Législatives 2017: adresser un avertissement au gouvernement

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Le nouveau président, Emmanuel Macron, a réussi à emporter cette présidentielle sans toutefois recueillir une réelle adhésion à son projet. Le Peuple breton donne la parole à Nil Caouissin, porte-parole de l’UDB, afin de parler avenir…

Que penses-tu du gouvernement formé par Emmanuel Macron ?

Il faut tout d’abord se souvenir qu’il s’agit d’un gouvernement provisoire : il a des chances d’être remanié, voir complètement transformé, après les élections législatives. Je le vois donc comme une déclaration d’intention. Sans grande surprise, le premier ministre est issu de la droite. On peut s’attendre à une réforme dure du code du travail dans le sens d’une aggravation de la loi chômage de 2016, surtout si « La République en marche » dispose d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale.

Autre risque important, la baisse de dotations de 10 milliards d’euros promise aux collectivités locales, après plusieurs coupes successives durant le quinquennat Hollande. Derrière les références rocardiennes se cache la poursuite du centralisme. Quand on sait que le ministre de l’Intérieur est un des grands partisans de la « métropolisation » (c’est à dire surtout du développement de la région parisienne et de quelques points d’appuis reliés par les LGV), il y a du souci à se faire. Dans ce contexte, le ministère de la cohésion des territoires servira-t-il à autre chose qu’à donner un argument de campagne à Richard Ferrand face à Christian Troadec ?

Ne vois-tu pas d’un œil positif la nomination d’un écologiste au ministère de l’Environnement ?

Cela ressemble surtout à un coup politique. Cela dit, il y a des dossiers brûlants sur lesquels Emmanuel Macron semble hésitant : le CETA (traité de libre échange avec le Canada), à propos duquel on sent un flottement, la trajectoire de diminution de la part du nucléaire dans la production d’énergie… Si Hulot peut gagner des arbitrages, tant mieux. Dans ce contexte de flou, il ne faut surtout pas relâcher la mobilisation et maintenir ces thématiques dans le débat public.

La loi attendue sur la moralisation de la vie politique serait aussi un point positif, si elle ne sert pas de prétexte à écraser les petits partis, comme l’annonce la proposition de durcir l’accès au financement public.

Les élections législatives seront déterminantes : c’est là qu’on verra de quel côté penche la balance, entre jacobinisme et girondisme, entre libéralisme et souci de la justice sociale, entre transition écologique et verrouillage nucléaire… Nous nous tenons prêts à nous mobiliser sur tous ces fronts.

Justement, comment l’UDB aborde-t-elle les élections législatives ?

Comme annoncé, nous présentons nos candidats sous les couleurs de Oui la Bretagne, et dans le cadre d’une alliance à l’échelle de la France entière avec nos partenaires de Régions et peuples solidaires. Nous avons deux objectifs politiques : faire élire suffisamment de députés fédéralistes, en Bretagne et ailleurs, pour constituer un groupe parlementaire, et profiter de la recomposition politique pour faire bouger les lignes en faveur de plus de démocratie, plus d’autonomie et de respect de la personnalité des différents territoires ; et d’autre part, recueillir un maximum de voix pour adresser un avertissement au gouvernement. Une des urgences est d’empêcher la saignée de 10 milliards promise aux collectivités locales, saignée qui aurait des conséquences immédiates sur les services publics et la cohésion sociale.

Nos candidats sont pour certains issus de l’UDB, pour d’autres du MBP, et certains ne sont affiliés à aucun parti. Ils sont à l’image de la société bretonne, représentant de multiples professions : agriculteurs, ouvriers, étudiants, retraités, enseignants, élus locaux, aides à domicile, demandeurs d’emplois, agents des collectivités, responsables associatifs, chefs d’entreprise… Le programme complet de Oui la Bretagne, que portent nos 33 candidats, est consultable sur le site de campagne : http://www.oui-la-bretagne.bzh/fr/notre-programme/

Tu annonçais encore récemment 37 candidats Oui la Bretagne. Pourquoi être passé à 33 ?

Dans quatre circonscription, il y a eu des cas particuliers, avec des candidats qui étaient proches du programme de Oui la Bretagne et qui avaient pour certains été des compagnons de route. Ces candidats souhaitaient s’affilier à R&PS mais sans faire figurer de logos partisans sur leur matériel de campagne. Un accord a été trouvé avec deux d’entre eux, Daniel Cueff en Ille-et-Vilaine et Jean-Luc Bleunven dans le Finistère. Nous comptions aboutir sur deux autres circonscriptions mais cela n’a finalement pas été possible, et le temps nous manquait pour mettre en place des candidatures sérieuses.

Et après les législatives ?

Il y aura bien sûr l’attitude à tenir vis-a-vis du gouvernement et de sa majorité. Cette attitude dépendra des arbitrages rendus sur quelques sujets cruciaux : droit du travail, finances des collectivités, démocratie locale et décentralisation, nucléaire, environnement, traités de libre-échange… Même si nous ne nous faisons pas d’illusion, il faut attendre les législatives pour éclaircir la situation. Si la majorité présidentielle n’a pas de groupe hégémonique et si nous parvenons à faire élire des députés fédéralistes, nous ne serons pas seulement sur la défensive, nous pourrons aussi pousser pour des avancées institutionnelles, économiques et sociales. Il y aura des convergences à trouver avec ce qu’il restera des écologistes et de la gauche « sincère ». Au contraire, si un bloc libéral et centraliste obtient une majorité absolue, il ne restera que la mobilisation populaire pour limiter la casse.

À plus long terme, l’enjeu est bien sûr de se renforcer en Bretagne. On a vu ces derniers mois que le mouvement pour l’émancipation de la Bretagne manquait singulièrement de cohérence, avec des ralliements individuels et inconditionnels à « En Marche », sur la base d’espoirs qu’aucun point de programme n’étaye. On paie l’absence d’un grand mouvement structuré et d’une perspective de progrès sur nos propres bases. L’UDB entend les créer, mais elle ne le fera pas seule. Deux étapes importantes pour nous : la publication de notre livre programme fin 2017, puis la préparation des élections municipales. Pour progresser, il faudra que la prochaine ou le prochain candidat-e fédéraliste à l’élection présidentielle soit soutenue par une réseau d’élus et de maires.

> Ar Skridaozerezh / La Rédaction

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