
Si on demande quel le rapport entre Vorgium et les Vieilles Charrues, il y a fort à parier que même en Bretagne, beaucoup n’en ont aucune idée. Cela risque de changer depuis le 13 juillet avec l’inauguration à Carhaix de « Vorgium », centre archéologique baptisé de l’ancien nom de la ville au temps des Romains. Le Peuple breton était présent à l’inauguration.
Signalons pour commencer que l’actualité archéologique est riche Bretagne en ce début d’été. L’archéologie sous-marine d’abord : à la recherche des épaves de la Cordelière d’Anne de Bretagne et du Régent Anglais qui ont coulé tous les 2 il y a 5 siècles, l’équipe de recherche vient de trouver une épave. Est-ce ou pas la Cordelière comme espéré ? Pas sûr, l’absence d’artillerie ne plaidant pas pour la Cordelière. Affaire à suivre…
Ensuite, pas loin du pont de l’Iroise, sur les hauteurs de Plougastel, la campagne estivale de recherche sur le site du rocher de l’Impératrice a redémarré pour quelques semaines. Le Télégramme nous signale que « Ce chantier, entamé il y a sept ans, a provoqué un buzz international lors de la parution des premiers résultats et la mise au jour d’une cinquantaine de plaquettes de schiste gravées pour la plupart de motifs géométriques mais aussi d’animaux datant de l’Azilien (entre 14 700 et 14 500 ans avant notre ère). En clair, les plus anciennes traces d’art en Bretagne. »
Et nous arrivons maintenant à Carhaix. En 2004, des fouilles sur la place du Champ de foire avaient permis de montrer l’existence par exemple d’un escalier monumental appartenant peut-être à des thermes romains. La place avait alors été rebouchée (elle l’est toujours pour l’instant) mais les fouilles continuaient ailleurs. Il est difficile de creuser à Carhaix sans tomber comme dans d’autres villes anciennes sur des vestiges gallo-romains, et en particulier des tronçons de l’aqueduc qui amenait l’eau à Vorgium, l’antique Carhaix. Après un 1er aqueduc de 11 km au milieu du Ier siècle, un 2ème aqueduc fut construit à la fin du IIème siècle, amenant l’eau de Paule et Glomel (Côtes d’Armor) sur une tracé de 27 km !
Régis Le Gall Tanguy, docteur en histoire médiévale, écrivait en 2006 en introduction d’une étude sur Carhaix au Moyen Âge : « un ancien chef-lieu de cité, Vorgium : […] Son identification avec la capitale de la cité des Osismes ne fait guère de doute. Nos connaissances sur son urbanisme, encore limitées il y a quelques années, progressent largement. Parmi les découvertes récentes nous ne pouvons que souligner, après d’autres, l’intérêt de la domus constantinienne mise au jour au Centre hospitalier. Elle démontre que la ville est encore occupée par de riches aristocrates dans la première moitié du IVème siècle. »
L’histoire de Vorgium commence très probablement après 56 av. J.-C., quand Jules César bat les Vénètes dans une célèbre bataille pas loin du Golfe du Morbihan. Peu après, l’Empereur Auguste décide de réorganiser la Gaule et il s’en suit la construction de Vorgium, sur le territoire des Osismes.
Vorgium étant devenue capitale politique, administrative et économique des Osismes, beaucoup de bâtiments y virent le jour, et il n’est pas étonnant d’en trouver des vestiges un peu partout quand on creuse à Carhaix. On en trouve plus particulièrement près du centre hospitalier où des fouilles programmées eurent lieu entre 2000 et 2007, sous la direction de Gaétan Le Cloirec, ingénieur de recherches à l’INRAP. Ce à quoi se sont ajoutées d’autres opérations de fouille menées par l’INRAP dans un cadre préventif dans d’autres endroits de la ville.
Fort de ce site exceptionnel, les élus locaux ont porté un projet de valeur encadrés par un comité de pilotage associant l’INRAP, le Service régional d’archéologie de la DRAC, le Conseil départemental 29 et diverses personnalité de l’archéologie. Ce projet était la construction d’un centre d’interprétation archéologique alliant une exposition permanente et les nouvelles technologies numériques.
Il faut dire que Vorgium bénéficie du partenariat de compétences du Musée Archéologique Virtuel d’Herculanum dont le directeur Ciro Cacciola a fait le voyage pour l’inauguration à Carhaix.
Un partenariat est envisagé aussi entre Vorgium et la Vallée des Saints de Carnoët, sachant que Vorgium était à l’époque au centre d’une toile d’araignée de voies romaines, dont l’une, Carhaix-Lannion, devait passer par Carnoët.
La visite du site de Vorgium pourra se faire en « réalité augmentée » grâce à des tablettes numériques permettant d’observer le quartier tel qu’il existait il y a 1800 ans. Et on peut enfin signaler que si les visites guidées et l’utilisation des tablettes seront payantes, l’entrée sur le site et la déambulation y sont gratuites.