
Que l’on aime ou pas le football, impossible ces récentes années de passer à côté de son actualité. Et ce n’est pas la victoire de la seule prétendue Équipe de France qui y changera quelque chose, encore moins, pour les détracteurs de sa gouvernance générale, les innombrables scandales politico-financiers qui ont taché les différentes instances de la FIFA et cie. Mais cela nous a au moins donné l’occasion d’inspecter et d’interroger la cohérence d’organisation du football français.
Tout d’abord, il semble nécessaire de distinguer pratique du football et politiques de gestion de ce sport. En effet, il ne faut pas oublier que près de 190000 habitants en Bretagne sont aujourd’hui licenciés dans un club. Bien supérieur au nombre de cyclistes, tennisman, handballeurs et autres sports de voile. Ce qui correspond tout de même à quasiment 2% de la population bretonne. Il est donc très clair de devoir s’atteler à proposer des solutions concrètes et durables pour que l’on continue encore longtemps à taper dans le ballon.
Mais d’un autre point de vu, lorsque l’on observe le découpage du football mondial (confédérations et fédérations), il semble que celui-ci soit très lié aux influences des pouvoirs politiques en place. Par exemple, si on prend le cas de la FFF (Fédération Française de Football), elle a pour objet notamment : « d’organiser, de développer et de contrôler l’enseignement et la pratique du football, sous toutes ses formes, par des joueurs de statuts différents, en France, sur le territoire métropolitain et dans les départements et territoires d’outre-mer » et donc par voie de conséquence de représenter l’ensemble de la France (y compris l’Outre-Mer) devant les instances internationales telles que l’UEFA et la Fifa.
Mais alors, est-il juste au regard des diversités qui composent la France, de n’observer qu’une seule équipe nationale ?
Certains diront que les équipes régionales existent. Et ils ont raison… dans une certaine mesure. La FFF est structurée en Ligues, et organise régulièrement des compétitions entre elles. Mais à l’image de la récente réforme des régions, la FFF s’est alignée sur le modèle voulu par les pouvoirs publics, et a découpé la métropole en les mêmes 13 régions administratives. Et là encore, les quatre départements composant la Bretagne administrative (22, 29, 35 et 56) se voient séparés de la Loire-Atlantique. Un cloisonnement néfaste pour la culture et la promotion de la Bretagne historique.
Mais plus encore, est-il légitime d’observer qu’une seule équipe puisse représenter la France ? Ou en d’autres termes, cela signifie-t’il que les diverses identités n’ont pas voix au chapitre ?
En tout cas, on peut penser que tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. En effet, comme il a été indiqué plus haut, il existe des équipes régionales au sein de la Fédération mais celles-ci sont déstructurées, et ne peuvent prétendre porter leurs couleurs dans des compétitions officielles. En fait, pour pouvoir se faire, il faudrait répondre aux critères fixés par la Fifa pour être reconnu par elle comme l’un de ses membres officiels et pouvoir ainsi disputer des qualifications –clefs d’entrées des tournois internationaux.
Selon ses statuts en son article 10, il est stipulé que « peut devenir membre toute association responsable de l’organisation et du contrôle du football et de toutes ses variantes dans son pays ». Mais cette disposition doit s’entendre eu égard à deux aspects : le premier, qu’on entend par pays, dans cette définition statutaire, une zone géographique, indépendante, avec un gouvernement souverain et reconnu explicitement en vertu des règles de droit international, et secondement, qu’une seule association peut être retenue par pays.
Autant dire que soumis à ce régime, impossible de voir émerger officiellement à l’heure actuelle une Équipe de Corse, du Pays Basque, ou d’Alsace. Mais pourtant, la Nouvelle Calédonie et Tahiti sont membres à part entière de la Fifa. Et cela, réglementairement, en vertu de l’art.6 du même article qui stipule qu’ « avec l’autorisation de l’association membre du pays dont elle dépend, une association d’une région n’ayant pas encore obtenu l’indépendance peut également demander l’admission à la FIFA ». Donc, quand bien même nous nous réjouissons de voir ces peuples porter fièrement leurs identités, nous ne pouvons-nous empêcher de nous demander pourquoi une Équipe de Bretagne ne pourrait pas voir le jour ?
Et c’est là que toute la perfidie du texte juridique, manipulé par une vision politique étriquée et autoritaire, joue tout son rôle. Puisque pour ce faire, entre autres de devoir justifier d’un cadre associatif, de solides finances et d’équipements sportifs coûteux, il nous faudrait quémander l’autorisation à la FFF. Qui ne tente rien, n’obtient rien. Mais nul ne doute que la démarche soit accaparée pour alimenter cet insoutenable jacobinisme.
Mais tout de même, le jeu n’en vaudrait-il pas la chandelle ? Le sport n’est-il pas l’un des moyens d’expression dont dispose les peuples pour se faire entendre et diffuser leur message ? En comparaison, il existe belle et bien dans le Football Gaélique une Équipe de Bretagne officielle. Laquelle a donc la possibilité d’affronter, comme cela s’est déjà passée, l’Afrique du Sud, l’Allemagne, l’Irlande, et même la France – cela pas plus tard qu’hier, lors du championnat d’Europe qui s’est tenu à Lorient.
Notons que prétendre dès aujourd’hui entrer comme membre à part entière de la Fifa est utopique. Mais l’idée d’une représentation sportive bretonne sur les plans internationaux est belle et bien là, réaliste. Qui plus est, elle ne se limite pas qu’au football et peut s’appliquer à tous les sports et activités de loisirs qui fond le quotidien des Bretons.
Précisons en outre qu’il existe une organisation internationale de football bis ou parallèle : la ConIFA. La Confédération des Associations Indépendantes de Football, créée en 2013, a pour principal but de « promouvoir, célébrer et renforcer l’identité des peuples, des nations, des ethnies, des minorités et des territoires sportivement isolés », non reconnus par la communauté internationale et par la Fifa, à travers la pratique du football. La reconnaissance de ces associations est donc par définition plus souple et respectueuse que celles dont nous avons parlées plus haut. Il n’est dès lors plus question de manipulation territoriale, diplomatique ou financière, mais de permettre à travers le jeu, l’expression et l’existence de ceux mis au banc de la société en raison de leur langue, croyance et/ou origine.
Et c’est en ce sens que depuis lors des coupes de continents et du monde ont eu lieu, voyant s’affronter les équipes du Darfour, de Kabylie, du Tibet, de Rohingyas, de Kurdes, d’Occitans, et même de la sélection du comté de Nice victorieuse en 2014. Et pourquoi pas demain, celle de Bretagne ?
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Lire à ce sujet le prochain numéro (septembre 2019) du Peuple breton traitant du rapport entre sport et nationalisme.