Inauguration de l’exposition 55 urnes pour la liberté à Bruxelles. A centre Lluís Puig l’ex-ministre de la Culture du gouvernement Puigdemont, et Hervé Pi, militant du Comité de Solidarité Catalane de Perpignan à l’initiative de l’exposition.
Perpignan.- Cette deuxième semaine de juin est marquée en Catalogne par le nouveau départ de la diplomatie catalane du gouvernement de Quim Torra, qui se traduit par des interventions sur différents fronts. Le ministre des Affaires étrangères Ernest Maragall détaille la réouverture des délégations de la Generalitat à Londres, Berlin, Rome, en Suisse et aux Etats-Unis, après que le président eut annoncé la reprise des activités de Diplocat, l’organisme de projection extérieure de la Catalogne, les «ambassades» que le gouvernement de Rajoy s’est vanté d’avoir immédiatement «liquidé». Fin juin, le président de la Generalitat prévoit une visite aux États-Unis. Et le vendredi 15 juin, la première réunion du Président de la Generalitat avec un chef d’État a eu lieu à la Seu d’Urgell, avec Joan Enric Vives, co-prince d’Andorre. A cette occasion il a commenté qu’il « enviait » la principauté indépendante et que “l’Andorre représente un pays libre et démocratique auquel nous souhaitons toute la chance du monde”.
55 urnes pour la liberté de Perpinyà à Bruxelles
Sur un autre front, à Bruxelles, le vendredi 15 juin, a été inaugurée l’exposition 55 urnes pour la liberté, organisés par le Comité de Solidarité de Catalogne de Perpinyà. L’exposition a été présentée par l’ancien ministre de la Culture du gouvernement de Puigdemont, exilé en Belgique, Lluís Puig, en présence des autres ministtres exilés. Les œuvres produites par 55 artistes à partir des urnes qui ont servi au référendum du 1er octobre 2017 pouront être vues à partir du mois d’août et tout le mois de septembre dans les locaux du Conseil général de Catalogne du Nord, avant de rejoindre d’autres villes catalanes.
Un roi d’Espagne «non grata»
Le président catalan prévoit à l’occasion de l’inauguration des Jeux méditerranéens à Tarragone, de demander au roi de s’excuser auprès des Catalans pour son discours du 3 octobre lorsqu’il est intervenu à la télévision pour justifier la répression. Quim Torra a annoncé qu’il lui parlera de «situation politique très grave du pays, des prisonniers politiques, des exilés et du droit à l’autodétermination de la Catalogne qui est criminalisé». Le roi d’Espagne qui doit se rendre le 28 juin à Girona pour le gala annuel de la Fondation Princesse Sofia a été contraint de trouver une salle en dehors de la ville (à Vilarableix) devant le refus de la maire de l’accueillir. Le maire de Vilarableix a également exprimé son opposition à la visite en expliquant : « Nous ne pouvons en aucune manière accepter qu’une organisation qui représente ceux qui nous agressent, nous emprisonnent ou nous forcent à quitter notre pays viennent monter des petites fêtes à Vilablareix. N’oublions pas ! »
Le dialogue est-il impossible ?
L’autre question importante de l’actualité catalano-espagnole est le dialogue que les socialistes espagnols ne semblent pas vouloir entamer avec le gouvernement de Catalogne. Le gouvernement socialiste espagnol qui a remplacé celui du PP de M. Rajoy n’a pas été plus loin que l’annonce d’une volonté de dialogue. Plus de deux semaines après avoir accédé au gouvernement, les signaux de réticences et de freins à l’ouverture de négociations politiques de Pedro Sanchez avec les autorités catalanes s’accumulent: vendredi 15 juin le gouvernement espagnol a annoncé qu’il ne rencontrerait pas le président catalan sur une base bilatérale, mais qu’il inscrivait la réunion dans une série de rencontres avec tous les présidents des autonomies, précisément ce qu’ont rejeté les Catalans qui depuis des années réclament une discussion de gouvernement à gouvernement avec l’État espagnol. Pour l’instant, Pedro Sanchez envisage de rencontrer d’abord le président basque Urkullu, avant de voir Quim Torra, sous prétexte que l’autonomie basque a approuvé son statut d’autonomie avant le catalan. Autres signaux peu encourageants: le gouvernement espagnol met des conditions au dialogue ; refuse de traiter la question de l’autodétermination et limite la discussion aux termes de la Constitution ; le ministre espagnol de l’Intérieur ne veut pas se prononcer sur la situation des prisonniers politiques au prétexte que seule la justice est compétente (point immédiatement démenti par le juge Pablo Llarena lui-même qui précise que la responsabilité appartient au gouvernement) ; le jacobin Josep Borrell, ministre des Affaires étrangères multiplie les déclarations hostiles ; il n’y a toujours pas de date fixée pour un rencontre entre les présidents et les deux responsables chargées de préparer la rencontre, Meritxell Batet (ministre espagnole de la Politique territoriale) et Elsa Artadi (ministre de la Présidence et porte-parole du gouvernement de Catalogne) ne se sont même pas encore vues. Le vice-président catalan et ministre de l’Économie, Pere Aragonès, prévient que “si la souveraineté est exclue du dialogue, des situations dont personne ne veut se reproduiront”. Tous les responsables catalans réitèrent leur fidélité au mandat du référendum du 1er octobre qui a donné, avec 43% de participation, 90% de oui à l’indépendance ainsi que la nécessité d’un « dialogue sans conditions ni renoncement » d’aucune des parties, si l’on veut avancer dans la résolution de la crise.
