
Dans une logique terrestre, il est évident que la Bretagne est un finis terrae, un bout du monde. Mais en breton, penn-ar-bed veut dire aussi la tête donc le début du monde. Question de point de vue. Hélas, visiblement, l’Union européenne semble traiter la sortie du Royaume-Uni de façon centralisée, sans prendre en considération la géographie.
Dans une tribune datée du 2 août, Michel Barnier, chef de la négociation avec le Royaume-Uni pour la Commission européenne, expliquait : « nous devons veiller à ce que la sortie du Royaume-Uni soit ordonnée. Nous sommes déjà d’accord sur 80 % de l’accord de retrait. » En sous-main, on sait que les négociations patinent et que beaucoup de britanniques (y compris des résidents vivant en Bretagne) paniquent à l’idée de sortir réellement de l’Union européenne. De plus en plus, la possibilité d’un nouveau référendum est évoquée ce qui poserait un problème de démocratie évident : « vous n’avez pas bien voté alors on recommence ».
Il faut donc partir du principe que le Brexit aura bel et bien lieu. Mais le Royaume-Uni n’a pas l’intention de vivre de manière autarcique ! Il cherchera à poursuivre des relations économiques avec le monde et également avec le marché commun de l’Union européenne. Michel Barnier le sait pertinemment et précise dans sa tribune qu’« une période de transition de 21 mois donnera aux entreprises et aux administrations le temps de s’adapter, puisque le Royaume-Uni restera membre du marché unique et de l’union douanière jusqu’au 31 décembre 2020. » Dès les élections européennes de 2019, les parlementaires du Royaume-Uni perdront leurs sièges.
Pour la Bretagne, le Brexit n’est pas franchement une bonne nouvelle. Le Royaume-Uni est en effet un partenaire économique important et sa sortie de l’Union européenne va compliquer les relations avec l’île. D’autant plus que la négociation très centralisée du Brexit semble faire fi des voisins. Le cas de l’Irlande est un peu à part puisque les négociations l’ont en tête en permanence. Le Brexit se fera si et seulement si la frontière entre Irlande du Nord et République d’Irlande est poreuse (à moins d’enfin proposer un référendum sur le rattachement du Nord au Sud !).
Irlande exceptée donc, la Commission européenne raisonne (à l’instar de la France) de manière centralisée et au lieu de chercher à conforter la géographie, elle raisonne comme si l’Union européenne était un bloc homogène parlant d’une voix unique. En ce qui concerne l’aspect maritime par exemple, Bruxelles envisage de regrouper le fret irlandais dans les ports d’Europe du Nord. Dans Le Peuple breton du mois [septembre], Mael Garrec dresse un tableau complet de ce sujet. La Commission a en effet proposé d’adapter le tracé du corridor transeuropéen Mer du Nord-Méditerranée en favorisant les grands ports européens. Une situation qui n’est « pas acceptable pour la France » selon Elisabeth Borne, la ministre française chargée des transports. Aucun Breton (qu’il s’agisse du Président de la Région Bretagne à l’UDB) ne l’accepte non plus puisque cela poserait un sérieux problème de viabilité économique pour les ports de Roscoff ou Brest. Mais que pèse la Bretagne ? Sans existence politique, quel est son poids auprès de la Commission européenne ?
Plus positif, l’accord sur la pêche à la coquille Saint-Jacques en baie de Seine qui vient d’être trouvé entre les pêcheurs eux-mêmes. Preuve qu’il est possible de s’arranger autrement que par une bureaucratie centralisée.