
Une frontière est-elle comme un check-point régulant lʼaccès à une salle de cinéma ? Ou bien une frontière est-elle un espace dʼéchange et de rencontre à lʼimage de la place de la poste de Douarnenez pendant le festival de cinéma, dont elle est le véritable point dʼentrée ? Petit détour dans un festival bien connu de Bretagne.
À lʼheure où certaines frontières ne sont plus ni des points de contrôle, ni des lieux dʼéchanges, mais des murs dont le résultat le plus probant est de contribuer à enrichir passeurs et trafiquants, la frontière est le thème central de la quarantième édition du festival de cinéma de Douarnenez.
La frontière, thème central dʼun festival consacré habituellement aux peuples minoritaires ? Oui, dʼune part parce que la frontière éparpille chez les Kurdes et les Yézidis, contraints au quotidien en Israël et Palestine, englobe de manière forcée ici ou là, et de plus en plus est portée comme remède miracle dans les discours politiques, même au sein de lʼEurope et de lʼAmérique du Nord, pourtant berceaux théoriques de la liberté…
Et oui dʼautre part parce que la frontière, par ses ambivalences, ses enjeux, ses mondes dʼentre-deux mondes est un objet éminemment cinématographique. De la Roumanie au Mexique, des Corées au Canada, les frontières sont le théâtre d’œuvres parfois dramatiques, souvent poétiques, toujours bienveillantes, sur les jeux de pouvoirs de la comédie humaine.
Pour explorer ce vaste champs de réflexion, le festival de Douarnenez ouvre cette année une nouvelle salle de projection, en plus de celles déjà proposées précédemment, à la salle des fêtes. Bien lui en a pris, car depuis samedi, lʼaffluence ne se dément pas, et le nombre de séances de rattrapages va atteindre des records en 2017.
Entre deux films, place au débat et à lʼéchange. Dʼune part, coté comptoir de la place où la discussion avec les réalisateurs se prolonge souvent tard. Dʼautre part, dans le cadre des palabres encadrés, les débats au programmes, occasions dʼéchanger avec Edwy Plenel ou avec le géographe Stéphane Rosière, qui a martelé dès le premier soir que le problème de la frontière est un sujet plus prégnant là où lʼEtat se vit comme un État-nation, et non comme un simple outil de gestion du collectif sur un espace.
« Douarnʼ », cʼest aussi, comme tous les ans, lʼoccasion de mettre en valeur lʼimportance de la production audio-visuelle en Bretagne. Du cru 2017, l’événement attendu était bien sûr le début de la série à suspens en langue bretonne, Fin ar bed, fruit de longues années de travail, qui arrivera sur vos écrans de télévision cet automne. Mais cʼest aussi lʼoccasion de mettre en valeur le méticuleux travail de cinéma dʼanimation de sociétés du bassins rennais, comme JPL Films ou Vivement Lundi, deux entreprises culturelles qui travaillent avec plusieurs dizaines de pays et sont les piliers dʼune véritable filière bretonne. Et puis, cʼest lʼoccasion de découvertes, comme le film Armor Atav, dʼEmmanuel Roy. Un film où deux langues se mêlent en permanence, les personnages parlent en breton avec des brittophones, en français avec les autres, comme dans la vraie vie. Pas un film pour en breton pour brittophone ou en Bretagne en français. Frontière, vous avez dit frontière ?
« Ici, on repart avec plus de questions au départ quʼà lʼarrivée », a déclaré ce jeudi le directeur du festival lors dʼun rendez-vous en mairie, manière de dire aussi que la principale frontière quʼil entend faire bouger est celle de lʼintelligence collective.
Il reste une journée ce samedi 26 août pour profiter du festival de Douarnenez. Mieux vaut venir dès le matin, pour être certain dʼen profiter comme il se doit, en picorant dans les différents thèmes proposés.