Catalogne : quand la légitimité se heurte à la légalité

Alors que la Catalogne fête aujourd’hui sa fête nationale, la mobilisation a cette année une saveur particulière pour tous ceux qui rêvent d’indépendance. Malgré les menaces de Madrid, le parlement catalan a en effet autorisé le référendum d’autodétermination qui aura lieu le 1er octobre. Et voilà la Catalogne pris entre deux feux : la légalité et la légitimité.

Après des dizaines d’appel au dialogue et d’avancées institutionnelles méprisées, les partis politiques catalans ont décidé de mener leur propre agenda politique jusqu’à l’indépendance. Lors des dernières élections en octobre 2015, une liste d’« union » de la CDC (libéraux) et d’ERC (gauche républicaine), Junts Pel Si, s’était créée pour s’assurer une majorité en Catalogne. A cette liste s’ajoutait la CUP (gauche radicale) qui, bien que s’étant présentée seule, a conclu un pacte avec le gouvernement catalan pour avancer vers l’indépendance. Ces trois formations ont remporté 73 députés sur 135 au Parlement et se sont donc assurées une légitimité vis-à-vis des électeurs catalans qui savaient quel était le programme…

On savait Madrid tendue, mais depuis quelques jours, les autorités espagnoles sont complètement dépassées. Des policiers ont été envoyés par le gouvernement bloquer une imprimerie pour éviter que ne soient tirés les bulletins de vote. De même, après quelques hésitations, il semblerait que la maire de Barcelone, Ada Colau (gauche espagnole), se range à la légalité (donc à la Constitution espagnole) en refusant de prêter des locaux pour voter. D’autres maires ont déjà assuré qu’ils ne laisseront pas ce référendum avoir lieu. Face à ces manœuvres, Marta Rovira, la secrétaire générale d’Esquerra Republicana de Catalunya, a twitté qu’« exercer son droit de décider de notre futur, c’est ça la démocratie ».

C’est justement pour ce combat démocratique et pacifique que la fondation Maurits Coppieters (dont est membre Le Peuple breton) a décidé de récompenser Carme Forcadell à la fin du mois de septembre. Co-fondatrice de l’ANC (Assemblea Nacional Catalana), une organisation populaire qui a pour but l’indépendance politique de la Catalogne sous la forme d’un État de droit, démocratique et social, elle en a été la première présidente. C’est cette association qui a notamment organisé la chaîne humaine de 400 kilomètres en 2013 et le « V » de la Victoire dans les rues de Barcelone en 2014 qui avait rassemblée près de 2 millions de personnes. Une démonstration de l’envie d’indépendance de la part du peuple catalan.

Visiblement, beaucoup d’acteurs politiques catalans ont oublié que l’État est au service du peuple et non l’inverse. Et qu’en aucun cas une Constitution ne peut remplacer l’avis du peuple qui, lui seul, est souverain. Les Catalans veulent voter, on ne voit guère comment le gouvernement espagnol pourra empêcher la tenue d’un vote tout en conservant une image de démocrate. Mariana Rajoy a répété plusieurs fois que les indépendantistes catalans « n’ont pas de soutien ». Dans ce cas, pourquoi refuser le vote ? Le roi étant garant, légalement, de « l’intégrité territoriale » de l’Espagne, osera-t-il envoyer l’armée contre une revendication légitime ?

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]