Exposition Pinault : l’Art réservé aux riches ?

L’exposition Debout ! présentant quelques œuvres de collections de François Pinault est superbe et magnifiquement mise en valeur dans un écrin à la hauteur des œuvres présentées. Parmi celles-ci, chacun-e pourra selon sa sensibilité, être ému-e, choqué-e, interloqué-e par des artistes aux univers très différents. Pierre-Emmanuel Marais nous livre son ressenti.

De Pierre Huyghe et son film human mask où un singe, arborant un masque de visage humain et une perruque, évolue dans un restaurant au lendemain de la catastrophe nucléaire de Fukushima, à Him de Maurizio Cattelan et sa statue de cire agenouillée découvrant le visage d’Hitler, l’éclectisme est au rendez-vous. La commissaire de l’exposition, Caroline Bourgeois, explique que ces « œuvres évoquent le destin individuel et collectif des hommes ».

En sortant du couvent des Jacobins, on peut toutefois s’interroger sur la tendance actuelle à privatiser l’art contemporain. Dans un article du magazine du Monde n°453, le président du musée d’Art moderne de la Ville de Paris, Fabrice Hergott explique qu’il ne dispose que d’un budget annuel d’un million d’euro pour l’acquisition d’œuvre alors qu’en 2016, Pinault collection a pu investir jusqu’à 182 millions d’euros.

Philanthrope, François Pinault ? P.A. Gay et C. Monnot, dans une biographie qui lui était consacré le surnommait « le dépouilleur d’épaves » du fait de la constitution de son empire basée sur le rachat et le démantèlement d’entreprises en difficulté. Son investissement dans l’art contemporain est plus tardif et était aussi une façon habile de défiscaliser ce qui lui a permis longtemps de ne pas payer l’ISF.

Depuis la crise de 2007 et les politiques d’austérité qui s’en sont suivies, et même avant, l’État français, les Collectivités territoriales n’ont plus les moyens d’engager une véritable politique ambitieuse en matière d’acquisition d’œuvres d’art. Depuis 2007 toujours, le nombre de milliardaires augmente, l’évasion fiscale se porte bien et le business de l’art est florissant. En traversant le couvent des Jacobins, on ne peut s’empêcher de penser que l’exposition Debout, aussi formidable soit-elle, est le symbole d’une captation des richesses par quelques grandes fortunes. On va nous rétorquer que ces expositions sont justement une ouverture au grand public grâce à la générosité de quelques mécènes.

Mais pour quelques ouvres exposées, combien restent cachées ? Chaque matin, François Pinault contemplerait un tableau de Sérusier acquis en 1972. On peut espérer qu’un jour ce tableau puisse être exposé dans un musée breton, à Nantes, Quimper ou au Faouët. On peut aussi espérer que ces collections puissent un jour revenir dans le domaine public et ne pas continuer à être la possession exclusive de quelques privilégiés qui par un réflexe philanthrope, dont on peut douter de l’authenticité, font œuvre de charité culturelle.

> Pierre-Emmanuel MARAIS

Pierre-Emmanuel Marais est élu de l'UDB à la mairie de Nantes. Il y exerce la fonction de délégué à la diversité linguistique, pédagogique et culturelle et aux actions autour des écoles. Il est également auteur de plusieurs livres en français et en breton. Parmi eux, le roman "Alje 1957" qui a reçu le prix Langleiz et le prix de l'avenir de la langue bretonne.