorités du quartet AR’N sont surprenantes car si Yann-Ewen est accompagné d’une deuxième bombarde, celle de Louri Derrien, il est accompagné aussi par la clarinette basse d’Étienne Cabaret et du saxo baryton de Régis Bunel, deux instruments bien graves qui contrastent avec les bombardes !
Le dernier jour, ce fut un peu le grand écart entre deux des derniers concerts. D’un côté : Cocanha, trois chanteuses occitanes dynamiques s’accompagnant aux tambourins à cordes pyrénéens, puis les trois membres de Fleuves, trio breton instrumental déjà bien connu, mais qui progresse régulièrement, le tout avec une grande énergie. Mais c’est bien ça l’esprit Charrues : proposer pour tous les goûts.
Aspect économique
Le festival 2019 a drainé 270000 personnes (spectateurs, bénévoles, professionnels). Un peu moins que l’an dernier donc, mais pas de quoi affoler les organisateurs. Ce total pourrait être plus grand car le samedi on pourrait vendre 20000 à 30000 billets de plus, mais ce serait invivable côté sécurité. Il faut quand même savoir que le festival ne peut avoir l’équilibre économique que si 95 % des billets sont vendus, sachant que les Charrues reçoivent 0 % de subventions publiques. Le financement se répartit entre 80 % de billets et ventes sur place et 20 % de mécénat. Cela fait 6 ans que les billets-journées sont à 44 €, sans mécénat ils passeraient à 54 €. Quelques chiffres encore : un record battu, celui des bénévoles, environ 7140, représentant 134 associations. Le festival reverse 135000 € à ces associations. Il y a quelques années, les Charrues avaient lancé un grand sondage sur l’impact sur le Centre-Bretagne et la Bretagne de façon générale. Il a été décidé de refaire cette année le même type de sondage.
Un festival toujours durable
En 2013, Le Peuple breton (version papier) avait consacré une de ses rubriques « un jour avec » à une interview de Quentin Sibiril, chargé de développement durable des Charrues. En 2019, Quentin est plus que jamais là et continue avec l’ensemble de ses 700 collaborateurs à faire progresser les Vieilles Charrues dans le bon sens : point d’honneur à rendre après le festival les terrains aussi propres après 4 jours qu’avant les festivités, gros effort dans le recyclage, continuation des toilettes sèches qui économisent 500m3 d’eau, recyclage de plus de 40 % des 200 tonnes de déchets, etc.
Continuation aussi dans l’amélioration de l’accueil de personnes présentant un handicap, avec des comptoirs accessibles aux fauteuils roulants, boucles magnétiques pour les mal-entendants (mais ça ce n’est pas nouveau) et réflexion pour les prochaines éditions sur l’accueil des personnes non ou mal voyantes.
Pour l’an prochain, le rendez-vous est donné : du 16 au 19 juillet.