Un accord militaire conclu avec Fincantieri pour débloquer le dossier STX

Au printemps dernier, le président Emmanuel Macron avait dénoncé l’accord scellé entre STX, le chantier naval situé en Bretagne (Saint-Nazaire) et Fincantieri, un des fleurons industriels de l’Italie. L’État avait donc bloqué le dossier, provoquant la colère de Rome. Un accord vient d’être trouvé.

À première vue, on a du mal à percevoir ce que le nouvel accord apporte de plus à la France qu’au printemps dernier. Les garanties sur l’emploi et le non-transfert de technologie aux chantiers navals chinois alliés de Fincantieri étaient en effet déjà présentes dans le premier projet. On imagine par contre que certaines tractations ont eu lieu en coulisse et qu’elles ne concernent pas les paquebots, mais bien plutôt l’aspect militaire. Ce qui était à peine évoqué il y a quelques mois est désormais officiel : « les gouvernements français et italien expriment leur intention de bâtir une industrie navale européenne plus efficace et soutiennent activement les initiatives en faveur du renforcement de la coopération militaire franco-italienne et du développement à l’international. C’est dans cet esprit qu’ils vont étudier les modalités de la mise en place d’une Alliance progressive, ambitieuse et équilibrée. » On est donc bien loin des paquebots !

À Saint-Nazaire, c’est bien Fincantieri qui sera à la manœuvre avec 50 % du capital. Afin de laisser l’entreprise libre de ses choix, l’État français (34,34 % du capital) a accepté de « prêter » 1 % du capital de STX afin que Fincantieri puisse disposer d’une majorité. Ce prêt, consenti sur une période de 12 ans, « pourra être résilié par l’État français au cours d’une période de trois mois précédant la date de ses deuxième, cinquième, huitième et douzième anniversaires, après évaluation de l’exécution par Fincantieri de ses obligations en matière de respect des règles de gouvernance, de préservation de la propriété intellectuelle et des savoir-faire, d’appui au développement des chantiers navals, de préservation de l’emploi et des sous-traitants et d’égalité de traitement au sein du groupe ».

Cet accord signera-t-il un début de politique européenne en matière militaire ? Difficile à dire. Mais on a désormais confirmation que le blocage français sur le dossier STX était une manière de négocier un rapprochement militaire entre Fincantieri et Naval Group qui détient désormais 10 % du capital. Selon le journal Les Echos, le président de Naval Group, Hervé Guillou, « reste persuadé que sans consolidation, l’industrie navale militaire européenne ne survivra pas face à une concurrence de plus en plus féroce des Russes, Chinois, Coréens ou Turcs… ». Or, les partenaires se font rares et Naval Group devait craindre d’être isolé. Si certains doutaient de l’importance du secteur militaire en France, ils sont fixés : l’industrie militaire française, comme ailleurs dans le monde, est en pleine recrudescence depuis plusieurs années.

La CFDT, dans un communiqué du 27 septembre, estime que ce « montage [est] « astucieux » sur le papier mais nécessitera, dans la réalité, une vigilance accrue sur la gouvernance de l’entreprise ». Les salariés qui devraient disposer de 2 % du capital pourront compter sur un administrateur. Mais logiquement, il est difficile de dire si sa voix sera entendue face aux 7 autres (4 pour Fincantieri dont le président et le PDG), 2 pour l’État français, 1 pour Naval Group, ex-DCNS) ? Surtout quand les enjeux sont si stratégiques…

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]