Le dimanche 18 juin a vu la victoire historique de trois nationalistes corses membres de l’union Pè a Corsica (autonomistes et indépendantistes) : Jean-Félix Acquaviva, Michel Castellani et Paul-André Colombani. Si les nationalistes corses voguent de succès en succès après la victoire de Gilles Simeoni à la mairie de Bastia en 2014 suivie de la prise du Conseil territorial de Corse en 2015, il était souvent considéré que les élections législatives n’étaient pas « leur » élection. Et pourtant…
Si le Graal est bien l’accès au pouvoir dans l’île, des questions pouvaient se poser au sein de la population quant à l’utilité d’envoyer des députés nationalistes siéger à Paris. La réponse aura été très claire : les Corses ont envoyé les trois candidats nationalistes qualifiés pour le second tour user de leurs talents au Palais Bourbon pour faire entendre la voix de leur peuple.
Une autre possibilité historique, tâche toute aussi ardue que la première, aurait pu consister en la création d’un groupe parlementaire progressiste et écologiste articulé autour du girondinisme et de la défense des territoires (hypothèse défendue par l’Union démocratique bretonne durant la campagne des législatives). Malgré l’effort des trois députés nationalistes et de certains de leurs collègues, notamment de Bretagne, aux sensibilités autonomistes proches, cette tâche s’est avérée impossible à franchir cette fois-ci. La réunion de 15 députés aux contingences personnelles et politiques différentes sur une position commune, concernant notamment le positionnement vis-à-vis de la majorité et du degré d’autonomie défendue, s’est apparenté à la nécessité d’un consensus insuffisant. Des pressions en haut lieu auront aussi peu à peu décidé certains députés intéressés par cette ambition à devoir rester au chaud dans le groupe politique qui leur était assigné.
Pourtant, il s’en est fallu de peu que la création de ce groupe à forte connotation « régionaliste » ne voit le jour. Seuls trois députés manquaient à l’appel à quelques heures de la date limite. Les trois autonomistes Corses siégeront donc en non-inscrits, ce qui réduira leur moyen d’action et d’expression dans l’hémicycle. Ils seront toutefois restés clairs sur leurs valeurs et auront tenu à respecter le mandat de leurs électeurs alors que se profilent des élections territoriales décisives en décembre, pour la première fois dans le cadre de la collectivité unique.
On pourra regretter ce train manqué de peu, mais cela serait faire abstraction de l’élection historique de ces 3 députés autonomistes Corse. La simple possibilité de construire un tel groupe est déjà une première victoire en soit. Il faudra surtout se rappeler que cet attelage de 12 députés autonomistes, radicaux, écologistes et divers gauche issus de Corse, des outre-mer, de Bretagne et du reste du territoire métropolitain, saura maintenir des liens durant toute la législature pour travailler de concert sur les dossiers tenant à la défense et à la reconnaissance de la diversité des territoires. Ce seront autant de voix disséminées dans plusieurs groupes de l’Assemblée nationale qui sauront se faire entendre. Et qui sait si ce groupe ne pourrait pas voir le jour plus tard dans la législature lorsqu’aura davantage mûrie la réflexion autour de cette nouvelle avant-garde ?