En amont de l’assiette, la criée de Lorient !

Criée
Il est 4h45. Les rues de Lorient sont vides, mais le port de pêche bourdonne. Les dockers viennent de terminer leur travail et c’est l’heure de vendre le poisson. Le Peuple breton s’est rendu ce matin à la criée de Lorient, puis dans un atelier de mareyage au cours d’une visite organisée par l’association La Maison de la Mer.

Le port de pêche de Lorient n’a pas toujours été situé à Keroman. Fin XIXème-début XXème, les bateaux de pêche accostaient dans l’actuel bassin à flot où une criée aux poissons a été crée en 1889. Ce n’est qu’en 1927 que – l’activité prenant de l’importance – on décide de déplacer le port de pêche à l’endroit actuel où, auparavant, les lorientais… se baignaient !

Depuis, le port a fait du chemin. Premier port de pêche français en valeur, c’est aussi celui qui traite le plus grand nombre d’espèces de poissons (60 environ). Et à l’heure où la tentation isolationniste est forte chez certains électeurs, il suffit d’observation les caisses au lavage (de différentes couleurs) pour se rendre compte que Lorient est un carrefour maritime : Écosse, Irlande, Espagne, pays de Galles sans compter les dizaines de caisses issues des autres ports bretons. Lorient est définitivement liée à la mer et au poisson… jusqu’à son club de football, « les Merlus », créé en 1926 par Mme Cuissard, patronne d’un magasin de mareyage !

Hélas, Lorient a beau être une place portuaire importante, peu de gens connaissent réellement le port. Le Peuple breton a donc décidé de participer à une criée côtière ce matin. Dans l’imaginaire collectif, une criée aux poissons ressemble peu ou prou aux images que l’on se fait de la Bourse : des acheteurs entourant un crieur et hurlant eux mêmes pour réserver tel ou tel lot. Le métier a pourtant évolué : fini les criées bruyantes, les enchères aux poissons se font désormais avec un petit boîtier électronique et de façon assez silencieuse. Les lots de poissons issus de 30 à 50 bateaux défilent sur des tapis et sont présentés aux restaurateurs, aux poissonniers et même aux grossistes dans les caisses jaunes et bleues du port de Keroman : lottes, merlus, roussettes, congres, morgates… L’ordre de passage est tiré au sort même si, généralement, la langoustine passe en premier. La pêche étant fraîche, il faut aller vite.

Au total, ce sont 165 acheteurs qui sont agréés à participer à la criée. L’enchère est descendante et, comme le rappelle notre guide, « il faut appuyer au bon moment : ni trop tôt sous peine de payer assez cher, ni trop tard sous peine de se voir rafler le lot ». Les novices apprennent donc très vite. Dans une ambiance plutôt détendue, les acheteurs font leurs provisions et gèrent à distance pour compléter sur d’autres criées si certains lots leur échappent. Un prix minimum est toutefois indiqué par le marin : si le lot n’est pas acheté, il est retiré de la vente et vendu le lendemain dans une catégorie différente. Parfois, il est utilisé autrement.

Une bonne journée de pêche se traduit par environ 15 à 16 tonnes vendues en criée chaque matin. Pour une plus mauvaise, il faut compter 7 à 8 tonnes malgré tout. À noter que le groupement Intermarché, via sa filière Scapêche, n’est pas soumis aux variations de prix puisqu’il retire de la vente ce qui est destiné à leur magasin avant même que les produits ne passent en criée.

À l’heure où l’on parle de consommer local, mesurons la chance que représentent nos ports de pêche, nos marins et la filière qui en découle.

> Gael Briand

Journaliste. Géographe de formation, Gael Briand en est venu au journalisme par goût de l'écriture et du débat. Il est rédacteur en chef du magazine Le Peuple breton depuis 2010. Il a également écrit « Bretagne-France, une relation coloniale » (éditions Ijin, 2015) et coordonné l'ouvrage « Réunifier la Bretagne ? Région contre métropoles » (Skol Vreizh, 2015). [Lire ses articles]