Le juge devant les tribunaux ?
Sur le front judiciaire, les changements sont imperceptibles. La seule nouveauté est l’offensive des autorités catalanes contre les magistrats espagnols. Le gouvernement de la Generalitat, le Parlement de Catalogne et les ministres exilés ont déposé des plaintes contre les juges et les tribunaux espagnols pour violation des droits politiques des députés, prévarication et détention illégale (non respect de l’immunité des élus, non respect des droits civils des détenus non condamnés, les décrets de la Generalitat n’ont pas été publiés au Journal officiel). En outre, la justice belge a décidé de convoquer Pablo Llarena pour violation des droits de la défense et a ouvert une enquête pour espionnage présumé de Carles Puigdemont par les services secrets espagnols sur le territoire belge.
Une répression judiciaire imparable ?
Pour l’instant, la machine répressive espagnole ne semble pas impressionnée ni ralentie par ces recours. Le juge Llarena -lui-même…- a rejeté la récusation présentée contre lui par plusieurs inculpés catalans pour partialité et continue de refuser, l’une après l’autre, toutes les demandes de mise en liberté (Forcadell, Junqueras, Romeva) déposées, au motif que « il existe un risque d’évasion et de récidive » (œuvrer en faveur de l’indépendance) parce que les mis en examen ont eu un « rôle de premier plan » au sein des organisations politiques et sociales pour « soutenir le processus ». De même que sont refuséss les mesures de rapprochement vers des prisons catalanes (demandes des familles), même après l’annonce de la fin de l’instruction et la prochaine célébration du procès. Le 26 juin, l’ancien ministre de l’Intérieur Joaquim Forn sera auditionné par le Tribunal suprême avec de nouveaux témoignages pour justifier sa demande de libération. Les prisonniers Raül Romeva et Oriol Junqueras ont également annoncé qu’ils déposent une plainte pour les images enregistrées dans la prison et diffusées aux médias.
Après des mois de mise en examen, le juge a décidé de lever les mesures préventives contre les quatre députés accusés de désobéissance (liberté de mouvement, récupération de leur passeport et des 25 000 € de caution). En réponse à la campagne en cours de la presse espagnole contre les rubans jaunes (symbole de la défense des prisonniers politiques) qui causeraient violence et tensions dans la société en particulier contre les anti-indépendantistes, des médias ont rendu public qu’entre le 8 septembre et le 11 décembre 2017, 139 incidents violents en défense de l’Espagne ont eu lieu en Catalogne ; deux agressions ont encore eu lieu cette semaine contre des personnes portant le ruban jaune. Dimanche 10 juin, les médias catalans se sont fait l’écho d’une manifestation de 43 personnes (avec tatouages SS et symboles d’extrême droite, faisant le salut fasciste) hurlant devant TV3, la télévision catalane, en demandant sa fermeture. Pendant ce temps suivent également leur cours la procédure judiciaire contre le maire de Verges, Ignasi Sabater, accusé d’incitation à la haine pour avoir laissé entendre que la police espagnole aurait pu être la cause de la crevaison des roues de 150 véhicules le jour suivant le référendum. Le mardi 12 juin, après six mois de contrôle par Madrid, la police est revenue perquisitionner dans les locaux de la Generalitat pour l’enquête sur le référendum. De même que la Guardia civil est entrée à la mairie de Girona à la recherche d’éléments dans l’enquête pour corruption contre le parti de Carles Puigdemont lorsqu’il était maire. Et tandis que les castellers de la Colla Vella dels Xiquets de Valls (les groupes de culture populaire qui construisent des tours humaines) manifestaient ce samedi 16 juin devant les prisons de Madrid (8 mois jour pour jour après l’emprisonnement des responsables associatifs d’Òmnium et de l’ANC) en soutien des prisonniers, la police a procédé au contrôle de l’identité des 70 manifestants et journalistes…