Après le reuz fait autour du film « Bécassine » de Bruno Podalydès, le collectif Dispac’h s’illustre à nouveau autour d’une campagne d’affichage contre les résidences secondaires. Le Peuple breton ayant maintes fois traité du sujet, nous avons décidé de poser quelques questions à Ewan Thébaud, le porte-parole du collectif.
Le Peuple breton : Comment et pourquoi avoir décidé de faire une priorité de ce sujet ?
Ewan Thébaud : En réalité nous avons lancé notre campagne contre la spéculation immobilière, et donc les résidences secondaires et l’économie du tout tourisme, au mois de mars. C’est même l’acte fondateur de Dispac’h en quelque sorte puisque nous nous sommes créé à ce moment-là. Ce choix nous a paru évident parce qu’en tant que jeunes, nous sommes directement concernés par cette problématique. Les emplois saisonniers précaires sur la côte, la difficulté à trouver un logement, l’exil parfois forcé vers les zones retro-littoral et/ou urbaine, tous les jeunes de Bretagne ont connu ça. Ça fait des décennies que ce système de spoliation d’une partie des terres au détriment des locaux est en place. C’est un vrai problème à la fois d’aménagement du territoire et de mixité sociale. Aujourd’hui cette mixité n’existe pas sur le littoral. Toutes les villes bordant nos côtes affichent des taux de résidences secondaires indécent (de 30 à 80 %) et la population est majoritairement retraitée. Ce sont des territoires où l’on retrouve peu de dynamiques en basse saison, où les services publics ferment les uns après les autres à cause de la saisonnalité de l’activité, les logements sont inaccessibles… Tout ce qu’on ne désire pas finalement ! Il faut vraiment que les élus locaux se réveillent pour imaginer des outils afin de contrer cet état de fait. Ça colle aussi parfaitement avec notre engagement indépendantiste qui veut que ce soit les gens vivant et travaillant ici, en Bretagne, qui puissent être décisionnaires des politiques à mener dans notre pays. Pas Paris et son système capitaliste et libéral.
Quelles sont les méthodes envisagées pour votre campagne ?
L’objectif du collectif est d’amener les débats sur la place publique et d’interpeller. Pour cela on utilise tous les moyens d’actions à notre disposition et répondant de la désobéissance civile et la non-violence active. Nous avons collé des affiches sur les volets clos des résidences secondaires aux 5 coins de la Bretagne. Maintenant ces volets vont s’ouvrir pour la saison et donc nous allons passer à un autre type d’action comment dire… plus voyante ! Vous aurez l’occasion de suivre ça pendant l’été, je ne vous en dis pas plus.
Faites-vous une différence entre la côte et le reste du territoire breton ?
Oui et non. Oui dans le sens où la spéculation immobilière appliqué au littoral est le résultat d’une activité et d’un environnement particulier qu’on ne retrouve que sur la côte. Les territoires ruraux sont confrontés à d’autres problèmes et réalités qu’on espère un jour pouvoir traiter au même titre. Mais certains sujets comme le logement sont aussi des problématiques qui se développent autour des grandes villes avec la métropolisation (les loyers et les prix augmentent aussi vite que s’étendent les aires d’influences de villes comme Nantes et Rennes). Chaque territoire a ses spécificités et le fait même de les dénommer nous oblige à les différencier quand on parle d’aménagement du territoire.
Quelles sont vos revendications face au problème de la spoliation du littoral ?
Nous souhaitons que des outils efficaces soient mis en place pour réguler le nombre de résidences secondaires (plus qu’un Établissement Foncier Public Régional sans financements !). C’est aux collectivités bretonnes de prendre les choses en mains et d’imaginer ces outils, avec ou sans l’accord de Paris. Si aucun maire ne bouge, rien ne bougera et tout le monde continuera à faire l’autruche. C’est aux Bretonnes et aux Bretons de se saisir de ce genre de sujet car nous sommes les seuls à même de comprendre les enjeux que cela implique pour nos territoires.
Différentes solutions sont appliquées en Europe et ailleurs pour limiter les concentrations de résidences secondaires : taxations, quotas, statuts particuliers… Sont-elles des sources d’inspiration pour vous ?
Toutes solutions sont bonnes à étudier. Nous ne considérons pas que ce soit à Dispac’h de proposer des solutions clés en main pour améliorer la situation, mais il est clair qu’il y a aujourd’hui des sources d’inspirations fortes quand on voit ce qui se passe en Corse, au Pays de Galles ou en Cornouailles. Je me souviens d’avoir lu un dossier très intéressant dans vos colonnes sur ce sujet. Mais de toute évidence, pour nous, il est clair que c’est le peuple breton qui fera bouger les choses et qui choisira ses inspirations, nous devons l’y encourager.
La Corse souhaite mettre un statut de résident pour limiter les acquisitions de résidences secondaires. L’UDB propose aussi d’expérimenter cette mesure dans un premier temps sur les îles bretonnes. Qu’en pensez-vous ?
C’est une bonne idée, mais pourquoi que sur les îles ? Ne faudrait-il pas aussi l’expérimenter sur les côtes ? Les îles bretonnes révèlent, il est vrai, des problématiques bien particulières qu’il faut lier avec le reste du littoral.
Pensez-vous que les collectivités bretonnes ont aujourd’hui les moyens de régler elles-mêmes le problème ?
De manière légale, les collectivités n’ont aucun moyen et pouvoir pour régler le problème. Tout juste peuvent-elles augmenter les impôts locaux des résidences secondaires (elles sont très peu à le faire), et encore cela participe la plupart du temps à privilégier les plus riches, ceux qui en ont les moyens. Bien sûr, elles peuvent intégrer des mesures dans les PLU mais c’est encore très insuffisant pour enrayer la situation. Une fois de plus, aux élus de faire leur boulot et de s’organiser. Tout est question de volonté et de courage politique. On en a marre d’entendre sans cesse que les décisions ne leur appartiennent pas, qu’ils agissent ! Quitte à désobéir pour instaurer un rapport de force.
Faut-il mettre toutes les résidences et leurs propriétaires dans le même sac ? Que dites-vous à une famille modeste possédant une résidence secondaire familiale ?
L’aménagement du territoire n’est jamais tout blanc ou tout noir, c’est un sujet complexe. À ce titre, il existe plusieurs types de résidences secondaires et plusieurs types de propriétaires. Il faudra composer avec et proposer les solutions les plus justes. Mais dans le fond, a-t-on aujourd’hui besoin de posséder plusieurs logements ? La question de l’usage de ces résidences se pose aussi.
Imaginons que le marché s’effondre et que toutes ces résidences deviennent de simples logements vacants. Quel usage envisageriez-vous d’en faire ?
Il y a plein de gens en galère de logements (travailleuse.r.s précarisé.e.s, familles, jeunes, migrants… etc), on trouvera bien du monde pour les occuper !