Andrew Long : « nous, les cornouaillais, sommes toujours des étrangers pour Londres »

Andrew Long, ici en compagnie de Lauren, serveuse sur le stand Cornouailles.

Andrew Long est membre du comité national du Mebyon Kernow, parti cornouaillais partenaire de l’Union démocratique bretonne au sein de l’Alliance libre européenne. Il a été réélu au conseil de Cornouailles pour la 3ème fois avec 55 % des votes et siège avec 3 autres membres de son parti. Le Peuple breton l’a rencontré au festival interceltique de Lorient où il tient le stand Cornouailles depuis 7 années.

Le Peuple breton : tu viens au FIL tous les ans. Qu’est-ce que tu penses de cet événement ?

Andrew Long : Cela fait 30 ans que je viens en Bretagne. Ma ville, Callington, est jumelée à Guipavas et c’est un jumelage qui fonctionne. J’ai trouvé en Bretagne une deuxième famille. Concernant le festival, c’est une opportunité pour la population de faire la connaissance de la Cornouailles, la nôtre, pas la bretonne ! J’ai remarqué que depuis quelques années, la raison des visites dans mon pays change : l’Histoire, la culture, la langue prennent de plus en plus de place. Si bien que les autorités commencent à rendre bilingue la signalétique.

C’est le Conseil qui paye le stand ?

Non, c’est un stand privé payé par quelques cornouaillais dont je fais partie. Seuls les barmen sont payés sur le stand, les autres personnes sont bénévoles [ndlr : parmi elles, un militant UDB]. Le gouvernement a annoncé qu’en 2021, il ne donnerait plus rien à la Cornouailles. Aujourd’hui, notre budget de 1,2 M£ est composé de 400 M£ de dotations de Londres et de 800 M£ de taxes locales. Le conseil cornouaillais n’aimait pas l’image que nous véhiculions et ils ont décidé de baisser la subvention que nous demandions. En 2017, nous n’avons rien eu. Samedi dernier, c’était notre meilleur chiffre depuis 7 ans, mais je ne suis pas sûr que nous soyons à l’équilibre cette année.

Quel est ton regard sur le Brexit ?

En ce moment, les négociations sont en cours à Bruxelles. Moi, j’ai voté pour rester dans l’Union européenne. La plupart des jeunes que je connais aussi. Mais les anciens ont voté massivement pour la quitter. Le rêve d’un retour de l’empire britannique passé sans doute ! 56 % des plus âgés ont voté pour quitter l’Union européenne. Les gens croient toujours que l’Europe, c’est pour les autres et qu’eux paient. Pourtant, la Cornouailles a bénéficié des fonds européens. Cela étant dit, le vote, c’est le vote. La démocratie a parlé et je ne veux pas d’un nouveau vote. Je constate juste que rien ne change au Royaume-Uni. En vieil anglo-saxon Korn Whelas signifie « les étrangers dans le coin ». Nous sommes toujours des étrangers pour Londres.

Un pays étranger où il fait bon vivre ? Du moins pour les anglais…

Oui, nous avons beaucoup de résidences secondaires en Cornouailles. Le prix des maisons est trop élevé pour les locaux, la pression immobilière vient d’Angleterre. Mais tu sais, les anglais votent aussi pour le Mebyon Kernow. Le problème du parti, c’est le même que pour vous : c’est d’abord la médiatisation. Les gens ne voient pas comment nous pourrions changer le système. Pourtant, il le faut : 30 % des jeunes sont sous le seuil de pauvreté chez nous.

Cela me fait penser à une vieille affiche du MK publiée dans le livre de l’ALE qui dit qu’en Cornouailles, il y a deux sortes de personnes : les riches et les cornouaillais. Cette affiche est très forte.

Il faut que nous arrivions à faire comprendre que le MK travaille pour les gens. Je suis cornouaillais par choix, pas par accident de naissance ! On ne choisit pas où l’on naît. Le civisme est le secret de la réussite du SNP. Au pays de Galles, en revanche, le Plaid gagne ses sièges dans les régions où l’on parle gallois. En Cornouailles, ceux du MK qui remportent des sièges bénéficient d’un vote personnel. Dick Cole, le président du MK, a remporté son siège avec 86 % des votes ! Un score digne d’une dictature ! Pour nous comme pour vous, le problème est de casser le mur. Le MK n’est pas réservé aux cornouaillais, comme l’UDB ne s’adresse pas qu’aux bretons.

Justement, avec un tel score, pourquoi Dick ne s’est pas présenté aux dernières élections législatives ?

C’est tout simplement une question d’argent. Il y a 6 sièges en Cornouailles. Pour une bonne campagne, il faut compter plus de 20000£. On a pas cet argent. Qui plus est, il y a une polarisation des votes importante autour des Tories et du Labour. Nous n’avons pas assez de chance de l’emporter pour investir une telle somme. Le vote utile existe aussi en Cornouailles. Certains soutiens de Dick voyaient qu’ils avaient l’opportunité de décapiter les conservateurs donc ils ont voté pour le Labour ou les libéraux. Mais la prochaine fois, on essaye d’y aller !

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]