Paul Molac : « la Bretagne doit être force de proposition »

Élu député pour la première fois en 2012 dans le cadre d’un accord UDB-EELV-PS, Paul Molac a fait en 2017 un choix stratégique différent de celui de l’Union démocratique bretonne en se présentant sous l’étiquette « La République en Marche » à l’élection législative dans sa circonscription de Ploermel. Ce choix lui a permis d’être élu au premier tour. Il conserve néanmoins des liens avec Régions et peuples solidaires et participe à l’Université d’été de la fédération à Kintzheim, en Alsace. Le Peuple breton l’a interrogé sur les premiers mois à l’Assemblée Nationale.

Le Peuple breton : comment avez-vous vécu le début de la nouvelle mandature ?

Paul Molac : la mise en place d’une nouvelle majorité est toujours un peu compliquée. Certains députés n’ont pas encore pris la mesure de leur tâche tant en circonscription que dans l’hémicycle. Ils représentent le pouvoir législatif qui est distinct du pouvoir exécutif. Cette séparation des pouvoirs, base de notre démocratie, nécessite à la fois responsabilité mais aussi indépendance d’esprit. Cet apprentissage se fait, mais la majorité a toujours plus de mal à couper ce lien incestueux avec le président nouvellement élu, quant à l’opposition, elle se plaît à s’opposer parfois inutilement voire de façon caricaturale.

Après l’élection de trois députés nationalistes en Corse, on aurait pu s’attendre à ce que vous siégiez dans le même groupe. Finalement, ils siègent avec les non-inscrits et vous au sein du groupe « La République en Marche ». Pourquoi ne pas avoir formé un groupe commun ?

Nous n’avons pas réussi à rassembler les 15 députés nécessaires à la constitution de ce groupe qui aurait pu avoir comme noyau la défense des territoires et des peuples qui forment l’ensemble français. Le groupe aurait pu être pluriel. Je m’inscris, pour ma part, dans la nouvelle majorité car je pense que la volonté de secouer le modèle napoléonnien-parisien doit être accompagné et soutenu. En tout cas, c’est bien ce message que je ferai passer.

Vous aviez déposé de nombreux amendements au projet de loi de moralisation de la vie politique. Pour vous, le projet finalement adopté est-il de nature à rétablir la confiance des citoyens dans leurs représentants ?

Ce n’est pas une loi qui rétablira la confiance. Cette confiance n’est d’ailleurs pas si érodée que nos commentateurs politiques veulent bien le dire et l’abstention a bien d’autres raisons. Pour parcourir ma circonscription de long en large, les citoyens font globalement confiance à leurs élus mais comme tout un chacun, ils déplorent les dérives. Si cette loi ne peut le faire, elle pose quelques règles qui sont bienvenues et qui étaient attendues. Mes regrets touchent à la suppression de la réserve parlementaire qui est fort utile pour soutenir des projets associatifs et les petites communes. Je déplore également le refus de toucher au pantouflage et privilèges de la Haute administration, voire de mettre fin à la confusion des pouvoirs dans le cas du verrou de Bercy notamment et ce malgré les amendements que j’ai pu porter.

Nicolas Hulot a annoncé qu’il faudrait fermer jusqu’à 17 réacteurs nucléaires pour tenir les objectifs de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie. En tant que parlementaire, soutiendriez-vous un tel virage dans la politique énergétique française ?

Bien évidemment que Nicolas Hulot peut compter sur mon soutien total. Il est temps de passer aux énergies renouvelables ce que nous avons commencé à faire en Bretagne avec l’éolien, le photovoltaïque, les énergies marines et la méthanisation. Je me suis d’ailleurs particulièrement impliqué dans ce dernier domaine avec les agriculteurs.

Emmanuel Macron se présente comme un girondin, mais continue de réduire les ressources des collectivités locales. Y a-t-il vraiment un espoir d’obtenir des mesures de décentralisation sérieuses dans ce contexte ?

Là est tout le problème. Hollande était plutôt girondin, mais la réforme de la carte des régions est une erreur manifeste. Finalement, l’esprit « grand français » et techno de l’administration a pris le dessus réduisant à néant la volonté de réforme. La réforme est brouillonne, inachevée et finalement inefficiente. On a refusé au final de faire confiance aux territoires.

Pour Macron, il était, parmi les principaux candidats à la présidentielle, le moins jacobin. Tous les autres étaient soit ultra-jacobin (Fillon, Le Pen et Mélenchon), soit n’avaient pas fait preuve d’un quelconque intérêt sur ces questions par le passé, à l’instar de Benoit Hamon. De plus, Macron propose de ne laisser que deux échelons administratifs au-delà de la commune, de changer la Constitution pour permettre des expérimentations différenciées et en appelle aux collectivités pour lui faire des propositions. De nombreuses incertitudes demeurent mais c’est plutôt un début intéressant. Aurons-nous les capacités politiques de faire changer les choses ? Là est tout l’enjeu.

La réforme territoriale du quinquennat de François Hollande a laissé de nombreuses frustrations. La Bretagne n’est pas réunifiée, l’Alsace ne dispose plus d’une région administrative… Comment rouvrir le dossier, alors qu’Emmanuel Macron a déclaré que de nouvelles modifications de limites des régions n’étaient pas à l’ordre du jour ?

Pour la Bretagne, les forces politiques sont-elles capables de présenter un projet qui tienne compte de l’assemblée unique sur 5 départements ? J’y travaille, mais un mouvement collectif à la fois populaire et institutionnel est nécessaire.

Pour l’Alsace, il faudrait que la demande soit portée par les élus dans un premier temps et qu’ils fassent une proposition dans le cadre d’une expérimentation. Le problème reste le changement constitutionnel. Les élections sénatoriales sont un enjeu à bien des niveaux, mais aussi sous cet aspect. Sans majorité des trois-cinquième du parlement, il n’y aura aucun changement constitutionnel et donc pas d’organisation différenciée des collectivités locales…

Participerez-vous à la manifestation du 30 septembre pour la réunification de la Bretagne ?

Bien évidemment. La Bretagne c’est toujours à 5.

La situation de la Corse, qui a obtenu une Assemblée unique fusionnant les départements et la collectivité territoriale existante, ouvre-t-elle la voie à la création d’une Assemblée de Bretagne, comme l’avait proposé Jean-Jacques Urvoas durant le précédent quinquennat ?

Elle peut bien sûr. Les aspects techniques seront levés s’il existe une volonté politique partagée. Les départements sont-ils prêts à ce grand changement ? Comment emporter la décision ? Je souhaite la réalisation d’une grande conférence en Bretagne dans les prochaines semaines dont le but serait de lancer un appel collectif (élus, associatifs, monde économique et culturel) pour la constitution d’une collectivité unique. C’est un combat que je mènerai , en gardant à l’esprit qu’Emmanuel Macron a pour objectif de réduire le nombre de départements. Le Bretagne doit être force de proposition.

La majorité précédente avait approuvé une proposition de loi favorable au développement des langues minoritaires (enseignement, médias, signalétique…). Peut-on espérer que ce texte soit repris par la majorité actuelle ?

Il faudrait que le texte soit repris au Sénat pour continuer la navette parlementaire. Cela sera à voir après les prochaines élections sénatoriales. La chose est envisageable en tout cas.

> Ar Skridaozerezh / La Rédaction

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