Connu dans la région de la Rance pour avoir réussi le pari fou de faire pousser du riz en Bretagne (voir PB été 2017), Alexandre Reis, paysan à Évran depuis 2014, se voit menacé de poursuites administratives. Mise au point avec l’intéressé.
Le Peuple breton : Que se passe-t-il dans ton exploitation pour que tu aies des problèmes avec les contrôleurs des zones humides ?
Alexandre Reis : Nous n’aurions pas droit de cultiver du riz, des roses et d’autres plantes sur les parcelles en zone humide, qui sont des zones de captage d’eau. Il y a donc un risque de devoir payer des amendes, voire peut-être d’arrêter toutes activités.
Mais il est vrai que ces zones sont à préserver et une activité agricole peut avoir un impact sur l’écosystème, non ?
Tout dépend de l’activité, justement ! Au stade où j’en suis (en expérimentation), l’impact est ridicule. D’autant plus que sur une autre parcelle, juste à côté, il y a des peupliers qui se trouvent dans ces zones, ce qui est paradoxal quand on sait la quantité d’eau que ces arbres consomment. Notre exploitation n’a pas d’impact sur l’environnement, bien au contraire.
Par ailleurs, alors que certains agriculteurs utilisent des pesticides en grandes quantités dans leurs champs, s’ils sont libres de faire ce qu’ils veulent dessus, rien ne leur est reproché ; pourtant, ces mêmes pesticides qui sont répandus sur leurs terrains viennent contaminer les terres voisines, dont les fameuses zones humides se trouvant en contrebas. C’est complètement injuste comme raisonnement.
Enfin, concernant les rosiers, même si on utilise les pétales de roses pour nos confections [gelées à la rose, ndlr], ils ont un but pratique de première importance, car c’est là que les abeilles noires peuvent butiner sans avoir à le faire dans des espaces contaminés. C’est aussi un enjeu sanitaire, surtout que nos abeilles sont en voie de disparition.
Il semblerait que l’élevage en plein air pour tes cochons te soit également reproché ?
J’ai choisi ce type d’élevage car c’est ce que je considère de plus sain pour les bêtes : elles peuvent se déplacer librement sur le terrain, qui est clôturé. La réglementation est suivie et assurée pour le bien-être de nos animaux. Et ce qui est bon pour ces bêtes est aussi bon pour les consommateurs. Ce que j’élève et produis est fait pour valoriser nos terroirs et, d’une certaine façon, faire renaître la mémoire des fermes d’antan avec la réglementation de maintenant. Toute évolution est bonne tant pour nous que pour les administrations.
Depuis le temps que nous te suivons, on a pu mesurer ton engagement pour une alimentation saine…
Oui, et j’essaye de le faire savoir et de le partager avec le plus grand nombre. Il y a eu beaucoup d’articles de presse écrite, télés, radios sur mon exploitation, tant en Bretagne qu’en France ou même à l’étranger parfois. J’ai toujours joué la transparence, j’invite d’ailleurs fréquemment tout type de personnes à venir, des spécialistes de l’agriculture internationale, des chefs de cuisine, ou encore des écoliers pour leur montrer ce que c’est qu’une ferme paysanne. Les retours sont positifs, mais ça ne plaît pas à certains lobbies. Selon moi, on veut tuer les élevages en plein air.
Rien qu’un autre exemple : il y a une famille d’agriculteurs qui élève aussi des cochons dans les mêmes conditions que nous à Saint-Méloir-des Ondes. Ils ont été pour moi un exemple de production avec le respect du travail bien fait et ça depuis trente ans. Et pourtant, on vient leur mettre des bâtons dans les roues, tandis que certaines exploitations, avec des centaines de porcs dans des bâtiments où l’air est filtré, n’ont elles aucun problème.
Que comptes-tu faire à présent ?
Attendre. Pour le moment, nous sommes dans un flou complet concernant l’échéance et les sanctions possibles ; en pleine récolte du safran dans le domaine, c’est assez stressant et fatigant. Mais je ne vais pas lâcher l’affaire, je vais continuer à me battre avec mes collègues pour avancer. Pour avoir entre autres un conservatoire de ces élevages en plein air. Dans chaque région de France, il y a des saveurs, des goûts différents à défendre. Chacun de nous est isolé, mais ensemble nous formons un bloc, et avec d’autres un rempart contre la malbouffe. Bien des chefs nous parlent et nous demandent des actions, des actes concrets pour avancer ensemble. Selon la tournure des événements, je pense que j’en appellerai à la mobilisation et lancerai une pétition. Ce n’est pas normal que pour une alimentation saine on soit sanctionné de la sorte, surtout lorsque l’industrie agroalimentaire nous fait manger n’importe quoi aujourd’hui.