Le convoi mortuaire des apiculteurs de Bretagne est arrivé ce matin à la Chambre régionale d’agriculture, à Rennes, avec ses dizaines de ruches dévastées par la mortalité exceptionnelle qui a frappé les abeilles de Bretagne cet hiver.
Le message était clair : il faut en finir avec les pesticides et les fongicides, premiers responsables de la mortalité des abeilles et des insectes en général. « C’est de pire en pire : contrairement aux engagements pris lors du Grenelle de l’Environnement, on est passé du curatif au préventif. Les pesticides s’imprègnent dans la plante et les pollinisateurs n’ont aucune chance d’y échapper. » Dans le viseur également, les discours officiels rendant responsables du désastre les apiculteurs eux-mêmes, accusés de ne pas avoir traiter correctement leurs essaims contre les parasites. Argument balayé par les professionnels : « Il y a toujours eu des parasites, mais la mortalité de cet hiver est exceptionnelle. Et, à traitement équivalent, on a des taux de mortalité très différents seront les lieux, de 15 % à 100 %. Le problème, c’est l’état de l’environnement. » Un apiculteur trégorrois confirme : « Chez moi, c’est 65 % de perte en moyenne, mais nettement moins en zone boisée, là où les ruches sont abritées des pollutions agricoles. Et je suis la situation des abeilles d’Ouessant : elle ne sont qu’à 6,8 % de pertes, dix fois moins que chez moi. Le lien avec la présence ou l’absence de pesticide semble évident… ».
Selon les organisateurs du rassemblement, les autorités sanitaires ne joueraient pas pleinement leur rôle : « on contrôle la présence de parasites mais pas celle de molécules issues de l’agrochimie ». Face au manque d’information fiable, le maire de Langoelan, Yann Jondot, propose que les communes initient un recensement des ruches et des épisodes de mortalité exceptionnel, afin d’appuyer les demandes d’indemnisation et de protection des apiculteurs.
Plutôt que de cibler les agriculteurs eux-mêmes, « première victimes de l’agrochimie sur le plan sanitaire et économique », les apiculteurs reprochent aux responsables agricoles d’avoir longtemps ignoré leurs alertes. « Disons le clairement, beaucoup d’entre eux sont vendus aux lobbys. Ils achètent même des apiculteurs : on trouve des sites internet de collègues qui disent qu’il n’y a aucune problème si on traite les abeilles contre les parasites, et en bas des pages on trouve le logo de BASF… ».
L’Union démocratique bretonne, représentée des militants de la section de Rennes, soutient le mouvement des apiculteurs. Pour Nil Caouissin, porte-parole, « La lutte pour la protection des abeilles est une lutte pour la vie et pour la liberté. Pour la vie, parce que l’effondrement de la population des insectes et notamment des insectes pollinisateurs a des conséquences dramatiques sur l’ensemble de la chaîne alimentaire… dont nous faisons partie. Et pour la liberté, parce que la disparition des pollinisateurs naturels ouvrirait la voie aux pollinisateurs artificiels de l’agrobusiness : abeilles OGM et micro-robots sont déjà dans les cartons… Cela voudrait dire que quelque firme piloteraient de manière centralisée un maillon essentiel de la chaîne du vivant, pour des intérêts particuliers. En faisant reculer la biodiversité, on fait également reculer l’autonomie à laquelle les êtres humains, agriculteurs ou non, doivent avoir droit. »
Étaient également présents la Confédération paysanne, Eau et rivières de Bretagne, Solidarité paysans, la FRAB, et des élus tels que Christian Derrien, maire de Langonnet et conseiller départemental, Mathieu Theurier, vice-président en charge de l’Economie sociale et solidaire de Rennes Métropole, Joël Labbé, sénateur du Morbihan, et Yannick Kerlogot, député de la circonscription de Guingamp.