Il fallait la voir la jeunesse débouler dans la rue Le Bastard, à Rennes, en direction de la mairie pour faire entendre leur voix au sujet du climat. Des flots de collégiens, lycéens et étudiants, parsemés de quelques têtes blanches, qui s’égosillaient.
Quel souffle ! Partout en France, ils étaient nombreux pour cette grève du climat précédant la manifestation sur le même thème de samedi 16 mars. Plus de 6000 jeunes aux pancartes bigarrées chantant en chœur : « Et 1, et 2, et 3 degrés : c’est un crime contre l’humanité » ! Pourquoi défilent-ils ? « Parce que c’est notre planèèèète ! »
À vrai dire, même si la plupart des slogans se ressemblent, l’imagination reste débordante dans la façon de se faire voir. Les manifestants sont de plusieurs ordres. D’abord, il y a les écologistes purs et durs, les amis de la Nature, de loin les plus nombreux : depuis « les calottes sont cuites » à « quand c’est fondu, c’est foutu ! » en passant par « phoque le réchauffement », « winter is not coming », « ainsi fond, fond, fond la planète » ou encore « CO2, c’est odieux ». « Pas de planète B », « dis Papa, c’était quoi les abeilles ? » ou encore « on est plus chaud que le climat », « qu’est-ce qui est vert et qui attend ? Le changement ». Ceux-là sont « déter ». À quoi ? On ne sait pas bien, mais ils s’époumonent, ils sont « la Nature qui riposte ».
Dans un autre genre, il y a ceux qui sont moins subtils, mais efficaces malgré tout : « arrête de niquer ta mer », « bouffez de la chatte, pas de la glace ». Et « puisqu’on [leur] fait bouffer du béton, ça va chier des briques » ! Viennent après les jeunes manifestants qui anticipent un manque à venir : « Pas d’hiver, pas de raclette », « Pas de planète, pas de chocolat ». L’humour comme dernière arme avant le cynisme ? Les désespérés : « Renaud, t’avais tout faux : c’est bien l’homme qui prend la mer », « ta planète, tu la préfères bleue ou bien cuite ? », « pas de nature sans futur » (ou vice-versa). Les soixante-huitards : « Rêve général » !
Viennent ensuite les plus politisés, ceux qui ont fait le lien entre réchauffement climatique et système économique : « la banquise n’est pas sur Amazon », « plus de ruches, moins de riches » ou le célèbre « changeons le système, pas le climat » et le non moins scandé « anti, anti, anticapitaliste ». Dans le style brutal, mais direct : « climassacre », « le capital est l’ennemi » ou encore « pour sauver la Terre, mangez un lobbyiste ». Alors que la gauche est en crise, alors que le Parti socialiste, il y a peu encore le principal parti de gauche en France, assume un virage travailliste et donc accepte le capitalisme, il est (très) intéressant et surtout rassurant de constater que les jeunes sont finalement très politisés et loin d’être dupes. « Quitte à être une goutte, autant être celle qui fait déborder le vase », non ? À ceux-là comme aux autres, on aimerait juste dire : organisez-vous, n’attendez pas, engagez-vous. Dans un syndicat, un parti, une association. L’avenir, c’est vous !
Une chose est certaine : il est difficile de demander à la jeunesse de se projeter dans l’avenir si on leur dit en même temps que la planète est foutue. Donnez de l’espoir s’accompagne de mesures politiques qu’aujourd’hui peu d’hommes et de femmes politiques sont prêts à prendre. Alors, M. Blanquer, les jeunes qui ont choisi de déserter les bancs de leur lycée aujourd’hui vous donnent une belle leçon d’éducation civique. « Aux arbres citoyens » !